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10/05/2006

Demi-monde et vraie garce


 À l’époque où la jeune fille se devait d’être « chaste et pure », la « chasse au fiancé » se déroulait entre relations de même classe, de même éducation, de même fortune, et il n’était pas question de recevoir n’importe qui dans son salon.
Or, la Vicomtesse de Vernières (Muriel Cypel) qui cherche à marier sa nièce Marcelle (Delphine Depardieu), reçoit une ancienne gourgandine, la prétendue marquise d’Ange (Caroline Darnay) qui cherche à se faire épouser afin de devenir respectable, quitter le « demi-monde » et entrer dans « le monde » de cette société close : « un sommet » pour elle qui est « partie de si bas ». Y vient aussi une femme qui a fauté, Valentine de Santis (Agnès Afriat), à qui le mari, Hippolyte Richond (Pierre Maurice) a « défendu de porter son nom ».
Deux femmes libres, quelle horreur !
On comprend qu’Olivier de Jalin (Damien Boisseau) et le marquis de Thonnerins (Philippe Carle-Empereur) qui ont profité des bontés de la première, se liguent avec le mari de la seconde, pour empêcher le naïf Raymond de Najac (Aurélien Legrand) d’unir ses jours à ceux de Valentine, cette garce qui leur a donné du plaisir.
Avec un guéridon Napoléon III, deux chaises, un écritoire, Caroline Darnay, la metteuse en scène, compose un décor idéal. Les costumes, signés Mucha, ont de la classe. Les crinolines gonflent les satins et les taffetas des robes des dames, et il ne manque pas une dentelle à la gorgerette de la jeune fille.
C’est suranné à souhait, c’est délicieux.
L’ombre de La Dame aux Camélias (1852) se glisse encore dans ces scènes du demi-Monde (1855) où l’on défend « l’honneur » de « l’honnête homme ». Pas question de magnanimité pour la pécheresse. « Ah ! quoi serviraient les offenses si on les pardonnait ? » dit-on dans cette société très chrétienne.

Derrière les colonnes du Théâtre du Renard, l’ironie de Dumas fils fouette l’hypocrisie des censeurs de son siècle.


  Le Demi-Monde  d’Alexandre Dumas fils
Théâtre du Renard,
A 21 h jusqu’au 13 mai
Réservations 01 43 72 36 35

13:00 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer

05/05/2006

Tous les Hamlet du monde

 

On a tous en mémoire un Hamlet qui rêve dans nos souvenirs et ne demande qu’à s’éveiller.

Au seul nom d’Hamlet, la spectatrice professionnelle que je suis devenue, projette sur sa scène de sa mémoire, l’étrange palais que Vitez avait fait imaginer par Kokkos, dans la diagonale duquel la silhouette ramassée d’un spectre sombre se mouvait, disparaissant, apparaissant derrière les arcades qui changeaient de couleurs avec les moments de l’intrigue. Richard Fontana tenait le rôle-titre, et au moment du duel avec Laërte, l’être tourmenté qui torturait les autres, soudain se redressait, retirait cape et pourpoint et, torse nu, en pleine possession de ses moyens physiques, affrontait l’adversaire, révélant par ces gestes qu’il avait feint la folie…

Je me souviens aussi des spectres que Francis Huster voulut différents suivant la personne à qui il apparaissait, de son Hamlet ténébreux et des vraies larmes de Cristiana Reali qui jouait Ophélie. Je n’ai pas oublié le cheval noir qui caracolait dans la cour d’Honneur du palais des Papes, quand Patrice Chéreau contraignait Gérard Desarthe à ruser avec le mistral pour proférer son texte. Et dans cette même cour, du fragile Philippe Avron, caressant un crâne qu’on dit être celui de Yorrick et découvrant ainsi toute la vulnérabilité de la destinée humaine.

J’ai aussi la vision d’une pellicule rayée et tressautante de cinémathèque où Sarah Bernhardt jouait Hamlet dans le film de Clément Maurice. La voix manquait, hélas ! Comme dans ce film allemand de 1920 où Hamlet était vraiment une princesse ! Shakespeare revu et corrigé. Déjà !

D’autres se souviendront de Jean-Louis Barrault, d’autres encore de Redjep Mitrovitsa… D’autres encore ont découvert la pièce au cinéma, grâce à Laurence Olivier. Les musicologues vous parlent de la musique de Chostakovitch dans le Hamlet de Kozintsev (1964). Un de mes amis reste encore sous le charme de Marianne Faithfull qui incarnait Ophélie dans le Hamlet de Tony Richardson en 1969…

La pièce, disent les commentateurs n’a pas tout révélé. Le personnage fascine tant, qu’il sert de contrepoint à d’autres, dans des fables plus modernes. Ainsi de To be or not to be de Lubitsch (devenu Jeux dangereux à une époque où on traduisait les titres), et plus récemment de Underground d’Emir Kusturica.

Georges Lavaudant, qui présente Hamlet (un songe) pour la réouverture de l’Odéon a naturellement vu tous ces Hamlet, il les cite tous, et même s’auto cite en renvoyant l’écho de ses autres mises en scène de Shakespeare, en donnant au mannequin que manipule son acteur fétiche, Ariel Garcia Valdès, le costume et les cheveux de Richard III.

Les images sont splendides, les lumières admirables, les comédiens excellents. Mais est-il besoin de tripler Ophélie aussi gracieuse soit-elle ? Et donner Hamlet en quatre-vingt-dix minutes et dans le désordre, n’est-ce pas frustrant pour ceux qui connaissent la pièce et obscur pour ceux qui la découvrent ?

 

 

 

Théâtre de l'Odéon

Place de l'Odéon

du 27 avril au 27 mai

01 44 85 40 40

19:55 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer

01/05/2006

Denise Bonal, Grand Prix de littérature dramatique

En 2005, a été créé le Grand Prix de Littérature dramatique, à l'instigation de quelques fous de théâtre, qui voulaient en faire l’équivalent d’un Goncourt du Théâtre.
Le premier lauréat fut Marc Dugowson. À peine laissa-t-on Xavier Durringer l’annoncer au pupitre des Molières. Peu de commentaires dans les pages « culture ». Cette année, le Grand Prix a été attribué à Denise Bonal. Ai-je été distraite ? Mais je n’ai vu, ni entendu personne paraître sur France 2 pour l’annoncer… Ou alors, c’était si discret que personne n’a applaudi…
Et, pourtant, le matin même, au Ministère, le Ministre de la Culture, sur propositions d'un jury d'auteurs, attribuait le grand prix de littérature dramatique à Denise Bonal.
Depuis combien de temps le théâtre n’est-il plus de « la littérature » ? On continue d’étudier la grandeur chez Corneille, le comique chez Molière, l’alexandrin racinien, le mélange des genres chez Musset, le grotesque chez Hugo, mais les critiques littéraires ne parlent pas des textes dramatiques. On cite les répliques de Jocaste pour étudier le complexe d’Œdipe, les stances d’Antigone afin de stigmatiser les tyrans, les mots d’Hamlet quand il s’agit d’analyser la vengeance, mais qui approfondit les textes dramatiques contemporains ?
Or, si on dit aux éditions Théâtrales, « le Théâtre, ça se lit aussi ! », j’ajouterai, que « le Théâtre, ça s’écrit d’ABORD ! »
Car l’écriture permet de distinguer le dramatique et le dramatoc. On peut être floué par un beau spectacle, envoûté par une interprétation, mais le texte ne perdurera guère au-delà de la représentation. Il n’y aura ni reprise, ni nouvelle création.
Les textes de Denise Bonal supportent toutes les épreuves. Lecture, enregistrement radiophonique, création scénique, publication, reprise, traduction…
Combien de fois ai-je vu Légère en août  ? et Honorée par un petit monument ? et  Portrait de famille ? Tous les ans depuis leur création, une compagnie s’en empare, en Avignon, au Masque d’or, aux Arlequins, et ailleurs… plus loin. Récemment, « Les Pas perdus » se sont retrouvés au Rond-Point. Et cette année, De dimanche en dimanche  qui vient d’être couronné par le deuxième Grand Prix de littérature dramatique, est encore, à ma connaissance, inédit à la scène !
Mais pas pour longtemps, car, cette fois, Denise Bonal a visé l’économie, trois personnages, alors que dans la plupart de ses pièces toute une « chorale » de personnages, tisse le lien social et affectif.
Ici, de dimanche en dimanche, un père et une mère hésitent à reprendre l'enfant qu'ils ont confiée à des amis aisés qui la choient, mais l'accaparent aussi. Étrange sentiment de dépossession, d'arrachement affectif ! Douleur de déplaire aux amis, de traumatiser l'enfant... L'œuvre de Denise Bonal diffuse cette sensibilité, ces émotions délicates... Partout, des êtres qui nous ressemblent cachent leur angoisse sous des hésitations, des gestes maladroits, et leurs mots simples composent une musique de sonatine, où les silences, et les pauses ponctuent "piano", "pianissimo", les détresses avant les colères, les espoirs avant les déceptions.

Denise Bonal, qui est la modestie même, nous pardonnera de dire qu’elle n’est pas une débutante, en redonnant ici la liste des prix qui ont couronné ses œuvres,
1975, Grand Prix d’Enghien pour «Les Moutons noirs
1980, Grand prix de la radio de la SACD
1985, Grand Prix du théâtre de la SACD
1990, Prix Arletty
1994, Prix European Drama pour Féroce comme le cœur
2004, Molière du meilleur auteur pour «Portrait de famille.
Longue vie donc à Denise Bonal, longue vie à son œuvre…




De dimanche en dimanche
Éditions Théâtrales
Prix : 10 €

09:25 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer