20/03/2006
Haine ordinaire à Laramie
Les lieux du crime ne s'oublient pas. Le nom de Gambais est indissociable de celui de Landru. Pour les Américains, le nom de Laramie rappelle "l'affaire Matthew Shepard" du nom de ce jeune homme qui en 1998, succomba à la fureur criminelle de deux abrutis qui détestaient les homosexuels, haine ordinaire masquée par l'éducation religieuse, la bonhomie apparente des relations sociales, l'hypocrisie.
Laramie, c'est le Wyoming, l'Ouest des cow-boys où toutes les brutalités sont permises pour s'afficher viril. Sans doute y a-t-il plus d'un Laramie aux Etats-Unis, sans doute y a-t-il des Laramie en France qu'on s'efforce d'oublier. Grâce au travail du Tectonic Theater Project, grâce à la pièce de Moisés Kaufman, Laramie se souvient.
Le Projet Laramie, qu'Hervé Bernard Omnes adapte, met en scène et joue au Vingtième Théâtre à Paris est une pièce didactique, qui cherche à présenter objectivement tous les témoignages de l’affaire (voir www.theatreonline.com). Moisés Kaufman avait ainsi écrit Outrage aux mœurs les trois procès d’Oscar Wilde que Jean-Marie Besset adapta et mis en scène en 1999, au Théâtre 14. Le genre demande aux comédiens de se multiplier et d’interpréter cinq à dix personnages différents. Ici, dix comédiens jouent plus de soixante rôles sous la direction d'Hervé Bernard Omnes dans le rôle du narrateur. Ils sont stupéfiants de naturel. Et la mise en scène, dans sa simplicité intelligente va à l’essentiel, c’est-à-dire au cœur.
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Dans le même style, et bien que les sujets soient des fictions, rappelons Lebensraum d’Israël Horovitz où les trois comédiens de la compagnie Hercub’ (1998) donnaient vie à plus de trente personnages, en caractérisant chacun par un détail, un accent, un vêtement, et Vol 2037 (1999), et, plus récemment, Lettres croisées (2004) de Jean-Paul Alègre, où on peut distribuer de cinq à trente comédiens. (voir www.avant-scene-theatre.com)
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17/03/2006
Salon du livre
Si vous aimez le théâtre, vous cherchez peut-être des textes à lire.
En ce moment, au Salon du livre, vous en trouverez. Les éditeurs qui en publient ne sont pas nombreux, et à part deux ou trois grosses maison où il y a un département théâtre, les éditeurs de textes dramatiques, indépendants, sont installés au fond, dans l'allée N. Il y en a aussi en Wallonie, Francophonie, ou en région.
Tout petits stands, mais gens passionnés.
Et pour les critiques théâtrales, retrouvez-moi aussi sur le Journal de :
Theatreonline.com
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13/03/2006
Longue vie au Naïf
Le Naïf théâtre a posé ses cantines l’année dernière, devant les ateliers désaffectés du matériel roulant de la SNCF, dans un quartier en pleine rénovation. Au Grand Parquet. Le "parquet", vous savez, c'est cette construction de bois qu’on montait dans les fêtes villageoises pour faire danser la jeunesse, dans le temps, au siècle dernier, on y tangotait encore dans ma Puisaye à la fin des années 50.
Depuis un an, Richard Demarcy qui fut longtemps nomade, y a créé des spectacles tous publics, imaginé des festivals, des concerts, et en 2006, après la création de Vies courtes on y rendra un hommage à Léopold Sédar Senghor.
La troupe est colorée et internationale : Lomani Mondonga est zaïrois, Chrysogone Diangouaya est franco-congolais, danseur de formation il a rejoint la troupe cette année. Antonio da Silva vient du Portugal, Kudzo do Tobias du Togo, Alfa Ngau-Domingas d’Angola, Jean-Lacroix Kanga du Cameroun, Reine Mukinisa de Kinshasa, Guy Lafrance du Québec, Jean-Clément Doukaga du Gabon. L'auteur est français. Vies courtes est la trentième pièce de Richard Demarcy. Elle parle de l’Afrique et des enfants sacrifiés pour le profit de blancs et de noirs corrompus. Ils ne le sont pas tous, mais tous en sont victimes.
Mamadou était un as de la mécanique et réparait toutes les voitures. Celles des noirs crapuleux comme celle des blancs industrieux. Il ne demandait qu’à travailler en bonne intelligence avec son quartier, mais il était trop généreux avec plus misérable que lui. Il gênait. Une balle l’a cloué sur l’asphalte. Son corps ne bouge plus, mais son âme vagabonde. Elle prend l’avion et rencontre celle de Yaguine, mort de froid dans le train d’atterrissage. Ils découvrent ensemble les mensonges des uns, les vilenies des autres, et comment on a bafoué l’espérance.
Richard Demarcy ne juge pas, il bouleverse. Il montre des criminels, qu’ils soient blancs ou noirs. Il peint des hommes qui luttent pour survivre, qui se souillent pour sauver leur peau. Il dresse le tableau en humaniste, mais le propos s’avère pessimiste.
Sur le plateau, des percussions africaines à cour, une batterie à jardin, au centre, deux sièges blancs sur roulettes, figurant des sièges d’avion. Au fond, un rideau bleu, léger, on en retrouvera d'autres sur les côtés pour encadrer l’espace central, devant pour créer un proscenium, en diagonale pour figurer la clôture du camp de vacances. Au plafond, le voilage de lin blanc se replie dégageant un ciel de nuit américaine. Les scènes s’enchaînent sans heurt, en continuité. On passe de l’asphalte brûlant au tarmac protégé sans autre indication qu’une ligne lumineuse déposée à plat sur les côtés. On sait sans hésiter que Yaguine est mort, comme Mamadou, puisque leur visage est blanchi de céruse, puisque Yaguine tire lentement sur la flaque de soie rouge qui baigne le corps de Mamadou et fait glisser le tissu vers lui.
Lomani, Antonio, Alfa et Reine chantent… La musique et les chœurs ponctuent les événements, dans un rituel syncopé. Pour le road movie sur les pistes africaines, deux portières de voitures et le rythme des corps ballottés par les cahots des chemins défoncés, suffiront à assurer le décor. Au Naïf Théâtre, on bricole des atmosphères avec des riens, l’imagination du spectateur est requise. Et on sollicite son jugement. Dimanche 12 mars, c’était un beau jour pour mourir. Pour réfléchir aussi. Et pour se réjouir d’être ensemble, encore une fois. Longue vie au Naïf théâtre…
Tous les dimanches après le spectacle, il y a un programme de chants et danses africains, et bal.
Alors, dimanche prochain, on va danser ?
Vies Courtes
du 12 mars au 9 avril 2006
Le Grand Parquet20 bis, rue du Département
75018 Paris
01 40 05 01 50Texte publié aux éditions Acoria
Prix : 14 €
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