31/10/2008
Belle sans ornement
C'est au château de Plessis-les Tours, où il était en résidence d'écriture, que Jean-Paul Wenzel a écrit une pièce qui lézarde son écriture habituelle. Abandonnant la veine réaliste, la Jeune Fille de Cranach nous conduit dans un univers étrange où se mêlent, conte fantastique, épopée symboliste, poème du quotidien.
Nouria (Lou Wenzel) qui se baignait nue dans un étang est surprise par un orage brutal. Elle se réfugie dans un château en ruines. La seule pièce où il ne pleut pas est tapissée de livres et occupée par un vieil homme (Claude Duneton), endormi dans un fauteuil à oreillettes, et qui semble l’attendre. Elle n’aimait pas lire, seulement rêver. Il va lui offrir des rêves troublants, car pour l’habiller, il ouvre une malle, d’où, l’une après l’autre, des robes éblouissantes vont la guider vers les œuvres picturales de Cranach*.
Cissou Winling, et Catherine Sardi reconstituent les vêtements raffinés des princesses de Saxe ou des saintes des retables et Lou Wenzel, belle sans ornement, sait être tour à tour une Vénus pudique et une effrontée. Elle retrouve aussi la robe rouge de Judith, l’héroïne mystique qu’elle a déjà brillamment interprétée. Elle est superbe, tissant les liens entre réalité et imaginaire.
Les références pleuvent : Maeterlinck, Giraudoux, et Gautier. Cependant le vieillard n’a rien à venger, la jeune fille n’est pas trahie, elle trouve au contraire l’âme sœur avec Michel (Gabriel Dufay), un jeune homme de son âge et les personnages des peintures de Cranach ne participent pas à des jeux érotiques ou funèbres, mais décillent les yeux des ignorants.
En réalité, dans cette rencontre entre un vieil érudit et une sauvageonne à apprivoiser, c’est toute l’histoire du jeune Wenzel qui transparaît. Promis à un « avenir tout tracé de tourneur-fraiseur », alors qu’il hésite «entre délinquance active et poésie approximative », il a seize ans quand il rencontre Claude Duneton qui lui fait découvrir l’art et la littérature. « Une belle histoire de passation » dit-il puisque sa fille, Lou, est maitenant comédienne et que Gabriel Dufay, a été son élève. Il les met tous en scène aujourd’hui.
Cueco, qui signe la scénographie, fait aussi partie de la fidélité du jeune homme à ceux qui l’ont ouvert au monde de la pensée. Claude Duneton joue merveilleusement le vieillard fragile, et Gabriel Dufay donne un jeune premier fier et sensuel.
La musique de Berry Hayward interprétée par des violes de gambe, trombone, orgue, flûte, est soutenue par une voix de femme. Sur les murs la video de Sarah-Jacquemont-Flumant et Laurent Ferrat, ponctue les séquences en masquant les livres. Dans l’eau profonde et sombre d’un étang semé de nénuphars, le paysage vacille, comme le spectateur.
C’est un spectacle envoûtant auréolé de mystère et marqué du signe de la tendresse.
La jeune fille de Cranach de Jean-Paul Wenzel
Mise en scène de l’auteur
à la Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris
www.maisondesmetallos.org - info@maisondesmetallos.org
01 48 05 88 27
du 21 octobre au 1er novembre
et du 9 au 20 décembre 2008 à 20h30
relâche les dimanches et le samedi 13 décembre
représentations supplémentaires à 16h les samedis
1er novembre et 20 décembre
Rencontre avec l’équipe artistique
les jeudis 23 octobre et 18 décembre
après la représentation
* Lucas Cranach est une peintre de la Renaissance (1472-1553)
La Jeune Fille de Cranach est édité par les Éditions Les Solitaires intempestifs
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