11/01/2007
Une veuve joyeuse
Après Les Géants de la montagne, magnifique mystère nocturne où s’agitent les fantômes et les mythes, une jolie pièce solaire solidement ancrée dans la réalité populaire, La Veuve rusée de Goldoni vous séduira.
La belle Rosaura (Stéphanie Mathieu) n’est pas triste d’avoir perdu son vieux mari, le frère de Pantalon. Après quelques mois de grand deuil bienséant, comme c’est la période du Carnaval, la voilà qui court les bals en robe de soie violette et or (costumes Zig et Zag). Elle a déjà quatre prétendants : un Comte italien très jaloux (Bernard Waintrop qui joue aussi Pantalon), un lord anglais très généreux mais très froid, Milord Runebif, (Vincent Viotti), un chevalier français, Le Blau, beau parleur et maniéré (Bernard Fructus qui joue aussi Birif, le domestique du lord), un hidalgo espagnol Don Alvaro pétri de ses préjugés d’aristocrate (Pierre Bénézit qui joue aussi le Docteur, père de Rosaura et de Léonora). Rosaura, aimée de quatre nationalités différentes : déjà sous le masque, le visage de l’Europe perçait sous Goldoni !
Pour jeter son crêpe de veuve par-dessus les canaux de Venise, Rosaura s’appuie sur une servante délurée, d’origine française, Marionette (Anna Cosmao) et, comme elle est bonne fille, sert de chaperon à sa petite sœur Léonora (Axelle Girard) afin de lui éviter d’épouser un vieillard. Pour parfaire l’intrigue, il faut un Arlequin famélique Stefano Amori (qui joue aussi Foletto, le valet du Comte), qui échange les lettres parce qu’il ne sait pas lire et sert deux maîtres à la fois.
Vous avez retrouvé le maître Goldoni ? Sur scène aussi nous le retrouvons dans la mise en scène de Vincent Viotti. Il a installé ses tréteaux sur la scène du Théâtre 13, qui n’a jamais vu un décor aussi imposant (signé Erwan Tur). Léger pourtant, tout en praticables, passerelles et rideaux pour permettre aux protagonistes de parcourir les ruelles de Venise et de se retrouver chez Rosaura, sur l’espace central. C’est très habile et les sept comédiens changent d’habits et de masques (dus à Janine Kortz-Waintrop) pour tenir tous les rôles et jouer les sérénades, car ils chantent et jouent aussi d’un instrument !
C’est osons-le, parfait ! Enfin, presque parfait, puisque seule l’est la déité suprême… En ce cas, nous donnerions cet emploi à l’adorable Stéphanie Mathieu qui se joue des quatre hommes avec audace et sensibilité. Maîtresse de maison, maîtresse des cœurs et d’une élégance enjouée, elle impose une présence radieuse et magnifie la pièce.
La Veuve rusée de Goldoni,
Théâtre 13
Jusqu’au 17 février
01 45 88 62 22
13:30 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
09/01/2007
Inventer Les Géants de la montagne
La dernière pièce de Luigi Pirandello, Les Géants de la montagne, pose les problèmes des œuvres inachevées Annoncée dès 1928 comme possédant « une légèreté de nuages sur des profondeurs d’abîme », l’oeuvre n’est toujours pas terminée en 1936. Les notes de Stefano Pirandello, son fils, ne résolvent pas les questions posées par un texte aux « temps et lieux indéterminés, entre la fiction et la réalité », et qui révèle une angoissante gravité. « L’étoffe des rêves » cousue ainsi godaille par endroits. Mais Claudel nous avait prévenus : « C’est ce que vous ne comprendrez pas qui est le plus beau, c’est ce qui est le plus long qui est le plus intéressant et c’est ce que vous ne trouverez pas amusant qui est le plus drôle. » (Le Soulier de satin, I,1)
Alors, malgré les obscurités, toute représentation des Géants de la montagne cause cette impression mystérieuse, cette émotion qui fait dire au psychanalyste que « quelque part », nous savons. Laurent Laffargue, le metteur en scène, abandonne « la villa au crépi rougeâtre et délavé », et le « cyprès » déplumé que Pirandello décrit dans ses didascalies. Cotrone (Hervé Pierre), a établi ses quartiers dans un entrepôt désaffecté, structuré comme un espace shakespearien. Au fond, « le pont » pirandellien, sorte d’upper gallery surplombe l’inner gallery, cloisonnée et fermée par des portes de fer. À jardin, des praticables desservis par des escaliers étroits, troués par des buses énormes ; à cour, ce qui pourrait être l’entrée d’une demeure, un seuil de maçonnerie au faîte en arc de cercle ; sur le plateau des sièges disparates et la gigantesque bobine d’un câble dévidé pour table : tout dit la récupération, le paupérisme, et les « guignards » gravitant autour de Cotrone, Milordino (Stéphane Szestak), Quaquéo (Jean-Luc Orofino), Mara-Mara (Juliette Roudet), La Sgricia (Isabelle Sadoyan) suggèrent la vie de bohème (costumes de Nathalie Prats). Cotrone est en effet un saltimbanque, et se présente comme « magicien ». Une troupe de comédiens, ruinée par l’échec d’une création, erre à la recherche d’un abri, et de contrats. Cotrone offre l’hospitalité. Il a peu d’argent mais il le partage. Il est libre car le dénuement n'est-il la condition nécessaire de la liberté ? les comédiens pourront répéter La Fable du fils substitué et chercher un engagement. Les « géants de la montagne » et leur brutalité vont briser le petit phalanstère.
Or, La Fable du fils substitué créée en 1934 à Rome a été interdite par Mussolini, au moment où Pirandello achève et publie le deuxième acte des Géants de la montagne. L’impossibilité de terminer sa pièce n’est-elle pas liée à la trahison du régime fasciste que Pirandello avait d’abord soutenu ?
Dans cette troupe errante, démembrée, la comtesse Ilse, comédienne, (Océane Mozas) se consume littéralement d’amour platonique pour le poète qui a écrit le drame et s’est suicidé. Le Comte son mari (Éric Challier) s’est ruiné, et les autres Diamante (Hélène Babu), Cromo (Philippe Bérodot), Spizzi (Félicien Juttner), Battaglia (Laurent Ménoret), Nano (Lumachi) survivent en la protégeant. Cotrone, qui devine tout et manipule tout le monde, sous son aspect débonnaire n’est-il pas la représentation d’un pouvoir occulte qui préfère « inventer la vérité » ? Ses truquages ne sont-ils pas les effets spéciaux, mais nécessaires au nouvel art, le cinéma, auquel Pirandello collabore ? Et ces géants, que nous ne verrons jamais mais qui cernent la villa, et interrompent la représentation, quelles forces démagogiques représentent-ils ? Comment les réprésenter,? Comment les "inventer" ?
Autant de questions posées, autant de réponses imprécises, mais que de belles images et quelle poésie ! Les lumières de Patrice Trottier et la musique de Nano, organisent un univers étrange, où le matérialisme sombre dans l’irréel, où Chacun sa vérité rejoint Le Crépuscule des Dieux… Troublant…
Théâtre de la Ville
Jusqu’au 27 janvier
01 42 74 22 77
16:39 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
04/01/2007
Bonne année
Bonne année à tous. Merci à ceux qui m'encouragent de leurs commentaires bienveillants et de leurs remarques attentives.
Et que 2007 soit jubilatoire pour tous...
19:52 Écrit par Dadumas dans exposition, langue, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, exposition, langue, théâtre | Facebook | | Imprimer