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12/04/2011

Dernière rencontre

 

 

 

Les réunions de famille, ou les retrouvailles entre amis sont souvent prétextes à des règlements de comptes sordides. On ne veut pas lâcher le morceau, on prend des gants, on édulcore, et soudain, un grain de sable ! Un mot mal choisi, un geste incompris, et le masque de la courtoisie tombe. Ce qui commençait bien s’achève en drame. Et on ne remettra « jamais les pieds ici » !

Jean-Luc Lagarce, dans Derniers remords avant l’oubli ciselait des dialogues plein de sous-entendus, de dérapages, de repentirs, comme on dit en dessin.

En choisissant de mettre en scène la pièce non sur la scène du théâtre mais dans le foyer, Serge Lipszyc  abolit l’aspect tragique de la mésentente des couples qui se sont réunis afin de décider s’ils vendaient ou non la maison jusque là en indivis. Ils vont, viennent se séparent, montent à la galerie, passent entre les tables des spectateurs, se servent à boire. Lise (Ophélie Marsaud) photographie, suspendant les querelles, ramenant le calme pour le sourire de rigueur. Ce sera leur dernière rencontre. À ce qu’ils disent ! Mais comment les croire, ils sont si à l'aise parmi nous. Après les fâcheries, les serments définitifs, qui sait s'ils ne vont pas se revoir, et recommencer à se disputer, comme dans la réalité ?

C’est astucieux. Paul (Bruno Cadillon) louvoie, Hélène (Valérie Durrin) se contient, Anne (Juliane Corre) ergote, Pierre (Serge Lipszyc) ratiocine, Antoine (Henri Payet) prend ses distances. Le spectateur témoin, comparse de leurs dissensions est impliqué dans l’aire de jeu, embarqué dans l’histoire.

Le théâtre devient d’une simplicité élémentaire. La vie est là, palpitante…

 

 

 

Derniers remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce

Théâtre du Ranelagh 19 h

01 42  88 64 44

Un couronnement

 

Il est bien organisé le petit commerce de Jonathan Peachum (Bruno Raffaelli), qui, secondé par sa femme Celia Peachum (Véronique Vella), métamorphose les chômeurs en infirmes pour aller mendier dans les rues de Londres, quadrillée par secteurs afin qu’ils ne se fassent pas concurrence. La charité, la respectabilité et la religion protègent l’organisation de la famille. Aussi, jugez de la colère des parents quand ils apprennent que leur fille unique, Polly (Léonie Simaga) s’est mariée avec Mackie Messer (Thierry Hancisse), tueur et chef de gang ! Les Peachum le dénoncent à la police !

Oui, mais le chef de la police, que les truands appellent Tiger Brown (Laurent Natrella), est un pote de Mackie. Ils ont fait les Indes ensemble ! Qu’à cela ne tienne ! Il reste, pour le dénoncer, toutes les femelles que Mackie a trompées : Lucy (Marie-Sophie Ferdane) qui se dit enceinte de ses œuvres, ainsi que Jenny-la-Bordelière (Sylvia Bergé) et les filles de son bordel. Solidarité féminine oblige ! Et Mackie sera pendu. Mais c’était sans compter sur l’événement du jour : le couronnement de la Reine qui exerce son droit de grâce…

Quand « les messagers du roi [arrivent] au bon moment », tout finit bien. Mais Peachum prévient le public : en réalité, « la vie finit mal », et « le monde est dur ». La pègre pourra prospérer tant que les gueux se soumettront à ses lois, que les puissants fermeront les yeux sur les trafics d’influence, et « qu’aucune somme d’argent ne saurait inciter [les juges] à rendre une justice équitable. ».

Laurent Pelly, le metteur en scène, qui signe aussi les costumes, nous fait découvrir un Opéra de quat’sous nouveau, avec des chansons qu’on n’avait pas encore entendues, et des voix que nous n’avions pas coutume d’entendre, comme la délicieuse voix de soprano de Léonie Simaga, « fiancée du pirate ». Il nous égare dans des décors qui se transforment à vue (scénographie de Chantal Thomas), et toute la troupe de la Comédie-Française est mobilisée pour que cette « entrée au répertoire » donne le frisson aux spectateurs. Les seconds couteaux sont tenus par des grands, Jérôme Pouly (Matthias), Serge Bagdassarian (Le Pasteur, le chanteur), Stéphane Varupenne (Walter), Nâzim Boudjenah (Smith), Félicien Juttner (Jacob), Pierre Niney (Robert), Jérémy Lopez (Jimmy), les élèves comédiens de la Comédie-Française, et la troupe de Laurent Pelly (Florence Pelly, Angélique Rivoux, Mélody Marie-Calixte). Bruno Fontaine dirige treize musiciens avec maestria, et le lumières de Joël Adam se jouent des combats de l’ombre.

Pour un couronnement, c’en est un ! La soirée est inoubliable !

 

 

  

 

 

 

Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht

Traduction de Jean-Claude Hémery

musique de Kurt Weill

Comédie-Française en alternance

Salle Richelieu

08 25 10 16 80

01/04/2011

Ultime récital

 

 En décembre 1987, alors qu’il répétait Une visite inopportune, Copi mourut du sida. Et pourtant rien de lugubre dans cette pièce qui nargue la camarde. Plutôt une provocation énorme, comme un rite de carnaval  pour exorciser la douleur, braver les hommes et leurs préjugés, et défier Dieu une dernière fois.

Cyrille (Michel Fau) est un artiste. Il est atteint du sida. Il va fêter son anniversaire dans sa chambre d’hôpital. Le professeur Vertudeau (Louis Arène) pour célébrer ses deux ans de traitements lui annonce qu’il est  « un miracle de la science », qu’il s’est « survécu d’au moins six mois ». La chambre est réaliste, dans la scénographie d’Audrey Vuong. Mais dès l’entrée de l’Infirmière (Sissi Duparc), plantureuse, court vêtue et vociférante, plus de réalisme possible. Plus de morale non plus. La bienséance peut se voiler la face ! Hubert (Éric Guého), l’ami fidèle s’annonce-t-il ? « Dites-lui que je suis déjà mort ! » ordonne Cyrille. Tous les excès sont permis. Mais lui, n’est pas importun. Habitué aux caprices de Cyrille il en est le complice, le double. il en est autrement du jeune Journaliste (Lionel Lingelser), et surtout de la cantatrice  Regina Morti (Marianne James), dont personne, ne peut se débarrasser. Regina Morti (traduisez Reine de la Mort), sorte de Castafiore vêtue (costumes d’Aurore Popineau) et perruquée de façon extravagante est indestructible. Lobotomisée, rejetée, assassinée, la diva se relève et chante. Comme au théâtre…

Car seul l’univers théâtral intéressait Copi. Le metteur en scène Philippe Calvario l’a bien compris. Et le requiem auquel nous assistons tient du grotesque autant que du surréalisme. Lumières de Bertrand Couderc, son d’Éric Neveux et Jean-Pierre Ensuque soulignent les effets parodiques. Pour son ultime récital, Copi ne respecte rien et ose tout.

 

 

 

 

 

 Une visite inopportune de Copi

Théâtre de l’Athénée

Jusqu’au 9 avril, à 20 h

 

01 53 05 19 19