22/03/2007
Un doux secret
Quel tracas pour un père d’avoir deux filles à marier ! L’aînée, Elisetta (Karine Godefroy), est fière, la cadette, Carolina (Gaëlle Pinheiro), est tendre. Le seigneur Geronimo (Pierre-Michel Dudan), riche marchand de Bologne, croit avoir trouvé la tranquillité quand Paolino (Gorka Robles-Alegria), son commis, lui transmet l’engagement du Comte (Frédéric Bang-Rouhet) à épouser Elisetta. Hélas ! Dès la première rencontre, le Comte n’a d’attentions que pour Carolina et repousse Elisetta. L’aînée tient à ses prérogatives. La cadette refuse de se laisser marier d’autant qu’elle n’est plus libre. Elle s’est unie secrètement à Paolino. Le père l’ignore, la tante aussi, qui est veuve et a des vues sur le jeune homme. Alors les quiproquos succèdent aux malentendus.
L’action, commencée en costumes modernes stricts et chics mais noirs, se colore à la fin du deuxième acte de taffetas chatoyants ou brodés, et de perruques poudrées (costumes de Dominique Bourde). Le décor est immuable, une jolie terrasse où un labyrinthe de verdure conduit les protagonistes. Au fond un ciel clair nuancé de rose veille sur les amours et rappelle l’harmonie strehlerienne. Décor et lumières sont signés François Cabanat pour cette mise en scène très enlevée d’Anne-Marie Lazarini.
L’expérience de sa mise en scène de La Traviata en 2005, a permis à la directrice du théâtre de réaliser son vœu secret : accueillir aux Athévains une œuvre lyrique. Il a fallu dégager une fosse d’orchestre. Toutes difficultés aplanies, avec huit musiciens de l’Orchestre-Studio de Cergy-Pontoise, la musique de Cimarosa court, allegro, tout en cordes espiègles. Le livret de Giovanni Bertati gambade vers une fin heureuse.
Au dénouement, on aimerait présenter ses félicitations…
Il Matrimonio segreto (Le Mariage secret),
Opéra bouffe de Domenico Cimarosa.
Depuis le 6 mars
01 43 56 38 32
les 24, 25 et 26 mai au Théâtre de Jouy-le-Moutier (95)
10:10 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
21/03/2007
Revenir et mourir
L’intérieur est cossu, l’atmosphère est tranquille. Une baie vitrée ouvre sur le jardin d’hiver. Régine (Elisabeth Ventura) entre, vêtue d’une robe grise comme une parente pauvre ou une servante : elle vient allumer le feu. Le portrait du maître décédé trône au dessus de la cheminée. Bel homme, auquel le « jeune maître », Oswald Alving (Arnaud Denis) ressemble. Dans Le Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde donnait à une peinture, les stigmates des crimes que son héros perpétrait. Le jeune metteur en scène, Arnaud Denis a dû s’en souvenir. Car, malgré l’aisance de l’intérieur bourgeois, il manque un morceau au cadre et le manteau de la cheminée semble rongé par quelque prédateur xylophage. Les décors de Millie, les costumes d'Emmanuel Peduzzi, sobres et intelligents ont installé le drame.
Oswald Alving (Arnaud Denis) est artiste peintre, il est revenu dans la maison familiale, et sa mère, Madame Alving (Michèle André) peut enfin lui témoigner la tendresse dont elle se privait. Pour quelles raisons ? Le mari décédé, l’homme du portrait, a mené une « vie de débauche » ! Le terme a été « employé par le médecin » et Mme Alving le répète au pasteur (Jean-Pierre Leroux). Elle a « porté sa croix avec humilité », elle a « fait son devoir », mais le « ver » est passé dans le fils menacé de « ramollissement cérébral » à brève échéance. Il s’est amouraché de la jeune protégée que Mme Alwin a arrachée à Engstrand (Bernard Métraux), un autre père indigne. Cependant, Régine ne pourra pas l’épouser, ni Oswald chercher quelque rédemption dans l’amour, puisque le la jeune fille est une fille adultérine de son père… Quand Mme Alvin les aperçoit dans le jardin d’hiver, elle croit voir « des revenants » : son mari et la servante Joanna.
Pères coupables, femmes humiliées, pasteur hypocrite, Ibsen peint une société close qui condamne les artistes dont elle fustige la « flagrante immoralité », mais accepte des turpitudes autrement destructrices. Mme Alvin rejette trop tard cette vie de façade, cette « morale, cause de tous les malheurs des familles. » Plus de soleil pour le pauvre Oswald ! Il est revenu pour mourir.
Les comédiens sont admirables, Arnaud Denis ténébreux et fébrile, tout en nerfs, Bernard Métraux cauteleux et inquiétant, Elisabeth Ventura fragile et dure, Michèle André raidie de chagrin dans le corset qui la maintient dans le droit chemin, Jean-Pierre Leroux guindé et prude, que les lumières de Laurent Béal cernent et isolent, et la musique de Philip Glass enveloppe.
Ces Revenants parlent de secrets enfouis et de vies dévastées : un grand Ibsen révèle un jeune metteur en scène de valeur.
Les Revenants d’Ibsen au Théâtre 13
jusqu’au 15 avril
01 45 88 62 2219:10 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
20/03/2007
Faillite d’une vie
Le personnage central d’Un homme en faillite de David Lescot, partage avec le Galy Gay d’Homme pour homme de Brecht, son indécision et son aptitude pour l’échec.
David Lescot construit autour de son antihéros, interprété par Pascal Bongard, une fable ironique qu’il met lui-même en scène. L’Homme est celui qui ne réussit nulle part et qui décourage tout le monde : sa femme (Norah Krief), ses employeurs, et même le mandataire liquidateur (Scali Delpeyrat) qui l’avait pris en amitié, et tentait de le sortir de sa déchéance.
Quand commence l’action, dans la scénographie d’Alwyne de Dardel, la faillite est déclarée, la femme a fait sa valise et on a déjà fait table rase de tous les objets de valeur. Peu à peu, l’homme en faillite est dépouillé de ce qui reste. Les modifications du décor importent peu. Sans doute, la seule disparition des objets et accessoires aurait suffi à signifier la ruine, et on aurait gagné en rythme.
Mais reste une écriture incisive, et ce personnage de « liquidateur », que Scali Delpeyrat interprète avec brio. Il est irrésistible, cet homme de loi rigoureux qui tente désespérément de rester humain et intègre.
Un homme en faillite de David Lescot
Jusqu’au 24 mars au Théâtre des Abbesses 01 48 87 54 42
Puis à la MCLA de Nantes
À la Manufacture de Colmar
Au CDDB de Lorient.
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