11/02/2015
Fin d'été à la campagne
Comme tous les étés, Bassov l’avocat (Hervé Pierre) a loué une grande datcha, pour sa famille, sa femme Warwara (Sylvia Bergé), sa sœur Calérie (Anne Kessler), son jeune beau-frère Vlas (Loïc Corbery).
Il y reçoit ses amis, l’écrivain Chalimov (Samuel Labarthe) en panne d’inspiration, et le propriétaire Rioumine (Alexandre Pavloff) secrètement amoureux de Warwara. Les Doudakov, Cyrille (Michel Favory) et sa femme Olga Doudakov (Martine Chevallier) ont loué, à proximité une plus petite datcha. On y reçoit aussi les Souslov, Piotr (Thierry Hancisse), sa femme Youlia (Céline Samie), qui flirte effrontément avec Nicolas (Pierre Hancisse). Leur oncle Doublepoint (Bruno Raffaelli), riche rentier, trouve cette bande de gens ennuyeux, mais par désoeuvrement, les fréquente assidûment. La saison estivale s’écoule lentement, entre « bavardages insupportables », pique-niques très arrosés, médisances, et « jérémiades » de ces petits-bourgeois et les commentaires fielleux des gardes (Christian Blanc et Jacques Connort). Mais Maria Lwovna (Clotilde de Bayser) doctoresse, par ses questionnements directs, sa sincérité, son attitude libre va briser les tabous.
Gérard Desarthe met en scène Les Estivants de Gorki, dans un espace ouvert planté de bouleaux (scénographie de Lucio Fanti) dont l’écorce dessine des figures humaines. Vlas ne déclare-t-il pas : « Mon père, un jour, a été un arbre » ? Et tous les ancêtres de cette terre ne surveillent-ils pas leurs descendants pusillanimes qui savent seulement se plaindre et jamais construire ? Ils sont tous prisonniers de leur veulerie, alors qu’il suffirait de vouloir pour changer leur monde. Leurs contradictions éclatent. Le mobilier de jardin est rouge, comme les praticables, sur lesquels à l’acte I on dit des vers ou joue du piano, et à l’acte II trône un bureau encombré de dossiers sur lesquels Vlas perd sa jeunesse et ses illusions.
Mais pour agir, il faut aimer. Et c’est Maria Lwovna qui, en aimant le jeune Vlas, bouscule cette petite société repliée sur elle-même. Alors, les hommes comme Bassov, Souslov, Doudakov, Chalimov, apparaissent plus triviaux, imbus de leur virilité, misogynes et solidaires,"des porcs", regroupés côté jardin, tandis que Warwara, Maria, Calérie s’en éloignent, côté cour, choisissant de les quitter pour s’engager dans des œuvres positives. L'été s'achève, et avec Vlas et Doublepoint, elles vont donner un sens à leur vie.
La mise en scène de Gérard Desarthe éclaire l’œuvre et la magnifie. Les comédiens, dans le décor poétique, les costumes seyants (Delphine Brouard), interprètent avec une grande maîtrise des personnages ambivalents aux émotions intenses.
Une belle réussite !
Photo :© Cosimo Mirco Magliocca
Les Estivants d’après Maxime Gorki
Version scénique de Peter Stein et Botho Strauss
Version française de Michel Dubois et Claude Yersin
Mise en scène de Gérard Desarthe
Comédie-Française, salle Richelieu
0825 10 13680
15:46 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, comédie-française, gorki, les estivants | Facebook | | Imprimer
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