12/09/2013
Zelda, celle qui avait du talent*
Ils étaient jeunes, beaux, riches, célèbres et ils s’aimaient. Mais ils n’eurent pas beaucoup d’enfants et ne vécurent ni longtemps, ni heureux. Scott Fitzgerald (Julien Boisselier) avait-il épousé en Zelda (Sara Giraudeau) l’héroïne de ses romans ? Ou s’inspirait-il de Zelda pour composer ses personnages en puisant dans le journal intime de sa femme ? Et eut-il une liaison homosexuelle avec Ernest Hemingway (Jean-Paul Bordes) ?
Renaud Meyer à la fois auteur et metteur en scène peint le trio mythique avec habileté et ne nous cache rien des faiblesses de chacun. Sara Giraudeau est bouleversante dans cette incarnation de femme fragile, incomprise, souvent allumeuse, quelquefois naïve, toujours trouble-fête. Elle se veut rebelle mais cède aux injonctions de l’homme qu’elle adore. Il lui vole des nouvelles et lui impose de couper des chapitres entiers de son roman Save the waltz (1932) pour les verser dans le sien Tender is the night (1934). Jean-Paul Bordes s’est fait une belle tête de faux-jeton à moustache, et Julien Boisselier joue les charmeurs. Du grand hôtel de New York au bord de la Riviéra, le couple s’aime et se déchire, et Hemingway sème son venin. Costumes de Dominique Borg et scénographie de Jean-Marc Stehlé donnent à l’histoire la vraisemblance des années folles.
En 1924, Scott boucle Zelda à la maison quand elle a une aventure avec Edouard Jozan. Puis, quand lui, s’amourache de Sheilah Graham, il la fait admettre en clinique psychiatrique. Pourquoi s’étonner qu’elle sombre dans la schizophrénie ? « Trouble bipolaire » dira le Docteur Irving Pine. « Harcèlement moral » diront d’autres, dont Gilles Leroy dans Alabama Song. Où était le scandale ? Du côté de Zelda qu’on jugea « folle » ou de Scott à qui on pardonnait son alcoolisme ? Qui a détruit l’autre ? Qui avait du talent ?
Scott meurt en 1940, à Hollywood, complètement décavé, Zelda en 1948 dans l’incendie de l’hôpital où elle est internée.
Le dernier acte de Zelda et Scott transfigure cette sombre période, en représentant Zelda seule, prisonnière d’une malle capitonnée, le corps torturé d’un corse. On sait sa passion pour la danse et à quels excès elle soumettait son corps pour devenir une danseuse exceptionnelle. La démesure était son ordinaire. La scénographie de Jean-Marc Stehlé (sans doute sa dernière) métaphorise à la fois les efforts de Zelda, sa souffrance et son inextinguible amour.
Trois musiciens : Xavier Bornens à la trompette, François Fuchs à la contrebasse et Aidje Tafial aux percussions (Manhattan Jazz Band) accompagnent magnifiquement ce drame, et quand Sara Giraudeau chante : Everybody loves my baby un ravissement saisit les spectateurs.
* Celle qui avait du talent, titre d'une nouvelle de Zelda Fitzgerald (1930)
Photos : © Lot
Zelda et Scott de Renaud Meyer
Du mardi au samedi à 21 h
Samedi : 15 h
Théâtre La Bruyère
01 48 74 76 99
18:15 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre la bruyère, fitzgerald | Facebook | | Imprimer