18/01/2007
Intervention désarmée
Les objets gardent-ils, mieux que les hommes, le souvenir des êtres disparus ? L’âme de l’enfant intervient-elle ? En tout cas, elle les désarme. Marcinelle pardonne à Edmond. La comédie finit dans une étreinte que la lumière cerne étroitement. La sobriété de la mise en scène de Didier Moine permet à toute l’ironie d’Hugo d’éclater. Le texte rebondit allègrement de traits critiques sur la condition féminine, la prostitution déguisée sous les oripeaux de la chanteuse, la futilité des gens aisés, en particulier ce baron que Mme Verdurin aurait certainement invité dans son salon, et qui connaît tout de la mode, des chevaux et des cours de la Bourse, mais ne veut pas donner aux pauvres, parce que « ça porte malheur au jeu ». Didier Moine charge un peu la caricature de ce snobinard coureur de jupons, mais c’est pour mieux en souligner les défauts qu’Hugo dénonce. Il lui sera vite pardonné car les trois autres protagonistes jouent parfaitement le passage du rire à la colère et des larmes à la joie. Cette Intervention est une jolie réussite, ne manquez pas la prochaine représentation !
L'Intervention à Créteil, le 27 janvier,
au Centre socioculturel Madeleine Rebérioux,
à 20h45, 27 avenue François Mitterrand.
Dans le cadre du festival « Hugo et égaux »
14:50 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer
16/01/2007
Hugo et égaux
Le premier festival Hugo est ouvert. On y a associé Proust, vous le saviez déjà (note du 15 novembre 2006).
Ce soir, Rigoletto, à l'opéra de Massy, demain L'Intervention, un petit bijou du "théâtre en liberté", donné dans une jolie salle du XIIIe arrondissement, le Pavilon des ateliers, un lieu qui vaut le détour.
Et à partir de jeudi, Ruy Blas au Théâtre Mouffetard.
Les journaux n'en ont pas parlé ? Aucun des intervenants ne se présentant aux élections, et le programme ne suscitant pas des émeutes en banlieue, "Hugo et égaux" n'y a pas trouvé place.
Raison de plus pour continuer ce blog...
festival.hugo-egaux@la poste.net
14:45 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, opéra, films, expo | Facebook | | Imprimer
12/01/2007
Judith ou la force fragile
On connaît le personnage biblique de Judith, la jeune veuve juive qui pour épargner à ses compatriotes le massacre d’une bataille inégale, s’offrit au général assyrien qu’elle décapita après une nuit d’amour. Judith inspira beaucoup les peintres, et un peu les poètes.
Jean-Paul Wenzel a mis en scène celle d’Howard Baker : Judith et le corps séparé. Holopherne (Mohamed Rouabhi) est ici un « homme hanté par la mort », et Judith (Lou Wenzel », est accompagnée d’une matrone ambiguë (Camille Grandville), mi-entremetteuse, mi-commissaire politique. C’est elle qui offre Judith au conquérant, c’est elle encore qui la rappelle à son devoir, surveille l’exécution, opère la mutilation et emballe la tête trophée. Elle ordonne et admoneste, jusqu’au retournement final, où le meurtre expiatoire accompli, Judith devient, comme les sauveurs patentés, ingouvernables. On pense à l’Horace de Corneille, et on comprend que « faisant triompher Israël, elle se l’est asservi ». Camille Grandville interprète ce personnage puissant avec un art grandiose.
Barker, comme le Shakespeare de Titus Andronicus, n’hésite ni devant le sexe, ni devant le sang. Il n’écrit pas pour les âmes pures, il écrit pour les humains ordinaires, prêts à tout pour sauver leur peau. Judith n’est ni une Médée, ni une Jeanne d’Arc. Elle n’a que la force fragile de celles qui, mues par la peur, poussées par l’instinct de vie, deviennent capables du pire. Lou Wenzel tremble et se raidit, elle n’a pas encore la sensualité mortifère de la mante religieuse, mais elle en impose dans la méchanceté finale. Elle est une Judith qui dérange, une héroïne inquiétante. Mohamed Rouabhi joue en héros mélancolique et convainc de son désespoir.
Jean-Paul Wenzel a choisi judicieusement la salle dite du planétarium pour monter ce spectacle. Le plafond a la forme de dôme voulu. On ne s’étonnera donc pas de se trouver sous les étoiles, près de la tente assyrienne ouverte (décor de Jean Haas), que les lumières de Pascal Sautelet découpent latéralement. Témoins du crime, les spectateurs entendent les sons de Philippe Tivillier qui évoquent l’armée qui dort, puis qui s’éveille non loin de là, et ils tremblent que les deux femmes ne soient capturées. Puissante évocation qui suscite les craintes, et peut-être aussi la pitié qui, pour Howard Barker, mène à l'amour.
Judith ou Le Corps séparé d’Howard Baker
Nanterre-Amandiers
Jusqu’au 11 février
01 46 14 70 00
08:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer