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22/09/2013

Trois mélos pour le prix d'un !

 

 

théâtre, Gabor Rassov, Pépiniere-théâtre, Romane Bohringer, Le mélodrame est un genre très codé qui eut son heure de gloire après la Révolution.On y représentait la famille trahie par un méchant (généralement un aristocrate pervers ou un curé dévoyé, l’innocence persécutée, généralement une jeune fille pure, sauvée par un héros solitaire, épris de justice, qui à la fin, la ramenait virga intacta à sa famille, à son fiancé et punissait les scélérats. L’action (drama) était soutenue par une musique (mélos) qui distinguait les personnages, ou caractériser la situation. On y pleurait beaucoup, mais à la fin on soupirait de joie de voir ainsi l’ordre rétabli et la société sauvée. Un des maîtres du mélodrame, écrivit quelque 125 pièces de ce genre, dont quelques-unes, Les Ruines de Babylone, Coelina ou l’Enfant du mystère, furent jouées, partout en France, des centaines de fois.

Gabor Rassov transpose la recette dans trois pièces courtes : Grand Prix qui se passe dans le milieu de la Formule1, Jusqu’à la mort, une sorte de Roméo et Juliette reteint aux couleurs d’un Extrême-Orient de parodie, et enfin La Rédemption de l’oncle Bill, qui revisite les séries américaines en situant l’action à Los Angeles. Trois mélos pour le prix d'un !

Pour bien actualiser le genre, Pierre Pradinas, dans sa mise en scène, introduit des publicités, textes insérés dans le dialogue avec effets de coq-à-l’âne absurdes, rires gratuits et enregistrés renforçant la fiction. théâtre, Gabor Rassov, Pépiniere-théâtre, Romane Bohringer,Cinq comédiens fabuleux surjouent, avec des airs pénétrés et tragiques de circonstance. Warren Zavatta, tour à tour bonimenteur, traître, mère noble, est épatant, Thierry Gimenez est remarquable dans le rôle du méchant, vindicatif, et toujours abominable, Matthieu Rozé brille dans la figure du rédempteur, Bruno Salomone est un admirable amoureux. Et l’amoureuse ? Romane Bohringer, extraordinaire comédienne, passe de la figure convenue de la pin-up des circuits automobiles, à celle d’une jeune pudique Chinoise, puis d'une jeune Américaine traumatisée par l’inceste de l’oncle Bill.

Des trois pièces, La Rédemption de l’oncle Bill est en réalité la seule qui réponde exactement aux principes du mélodrame…

Mais nous n’en ferons pas grief à l’auteur. La parodie est aussi un genre plaisant. Et les muses de Pixerécourt n’ont plus qu’à se voiler la face !

 

 Photo : © Mirco Magliocca

Mélodrame(s) ! de Gabor Rassov

Du mardi au samedi à 21 h

Dimanche, 16 h

Pépinière Théâtre

01 42 61 44 16

www.lapepiniere.com

 

21/09/2013

Drôle d'anniversaire !

 

 

Avec Pinter la vérité n’est jamais simple. Et dans L’Anniversaire que Claude Mouriéras met en scène avec la troupe de la Comédie-Française, nous ne la connaîtrons jamais.

Qui est ce Stanley (Jérémy Lopez) qui se terre dans la pension que tiennent Meg Bowles (Cécile Brune) et son mari Peter (Nicolas Lormeau) ? Il dit qu’il a été « roulé », et il traîne toute la journée dans la maison. Est-il un criminel que traquent deux policiers, Nat Goldberg (Éric Génovèse) et McCann (Nâzim Boudjenah) ? Un espion qui a trahi son organisation ? Un défroqué que sa hiérarchie cherche à récupérer ? Un gangster qui a donné ses acolytes ? Un échappé d’hôpital psychiatrique ? Ou un dissident qu’on va y envoyer afin de le rééduquer ? Nous ne le saurons jamais.

Le rôle des Bowles n’est pas clair non plus. Sont-ils complices des deux hommes qui emmènent Stanley le lendemain de son anniversaire ? Et d’ailleurs était-ce bien son anniversaire ? Et la jeune voisine Lulu (Marion Malenfant) est-elle leur auxiliaire ou une dupe ?

Insidieusement, le malaise s’installe, la menace chemine, la violence se déchaîne et on ne peut pas ne pas penser aux régimes totalitaires, à l’arbitraire qui tient lieu de loi dans certains palais d’injustice. Il n’y a sans doute pas de pire effroi que d’être appréhendé sans raison, questionné sans  logique, accusé sans preuve. 

Les comédiens sont parfaits d'ambiguïté. La scénographie et les lumières d’Yves Bernard renforcent le trouble, avec ses tons gris, ce double niveau qui donne au spectateur la vision du témoin incapable d’agir. Le son (Roman Dymmy) oscille entre silence inquiétant, musique tonitruante, et martèlement d’un tambour d’enfant, comme les protagonistes bringuebalés dans une histoire qui les dépasse.

Chez Pinter, comme dans la vie, tout peut arriver !

 

 

 

L’Anniversaire d’Harold Pinter

Traduction de Eric Kahane

Théâtre du Vieux-Colombier

Jusqu’au 24 octobre

Mardi : 19 h, du mercredi au samedi : 20 h, dimanche 16 h

0825 10 1680

www.comedie-francaise.fr

 

 

20/09/2013

Grumberg par lui-même

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Jean-Claude Grumberg est de retour sur scène, au Poche-Montparnasse, « sous le regard de » Stéphanie Tesson, avec Olga Grumberg et Serge Kribus pour nous jouer ses « morceaux choisis ».

Quel privilège, pour un auteur de choisir lui-même ce qui peut constituer une anthologie de son œuvre ! Est-ce grâce à l’hommage qui lui avait été rendu, par Théâtre aujourd’hui, en juin 2012*, que Jean-Claude Grumberg avait eu envie de remonter lui-même sur les planches ?

La magie théâtrale donne un spectacle tout en finesse sur les sujets les plus graves. L’auteur est là, donnant vie à ses créatures, jouant avec des comédiens qui changent de peau et de costumes (Aude Desigaux) à vue, en un instant, sous les lumières de Jacques Puisais. 

Viennent Michu (1967) dont les scènes courtes, montre des personnages racistes, stupides et timorés, Dreyfus,(1973) des victimes qui ne savent pas voir le danger. Les Rouquins (1984), décale l’antisémitisme vers la différence. L’Atelier (1979) pose la question jamais résolue : « qui se souviendra d’eux », les martyrs du nazisme ? ça va petit vade-mecum de la rencontre, Maman revient pauvre orphelin (1992) pèlerinage intime du chagrin et de la tendresse, Pleurnichard, un chapitre de merde (2010) où l’autodérision irrigue le roman familial, puis la carrière de l’auteur et Le Petit Chaperon Uf (2005) où le Wolf porte uniforme vert-de-gris, demande les papiers, et dépouille la petite fille de son capuchon rouge et l’oblige à en porter un jaune quand il s’aperçoit qu’elle est « Uf ».

Jean-Claude Grumberg a écrit des textes intermédiaires, des interventions et tous ses extraits s’enchaînent, le rire grince, mais pas les rouages… Le « regard » de Stéphanie Tesson a été brillamment attentif et le spectacle est une réussite.

« La vie n’a pas d’âge » disait Prévert. Celle de Jean-Claude commence en 1939, mais il y a cinquante ans, il est devenu « l’auteur tragique le plus drôle de sa génération » (Claude Roy), en peignant le « cauchemar de l’histoire » avec une ironie dévastatrice.

J’en connais qui vont dire « depuis cinquante ans, il nous raconte la même histoire », eh bien ! oui, et alors ? Il nous explique le présent à la lumière de ce passé qui bégaie souvent.

Nous, qui avons eu nos enfances saccagées par le grand méchant loup, qui avons attendu en vain que nos pères reviennent, qui avons posé des questions auxquelles personne n’a pu répondre depuis soixante-huit ans, nous remercions Jean-Claude Grumberg de dire pour nous cette  douleur jamais abolie, ces rires retenus, cette tendresse inassouvie. Depuis cinquante ans, il nous atteint en plein cœur.

 

 *Voir note Théâtre aujourd'hui sur le blog 06/06/2012.

Tous les textes de Jean-Claude Grumberg sont édités chez Actes sud

 

Chez les Ufs, Grumberg en scène de Jean-Claude Grumberg

Théâtre Poche-Montparnasse

Du 17 septembre au 17 novembre

Du mardi au samedi à 19 h, dimanche 17 h 30

01 45 44 50 21