15/05/2006
Paraître et re-paraître aux Quatre-Vents
J’avais créé « les éditions des Quatre-Vents » pour accomplir trois rêves : le premier, diffuser des textes dramatiques français inédits à la scène, le second, offrir une première traduction à des textes étrangers inconnus en France, et le dernier, non le moindre, donner une seconde vie à des textes publiés dans L’Avant-Scène théâtre et épuisés après le tirage de la revue. Des textes devenus des « classiques », en quelque sorte.
Pourquoi « Quatre-Vents » ? En hommage au Hugo des Quatre-Vents de l’esprit ? Peut-être inconsciemment, la fascination hugolienne est puissante. Plus simplement, parce qu’à l’époque, nos bureaux se trouvaient rue des Quatre-Vents et que le nom évoque les souffles qui emportent les mots et les choses dans toutes les directions.
C’était en 1988. Le Centre National des Lettres nous aida pour ces débuts de collection « livres ».
Le premier texte inédit s’appelait : Ah ! Vous êtes venus là où il y a quelques tombes ! de Fatima Gallaire.
Le second livre révélait une pièce du grand dramaturge brésilien Nelson Rodriguès, L’Ange noir, traduite par Jacques Thiériot, le troisième était la réédition de la délicate adaptation des nouvelles de Tchekhov par Gabriel Arout, sous le titre Cet animal étrange, n° 326, grand succès théâtral, épuisé dans L’Avant-Scène théâtre.
Les libraires trouvèrent le format trop petit. Nous n’étions pas satisfaits. Même si Fatima jubilait : « déjà en classique ! » Dès 1989, nous changions le format et la maquette.
Ce fut la « nouvelle édition » présentée avec une préface. En 1991, Jean-Pierre Vincent mit en scène Ah ! vous êtes venus là où il y a quelques tombes ! sous le titre : Princesses. Nous l’avons réédité, comme L’Ange noir quand Alain Ollivier le créa et Cet animal étrange quand le premier mille fut épuisé. Et L’Été de Romain Weingarten, n°377 La Visite de Victor Haïm, n° 562, Le Lavoir de Dominique Durvin et Hélène Prévost, n° 795, etc.
Suivant la même politique nous avons publié quatre livres par an.
En 1999, les « éditions » des Quatre-Vents devinrent la « collection livres » de L’Avant-Scène Théâtre. C’était plus simple..
Le véritable essor date de 2001, "nouveau format, nouvelle maquette", sous l’impulsion de Philippe Tesson à qui je proposai, d’ajouter les collections thématiques « jeunesse » et « humour » à celles qui existaient déjà, puis de regrouper plusieurs œuvres du même auteur en un volume de format homothétique, plus important. Il accepta, car, après la politique, le Théâtre est sa seconde passion.
Je suis donc particulièrement reconnaissante à mes successeurs de suivre la même ligne éditoriale en continuant à inscrire les œuvres de Jean-Paul Alègre dans ce qui est devenu, dans la « collection des Quatre-Vents », la "nouvelle, nouvelle, nouvelle, nouvelle" collection "classique". Pour celui qui écrit si joliment que « la vie commence au théâtre », son art est avant tout un témoignage, un engagement. Il s’exprime pour être compris par tous. Il accepte d’être joué par tous, car il a découvert la mobilisation spirituelle des vrais amateurs de théâtre qui lui rendent bien son estime.
Jean-Louis Barrault écrivait qu’aller au théâtre est « une démarche d’homme libre, elle engage l’être entier ». Vous qui lisez et jouez Jean-Paul Alègre, vous connaissez certainement le prix de cette liberté.
Avant-Scène Théâtre collection des Quatre-Vents
n°1109, Jeux de planches, de Jean-Paul Alègre, prix : 10 €
n°1004, La Ballade des planches, de Jean-Paul Alègre, prix : 9 €
Reparaissent également :
le n°902, Le Clan des veuves de Ginette Garcin, prix : 9 €
le n°1024, Espèces menacées de Ray Cooney, prix : 10 €
16:10 Écrit par Dadumas dans Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer
14/05/2006
Do, mi, sol, do ! Haut de gamme...
L’ennui avec Paul Géraldy, c’est sa mauvaise réputation : il passe pour un sentimental bêlant. On lui doit Toi et moi, recueil de poèmes qui chantent l’amour partagé qui dure toujours : « aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain ».
Autant le dire tout de suite, son théâtre devrait déraciner ce préjugé.
Les hommes n’y sont pas fidèles, et les femmes sont de la même eau… Michel (David Seigneur) est un homme politique, il sait mentir et louvoyer. Il trompe sa femme, Jacqueline (Camille Cottin), avec Gabrielle (Rachel Arditi), une jeune divorcée dont l’ex-mari, André (Sacha Stativkine), avocat, a pour maîtresse... Jacqueline. Michel trouve normal de tromper sa femme, mais n’admettrait pas que celle-ci ait un amant. Jacqueline « de marbre » dans les bras de son mari, se refuse à imaginer qu’il puisse prendre son plaisir ailleurs. Pour Michel, Jacqueline est irréprochable. Il croit subtil le langage codé qu’il utilise avec Gabrielle au téléphone. Mais Jacqueline a tout deviné, et Gabrielle, aux premiers mots d’André a tout compris. Les hommes sont pesants et obtus et les femmes qui paraissent têtes légères, appréhendent mieux les réalités. Elles deviendront amies…
À la création, en 1934, la critique cita Marivaux. Effectivement, avec cette double inconstance, ces surprises de l’amour, ce jeu du hasard qui amène « tout le monde », dans « des endroits où il ne vient personne », ces dialogues ciselés, l’atmosphère est au marivaudage, mais sans la cruauté. Personne ne souffre vraiment. Nous sommes au vingtième siècle. Le divorce est légal, même si on le pratique encore modérément. Les couples bourgeois se défient des femmes seules, les femmes les placent en bout de table, les hommes se permettent des privautés quand ils les raccompagnent. Dans l’univers de Géraldy, les hommes travaillent et les femmes dépensent. Mais, comme chez Feydeau, dans La Main passe, les hommes se laissent piéger. « Le mariage, c’est fait pour les femmes », et Jacqueline n’est pas prête à descendre du piédestal social que le mariage lui confère…
Régis Santon revigore ce théâtre qu’on disait désuet, avec Claude Plet pour les décors et de jeunes interprètes charmeurs qui ont l’âge de leur rôle. Rachel Arditi est une délicieuse fine mouche, Camille Cottin une évaporée admirable de réalisme, Sacha Stativkine joue à merveille les ténébreux, David Seigneur endosse parfaitement le costume du diplomate honnête homme. Les costumes d’Ilkido Horvatz et Marie-France Santon flirtent avec les années 30, mais sans les retenir, déliant des analogies esthétiques très vingt-et-unième siècle. On en oublierait les petites bonnes (Betty Nicolas, Mélaine) qui jouent les nigaudes.
Do, mi, sol, do ! c’est une gamme en majeur, et un refrain tendrement moqueur.
Do, mi, sol, do ! de Paul Géraldy
Théâtre Silvia Monfort à 20 h 30
01 56 08 33 88
Du 11 mai au 2 juillet
Texte publié aux éditions La Traverse
Prix : 8 €
00:25 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer
13/05/2006
L’ Évangile selon Dario Fo
Dario Fo est un païen qui connaît son Évangile, et joue le bon messager pour porter loin la bonne parole. On peut venir à lui, meurtri de cœur et d’âme, malade, abandonné, désespéré, on sort guéri.
Ainsi, l’autre soir, le journal annonçait son triste lot de scandales et de crimes, et dénonçait la censure. Sombres jours ! Saint François, au secours ! ils sont devenus fous ! Et Guillaume Gallienne est entré.
Bateleur, dirigé par Claude Mathieu, seul en scène, sans décor, vêtu de probité candide et de coton noir, Guillaume Gallienne est aussi « un homme d’esprit, non content d’être un homme spirituel ». Certains ont fait comme les dominicains, ils ont baissé la tête, d’autres comme les jésuites ont ri, mais « intérieurement ».
Car, si saint François apprivoisa le loup de Gubbio, il refusa de « changer le chrétien en bonne bête », enseigna à ses compagnons à « mériter l’aumône », à être patient, humble, mais à ne jamais « tout accepter, en disant : ‘ce n’est pas si grave’ ».
Le texte est savoureux, avec l’allégresse du saint, le comédien transmet, la jubilation de l’anarchiste à nous redonner foi… dans l’Homme.
Une heure divine !
Saint François, le divin jongleur
de Dario Fo
Traduction de Valeria Tasca et Gilber PonteDu 10 au 21 mai à 18 h 30
Studio théâtre de la Comédie-Française
01 44 58 98 58
13:05 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer