Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/09/2009

Haro sur le trader !

 

 Le Roman d’un trader est une pièce qui s’inspire de la grande malversation boursière qui défraya une chronique récente. Au siècle dernier, la Bourse avait déjà inspiré nos dramaturges. Les grandes crises se nouaient « à la corbeille ». Aujourd’hui, l’opérateur est seul devant son ordinateur et il peut jouer « en ligne », comme les jeux vidéo qui ont bercé ses jeunes années.

Le trader imaginé par Jean-Louis Bauer et incarné par Lorànt Deutsch, a la silhouette et les crises existentielles d'un adolescent.

 Il voudrait être aimé, reconnu, apprécié par le directeur général (Bernard-Pierre Donnadieu). Mais il n’a pas accès à ces hautes sphères et Éric (Paulo Correia) son chef direct, se garde bien de l’y introduire. Qui sait si ce garçon qui « déboucle des positions » avec maestria, ne pourrait pas devenir un rival ? Et d’autre part, il convient de respecter la hiérarchie. Passer du back office au front office suppose une carrière différente.

Vous n’êtes pas familier de ce langage ? L’auteur et le Théâtre de Nice, où l’œuvre a été créée, ont prévu un lexique pour vous initier aux arcanes de la finance.

Daniel Benoin, met en scène, dans un décor angoissant de Jean-Pierre Laporte, aux lignes nettes et aux couleurs froides. Des projections et des trucages vidéo (Benoit Galera) intensifient l’importance de la technologie dans nos sociétés. Un simple mortel ne peut y naviguer. Et vouloir faire mieux que son chef est une faute ! Faire gagner des milliards à son entreprise, bravo ! Mais quand la Bourse plonge, haro sur le trader !

D’ailleurs, ce trader est-il encore vivant lorsqu’il parle ? Le virtuel organise les vies et les détraque. Ceux qui détiennent le pouvoir ne reculent devant aucun crime pour le garder. Ils emploient les êtres tant qu’ils leur sont utiles, ensuite, ils les renvoient, comme l’avocate (Christine Cohendy), ou bien ils les jettent par la fenêtre. Le prix d'un homme ? Beaucoup moins élevé que celui d'une voiture de fonction.

C’est donc un constat amer et désespéré que Le Roman d’un trader. Car, même l’amour y est corrompu. La pauvre Julie (Helena Noguera) ne semble guère compter dans la vie du directeur, et si le gouverneur de la Banque de France (Paul Chariéras) lui fait des avances, les sentiments paraissent bien intéressés.

Les comédiens se débattent dans un univers déshumanisé. Ils sont éblouissants de naturel. Chacun montre la souffrance de son personnage. Ils n’en meurent pas tous, mais tous en sont atteints. Car, vous le savez, l’argent ne fait pas le bonheur…

 

 

Le Roman d’un trader  de Jean-Louis Bauer

Théâtre de Nice

04 93 13 90 90

Jusqu’au 16 octobre

Ensuite en tournée

 

12:36 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, bourse |  Facebook | |  Imprimer

24/09/2009

Les Damnés selon Py

 

Nourri de mythologies grecque et chrétienne, Olivier Py s’inspire de la figure de Saturne et de celle d’Abraham pour le personnage central de sa nouvelle pièce Les Enfants de Saturne. Quant aux autres protagonistes, ils semblent sortir autant de l’enfer des Damnés de Visconti que des bas-fonds du Salo de Pasolini.

Le patriarche (Bruno Sermonne) refuse de céder une once de son pouvoir à qui que ce soit. Les instances de son fils illégitime, Ré (Michel Fau) sont vaines. Et ses enfants légitimes vaquent à leurs perversions. Paul (Nâzim Boudjenah) a engrossé sa sœur Ans (Amira Casar) qui veut avorter. Simon (Philippe Girard) vient de perdre sa femme. Il convoite son fils, Virgile (Matthieu Dessertine), mais retenu par on ne sait quel fil moral, il achète les services sexuels du jeune Nour (Frédéric Giroutru), lequel se prostitue afin de payer le croque-mort (Pierre Vial) et offrir une tombe à son père.

Un ange exterminateur nommé Silence (Laurent Pigeonnat) châtiera les membres gangrenés de cette famille maudite, tandis que l’amour pur sauvera Virgile et Nour. Le nom de l’un évoque celui du poète revenu des enfers, l’autre signifie « lumière ». Ils s’aiment. C’est justice. La dernière séquence nous les montre, demi-nus, naufragés, sur une baleine, gentils enfants de Jonas, sauvés du désastre par Moby Dick.

Monsieur Loyal (Olivier Py) nous avait prévenus dès les premières répliques : « Si vous voulez voir un monde qui meurt, vous êtes aux premières loges ». Et, pour que nous ne perdions rien de la course à l’abîme, il nous installe sur un « gradin tournant ». Premier temps, le bureau de La République, journal du consortium Saturne où le père vaticine et le bâtard analyse. Deuxième étape, la chambre des amours clandestines : Paul et Ans d’abord, Simon et Nour ensuite, Simon et Virgile plus tard. Troisième arrêt : la demeure des Saturne, grand salon aux hautes fenêtres, où, devant un piano à queue, un musicien accompagne la veillée funèbre de la femme de Simon. Quatrième et dernier espace : le cimetière, ses tombes et ses mausolées, ses croix et ses cénotaphes, et la boutique des pompes funèbres baptisée : « Repos éternel ». Sur les murs de l’espace, des arbres gris, dénudés, des rideaux sombres nous emprisonnent.

Le sang tache les robes, et on offre au père un pâté de chair humaine comme chez les Atrée ou chez Shakespeare (Titus Andronicus). Les comédiens, dressés dans la violence et la cruauté de leurs personnages, mènent cette catharsis avec fierté. Ils sont beaux, humains, désespérés. Ils nous émeuvent. Leurs souffrances deviennent nôtres.

Pas de pitié pour les coupables !

Au bout du drame expiatoire, quand revient la lumière, nous sommes contents d’en sortir indemnes…

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Enfants de Saturne

Odéon-Ateliers Berthier

01 44 85 40 40

theatre-odeon.eu

Traversée d’une carrière

 

 Francis Huster est de retour. Avec sa fougue, sa générosité, son respect des grandes œuvres, sa passion pour la littérature.

Il est seul, et on ne dira pas en scène, mais parmi nous, les spectateurs. Il commence dans la salle, par nous dire simplement, comment depuis toujours, en choisissant le Théâtre, il a voulu, éveiller les cœurs et nourrir les esprits.

Il esquisse à grands traits la traversée de sa carrière. Puis il raconte La Traversée de Paris, la vraie nouvelle de Marcel Aymé qui inspira le film éponyme et qu’Aurenche et Bost avaient un peu transformée.

Il est donc à la fois le narrateur et les protagonistes. Il est tour à tour Grandgil le superbe, Martin le profiteur et Jambier le pétochard. Et c’est un grand moment de Théâtre.

En rendant ainsi à Marcel Aymé toutes ses lettres, et en allant chercher dans son œuvre de quoi démentir les accusations portées contre lui, Francis Huster, nous fait redécouvrir et aimer un auteur.

 

 

 

Traversée de Paris d'après la nouvelle de Marcel Aymé

Théâtre des Bouffes-Parisiens

Du mardi au samedi, à 19 h