14/05/2007
Au revoir
Ce matin, nous nous sommes réunis pour dire adieu à Emmanuelle Marie : une comédienne éblouissante dans Cut, une auteure d’une rare maîtrise dans Blanc où elle liait subtilement la finesse d’écriture aux brutalités de la vie. Elle vivait avec générosité, avec enthousiasme, soucieuse des autres d’abord. Et pourtant, elle cultivait l’insolence et l'extravagance. Elle savait que la vie était trop courte pour l’empaqueter de fausses pudeurs et d’hypocrisie.
Je me rappelle le regard émerveillé de son petit garçon, Félix, qui l’applaudissait le soir de la première de Cut que son compagnon, Jacques Descorde avait mis en scène. Elle avait aussi une petite fille, Lola, ange blond qui lui insufflait tant de forces pour combattre la maladie. Nous étions nombreux pour qu’ils ne se sentent pas seuls dans le chagrin. Et le violoncelle pleurait, comme dans Blanc.
Elle avait quarante-deux ans. Pourquoi cette injustice ?
Sa pièce, Blanc, vient d’être nommée aux Molières, et peut-être, ce soir y sera-t-elle couronnée. Alors, à toi Emmanuelle, qui croyais au ciel, permets-moi de te dire, comme l’Aînée de Blanc : « Je ne t’ai pas oubliée jamais. »
15:00 Écrit par Dadumas dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre, littérature | Facebook | | Imprimer
12/04/2007
Un triomphe à Londres
La Société des amis de Victor Hugo m'indique, qu'en suggérant le Prix Victor Hugo pour le Grand Prix de littérature dramatique (voir note du 5 avril), j'ai sous-estimé les résultats des Misérables à Londres :
Les voici donc :
"L'adaptation du roman Les Misérables, un triomphe à Londres de Hugo a été vue par plus de 52 millions de spectateurs dans 38 pays et en 21 langues ; elle a été élue comme le « musical » le plus populaire en Grande-Bretagne par 400.000 auditeurs de BBC Radio 2 (40% des votants) ! Il existe 31 enregistrements des Misérables, dont l'enregistrement de la troupe londonienne, plusieurs fois disque de platine, l'enregistrement de la troupe de Broadway, récompensé par un Grammy Award, et les albums entièrement symphoniques. La vidéo enregistrée au cours du spectacle de gala donné au Royal Albert Hall à l'occasion du 10ème anniversaire s'est vendue à un million d'exemplaires dans le monde, devenant ainsi une des vidéos musicales les plus vendues au Royaume-Uni."
Alors, ce Grand Prix de littérature dramtique, Prix Victor Hugo ?
23:23 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre, littérature | Facebook | | Imprimer
07/04/2007
La Transfiguration de Midi
Le Ernest Simons , ce paquebot qui mena le jeune Claudel vers son poste consulaire en Chine, n’était sans doute pas un voilier. Mais quand Yves Beaunesne fait grincer les haubans dans les guindeaux, quand la trinquette claque entre les cordages et que les protagonistes tanguant sur le plateau lisse et nu s’y accrochent, secoués par les tempêtes de leur âme, tous les spectateurs s’embarquent dans un voyage claudélien que la scénographie de Damien Caille-Perret et les lumières d’Éric Soyer rendent incandescent.
Nous ne redirons pas ici comment le souvenir du vécu passionnel fut transformé lentement, et comment Claudel réinventa sa vie en l’écrivant. Fruit de cette maturation, chéloïde d’une déchirure éternelle, Partage de midi est une des plus belles pièces du répertoire, et Ysé une des plus belles créatures que le Théâtre nous ait données.
La Comédie-Française nous offre une œuvre parfaite dans une distribution éblouissante.
Marina Hands incarne une « guerrière, une conquérante, une jument de race », belle et désirable dans une robe rouge, courte, atemporelle. Elle figure une femme instinctive, « Personne ne m’ appris », dit-elle à Mesa. Elle est charnelle, piaffante, mue par des désirs matériels que contredisent des élans mystiques obscurs qu’elle ne sait ni nommer, ni canaliser. « Je veux qu’on ait besoin de moi » dit-elle.
Éric Ruf joue Mesa en être christique,brûlé du soleil de la Foi. « Qu’y a-t-il entre vous et moi ? » dit-il à Ysé, en écho à l’interrogation du Fils de l’Homme pour sa Mère. Pour Ysé la blonde, qui, comme Yseult trahit son mari, il transgresse l’interdit, accepte la flagellation et porte sa blessure comme des stigmates. Dès la première scène où ils retiennent l’aveu, on sait qu’ils luttent pour s’arracher l’un de l’autre alors que l’amour les possède et que corps et âme se cherchent pour se confondre et s’unir.
L’amour chez Claudel se nourrit des Évangiles et des Psaumes. La parole divine traverse la parole d’amour . Dans le : « Je suis Ysé » résonne : « Je suis celui qui est », comme si de toute évidence, elle était cette femme que Mesa attendait pour que sa vie commence. La comédienne est prodigieuse : Ysé affirme : « Non, il ne faut point m’aimer », Marina Hands s’approche pour bâillonner Mesa de ses mains et « tout est dit », l’amour est consommé, presque devant témoins. Le geste d’une sensualité folle est alors anéanti par la claque amicale qu’elle assène sur le dos d’Amalric, en vieille copine familière des propos misogynes. Car Ysé est un être de contradictions autant que d'amour et chaque geste de Marina Hands pétrit des chemins opposés.
Christian Gonon interprète avec dignité le mari aveugle, un peu suffisant, qui pense que les liens de la maternité la retiendront. Comme il est pitoyable avec son désir de lucre celui qui ne comprend pas le danger et « aime mieux ses manigances » ! Hervé Pierre campe un Amalric tel que devait être le fonctionnaire colonial qui servit de modèle : « jovial, exubérant », sympathique et odieux à la fois. Par son goût du lucre : « De Ciz, nous deviendrons tous riches », Amalric semble plus proche du mari que de l’intransigeant Mesa.
Nous voici donc « entre les mains », non pas de Dieu, mais d’un metteur en scène inspiré (c'est pareil, dirait un auteur dramatique). Et « comme un affamé qui ne peut retenir ses larmes », nous partageons les tourments et la rédemption. Car, malgré la douleur et la mort, Ysé est « sauvée »… Et nous avec elle.
Elle s’avance pieds nus, en chemise blanche. Elle émerge de la nuit du péché et s’agenouille comme une pénitente près de Mesa. La lumière monte pour le Pardon et la « transfiguration de Midi. » Sublime !
Partage de midi de Paul Claudel
En alternance à la Comédie-Française salle Richelieu
0825 10 16 80
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