Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/02/2008

Voltaire toujours…

     Le genre noble au Théâtre, c’est la tragédie. C’est sérieux, souvent grave et parfois ennuyeux, mais les élites pensantes penseraient déroger si on les voyait sourire. Tandis que le vulgaire, lui, ne va au théâtre que pour rire. D’où ce malentendu qui fit de Voltaire un auteur de tragédies publiquement encensé, tandis qu’en société, pour jouer avec ses amis, il écrivait des comédies de salon. Pas titrées, non signées, égarées, mal classées, elles restent méconnues.

     Nous sommes reconnaissants envers le festival « Hugo et égaux » d’en avoir ressuscité une, Les Originaux, sous la direction pétillante de Didier Moine qui a engagé un groupe d’étudiants de Paris III dans l’aventure. Et c’est un joli feu d’artifice.

     Sur une trame farcesque, Voltaire se paye un joli défilé de têtes de bourgeois et de noblaillons décadents : noblesse de robe et chevaliers de province avec leurs manies et leurs préjugés. L’intrigue va bon train. « Un astronome de père et une bonne femme de mère qui s’exerce à la médecine » veulent marier leur fille Fanchon à un Monsieur du Cap Vert qu’ils n’ont jamais vu. Or la belle est amoureuse d’un « chevalier du hasard » et bien décidée à refuser un parti qui est plus vieux qu’elle. On égratigne avec humour les uns, on s’amuse des autres. Les jeunes gens, comédiens amateurs s’en donnent à cœur joie et le metteur en scène les conduit à bon port. Et les Voltairiens s’en réjouissent. Les autres aussi d’ailleurs, tant il est vital de rire, et si possible, intelligemment. Voltaire ? Toujours d’actualité finalement…

     Il ne vous reste que deux séances pour profiter de ce Voltaire inconnu et vous divertir de ce jeu de massacre innocent. Ne les manquez pas !

Université Sorbonne Nouvelle

Centre Censier, Amphithéâtre Max-Pol Fouchet

Les vendredi 22 et 29 février à 18h 30

Hugo et égaux

19/02/2008

Tout l’amour de Juliette

      Juliette Drouet aimait un « grand petit homme ». Il s’appelait Victor, elle l’appela Toto. Elle était encore plus petite que lui. Elle était comédienne, il était le chef de l’école romantique. Ils se rencontrèrent au théâtre, pendant les répétitions de Lucrèce Borgia. Il l’appela Juju. Il était marié. Il n’abandonna pas sa famille. Il exigeait qu’elle lui écrive deux lettres par jour. Leur liaison dura cinquante ans. Tout l’amour de Juliette Drouet pour Victor Hugo se nourrit donc de mots autant (sinon plus) que de caresses. Il ne fut jamais rassasié.Presque toutes ses missives nous sont parvenues. Il était tentant d’en faire une pièce de théâtre. Dans le cadre du Festival Hugo et égaux, Danièle Gasiglia-Laster s’y risque avec succès, dans Moi, j’avais son amour. 

     Elle a d’abord choisi d’illustrer vingt ans de la vie des amants. Mais afin de ne pas réduire les scènes à de fastidieuses lectures de lettres, elle imagine que deux comédiens Marianne et Julien, répétent une pièce sur Juliette et Victor. Marianne commente son personnage, Julien la contredit, ils se disputent un peu, et de discussions en réconciliations, progressent de la connaissance de leurs rôles et dans la compréhension de chacun. De l’estime à l’amour, ils franchiront le pas.

     Laurence Colussi donne sa grâce à cette Marianne qui devient Juliette, et Michel Miramont est Julien-Victor au caractère bien trempé. Vincent Auvet a choisi la simplicité dans ce petit théâtre du xixearrondissement.Tout est astucieusement pensé et réalisé. Il faut pouvoir démonter le décor en quelques minutes. La musique, romantique évidemment, crée l’atmosphère congruente.

     Pas de costumes. On n’en a pas besoin pour ces répétitions, moins mouvementées que celles de Hugo avec Sarah Bernhardt. Cependant, elles donnent vie à l’éternelle seconde, celle qui pendant cinquante ans, dans l’ombre se dévoua par amour.

     Existe-t-il encore des Juliette à l’heure des Cécilia ?

Théâtre Darius Milhaud

Jusqu'au 29 février

01 42 01 92 26

12/02/2008

Nocturnes pirandelliens

     Jean-Yves Lazennec a réuni deux pièces courtes de Luigi Pirandello : L’homme à la fleur dans la bouche et Cédrats de Sicile, pour un Voyage en Sicile. Deux pièces que Pirandello avait d’abord écrites sous forme de nouvelles, deux pièces dont Jean-Loup Rivière nous donne une nouvelle traduction bouleversante. Deux pièces nocturnes et funèbres qui se passent dans la patrie de l’auteur.

     La première est la plus courte de son œuvre. Elle met en scène un homme (Jean-Claude Frissung) qui porte sur la bouche le signe de la mort : « épithéliome ». Cette « fleur» cancéreuse l’éloigne des hommes mais ne dégoûte pas la femme qui l’aime et ne craint nulle menace. L’homme s’exaspère, contient « une envie sauvage de l’étrangler ». Pour calmer son angoisse, il digresse, décrivant minutieusement des gestes absurdes de la vie quotidienne. On le plaint et son interlocuteur (Philippe Bombled) plaint la femme plus encore.

     Dans Les Cédrats, c’est l’homme qu’on plaint. Micuccio (Jean-Claude Frissung), modeste musicien dans la fanfare de son village, a vendu son bien pour permettre à Teresina de suivre des cours au conservatoire de Naples. Elle était sa promise. Elle est devenue Sina (Sophie Tellier) une diva adulée, il est resté un humble paysan.

a42c13d75fa9f12c6dafca548eebbee5.jpg

Les domestiques (Philippe Bombled et Christian Peythieu) se moquent de lui. Il est généreux, fidèle, grotesque. Elle est indifférente, frivole, et les larbins se montrent encore plus méprisants que leur maîtresse. L’humilié est venu avec des cédrats, spécificité sicilienne, qu’il offre à la mère (Chantal Deruaz) en souvenir du pays. Elle suffoque de honte et demande pardon pour sa fille. Il repart, le cœur brisé, mais la tête haute. Teresina n’est plus digne de lui.

   Au son de la mandoline dans la première, au son du piccolo dans la seconde, les comédiens montrent la profonde mélancolie de Pirandello. Ils sont poignants de vérité dans un décor sobre, épuré, comme brûlé (scénographie de Philippe Marioge et lumières de Philippe Collet). Par le soleil de Sicile ? Ou par la passion pour une Sina qui retire ses longs gants noirs à la manière de Gilda ?

    L’amour, chez Pirandello n’est jamais rédempteur. Il consume les âmes. On n’y échappe cependant pas, et l’avenir est toujours dans la mort attendue.Jean-Yves Lazennec nous en donne une illustration amère, comme les cédrats...

 Photo : Jean-Claude Frissung dans Les Cédrats de Sicile

©  Philippe Delacroix

L’homme à la fleur dans la bouche et Cédrats de Sicile de Luigi Pirandello

Texte français de Jean-Loup Rivière

Jusqu’au 23 février

Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet

0153 05 19 19