30/09/2008
Cimetière marin
On entend le ressac de la mer, et au lointain, une cloche, par instants appelle. Mais l’horizon est fermé, et noir. L’homme (Yann Collette) est seul, et examine les stèles plantées en diagonale. Les petits graviers blancs crissent comme de la neige durcie (scénographie de Jean Haas). L’homme s’assied sur un banc, à cour, et médite. Et voici que surgit, comme par hasard, une jeune femme (Irène Jacob) qui semble le reconnaître. Lui est mélancolique, elle sourit. Lui se dit marié et fidèle. Elle est « peut-être venue pour le rencontrer ». Elle l’aime, depuis longtemps : « Tu m’as souvent manqué. ». Il résiste. Il est désabusé : « je ne peux pas supporter ces sentiments. » Elle le persuade de vivre dans l’instant. Il cède, ils s’éclipsent.
Un autre couple s'avance, la mère (Judith Magre) et le père (Simon Eine), tous deux vêtus de deuil. Elle porte une couronne mortuaire. Rien d’anormal, puisqu’ils viennent enterrer la grand-mère. Elle a reconnu son fils dans le couple qui s’est éloigné. Le père doute. Elle ressasse, il s’agace.
La mort, la vie, le temps qui passe, tout Jon Fosse est dans ces thèmes élégiaques. Les amours qui cassent, l’impossibilité de retenir le bonheur, la terrible quotidienneté qui ronge les couples et les délite. Tout se déroule comme dans un rêve, sans que les hommes aient conscience de leur vie. Le cimetière marin les attend tous.
L’homme revient, avec cette femme que la mère prend pour sa nouvelle épouse. Père et mère accablent l’homme de récriminations. Au moment de la cérémonie, paraît l’ex-épouse (Gabrielle Forest) avec ses griefs, et ses mauvaises nouvelles. C’en est trop… L’homme fuit définitivement.
Dans la mise en scène épurée de David Géry, le temps semble arrêté, et les humains recommencent éternellement les mêmes plaintes, les mêmes erreurs. Ils se pardonnent aussi. Mais c’est souvent trop tard.
Les comédiens interprètent magnifiquement ces personnages poignants. Dans leur jeu, s'opposent la lumineuse beauté et les grandes désillusions de la condition humaine.
Rêve d’automne de Jon Fosse
Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet
Jusqu’au 18 octobre
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18:47 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer
25/09/2008
Pagnol à la Comédie-Française
Marius, Fanny, César, ces trois prénoms marseillais ont fait le tour du monde, et si, des trois titres de la Trilogie, les deux premiers sont les plus joués, les acteurs qui les ont créés au théâtre chantent encore l’accent du Midi, dans la mémoire des cinéphiles. Certains avaient même oublié qu’ils furent d’abord joués au théâtre.
Fanny, pièce créée en 1931 faisait suite à Marius (1929). Elle raconte les tribulations d'une jeune fille, Fanny, qui ne peut, avec la morale de sa famille et les mœurs de l’époque, s'afficher comme fille-mère. C’était encore très mal vu. On la marie au « brave homme » de Panisse. Un enfant naît. Marius revient, on le renvoie à ses mesures « océanographiques ».
Quel scandale ce serait aujourd’hui de priver un homme de sa paternité ! J’imagine les ligues pour le droit des pères ! Et celles du droit des femmes à disposer de leur corps ! À l’heure où les femmes sont ministres et annoncent leur grossesse sans exhiber de mari, le sujet de Fanny peut paraître désuet.
Mais le monde de Pagnol vit encore, avec ce « café de la Marine », les bruit du port, les copains de bistrot, ses personnages truculents, leurs colères, leur tendresse, et nous avons tellement besoin d’amour…
Fanny (Marie-Sophie Ferdane) frêle jeune fille se transforme en jeune femme élégante, en devenant Madame Panisse, et si Andrzej Seweryn donne à Panisse moins de rondeur que Charpin, il lui donne une générosité émouvante. Honorine (Catherine Ferran) est une mama haute en couleurs, tout en contraste avec sa sœur Claudine (Sylvia Bergé). Le duo est épatant !
Jean-Baptiste Malartre joue un M. Brun sympathique, et Pierre Vial se multiplie avec bonheur : Escartefigue au premier tableau, il rempile en chauffeur au dernier acte. On en demande encore plus à Serge Bagdassarian, tour à tour Frise-Poulet, M. Richard, enfin Docteur Venelle. Il est admirable, dans tous ses rôles. Comme Stéphane Varupenne, grotesque Parisien en maillot de l’O. M. au premier acte, joyeux facteur au deuxième et douloureux Marius au dernier tableau. Reste le rôle de César que Gilles David ne peut empoigner sans que l’ombre de Raimu ne se glisse entre lui et nous. Et c’est difficile…
Nous connaissons par cœur les morceaux de bravoure, et nous les attendons, heureux de les reconnaître.
Les costumes de Nathalie Prats-Berling sont réalistes. La mise en scène d’Irène Bonnaud est sage. Derrière le rideau de perles de bois, le soleil éblouit le Vieux-Port. À jardin au fond, est perchée une statuette de la Bonne Mère, et à cour, vers le public un scaphandre. Le bar de César est constitué de cageots qui se déplacent avec les changements de décor. Ils seront le comptoir de Panisse, la bibliothèque de sa demeure bourgeoise. La scénographie de Claire Le Gal est ainsi prête pour une tournée dans des espaces moins riches que celui du Vieux-Colombier… on l’imagine dans tous les théâtres et toutes les salles des fêtes.
Pagnol à la Comédie-Française ? C’était justice. Après les tyrans de Corneille, les reines et les princesses de Racine, le XXe siècle y a installé ses boutiquiers et ses petites gens, une famille universelle. la nôtre.
Théâtre du Vieux-Colombier
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18:03 Écrit par Dadumas dans Film, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature | Facebook | | Imprimer
Un enfant du siècle
L’automne convient aux romantiques et particulièrement à Musset.
L’an dernier on jouait Fantasio au Ranelagh, avec Nicolas Vaude dans le rôle-titre, dans une mise en scène de Stéphanie Tesson (voir notre note du 19/09/07).
Cette année, on le retrouve à la Comédie-française dans une mise en scène de Denis Podalydès.
Comme la pièce n’a que deux actes, on y adjoint en prologue des poèmes ou des dialogues tirés des Œuvres du poète,
et la Comédie-Française ne déroge pas à la coutume (interprétés par Adrien Gamba-Gontard et Clément Hervieu-Léger).
On baigne donc dans des miscellanées de mélancolie et d’impertinence avant que le rideau ne se lève sur le supposé royaume de Bavière.
Le décor d’Éric Ruf est d’une élégance surannée. La construction légère plantée au centre de la scène évoque un kiosque à musique au milieu d’un jardin. Là s’y réunissent Fantasio (Cécile Brune) et ses amis (Adrien Gamba-Gontard, Guillaume Gallienne, Claude Mathieu, Christian Blanc et Clément Hervieu-Léger), là y passent le Prince de Mantoue (Guillaume Gallienne) avec Marinoni (Adrien Gamba-Gontard) son aide de camp, là encore le roi de Bavière y reçoit son futur gendre. Une passerelle mène au proscenium qui s’ouvre sur une fosse : fossé du château, cul de basse fosse, le lieu se décline aisément, et l’escalier dérobé joue un rôle essentiel dans le théâtre romantique.
Fantasio, jeune homme désabusé qui doute des hommes et de lui-même, entreprend de distraire la jeune princesse Elsbeth (Florence Viala), promise en mariage au Prince vaniteux. Fantasio se dépêchait de rire de tout, il prend la place du bouffon Saint-Jean qui vient de mourir. Elsbeth est romanesque, sa gouvernante (Claude Mathieu) encore plus qu’elle. Le roi son père (Christian Blanc) est un roi débonnaire qui sent bien que sa fille se sacrifie. Quel soulagement quand Fantasio manque de respect au Prince ! Le Prince se fâche, le mariage est cassé. Ah ! Dieu que la guerre est jolie quand on la fait pour les yeux de sa Princesse !
Ah ! Comme le rôle du Prince de Mantoue colle à Guillaume Gallienne ! Comme le kiosque se transforme joliment en manège pour évoquer le cercle dans lequel les hommes s’enferment…
Mais quelle idée de confier le rôle de Fantasio à une femme ? Le talent de Cécile Brune n’est pas en cause, mais la confusion des sexes fausse les rapports entre le personnage et ses amis, et avec la Princesse.
L’idéal, aurait été de redonner ce rôle à Nicolas Vaude qui est un vrai Fantasio, comme Fantasio est un vrai Saint-Jean et Saint-Jean, un vrai Triboulet…
Mais j’ai peut-être, comme Musset « la cervelle délabrée ».
Fantasio d’Alfred de Musset
Comédie-Française
Salle Richelieu
En alternance à 20 h 30
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14:24 Écrit par Dadumas dans Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, théâtre | Facebook | | Imprimer