31/01/2008
La visite de la jeune dame
Tout va de travers dans l’hôtel miteux où le réceptionniste (Jean-Claude Dreyfus) s’affaire. Les meubles sont de guingois, le comptoir décrépit, les objets se dérobent (scénographie de Patrick Farru). Le veilleur de nuit ronchonne, exagère le désordre, se complaît dans la grossièreté. Un homme jeune entre. Il porte une mallette de représentant de commerce et demande une chambre : le quotidien ! Il annonce qu’il attend une femme : banal ! Il proteste contre les négligences de l’établissement : c’est déjà moins courant. Il s’enquiert des curiosités municipales : étonnant. Le veilleur de nuit ironise, puis, à de petits détails, se trouble. L’homme sort pour trouver à se restaurer.
Peu après entre une femme en robe rouge (Claire Nebout), elle « ressemble ». À qui ? La transition indirecte ne se fait pas. L’art de Serge Valletti est dans ce langage qui s’affranchit des règles pour mieux se plier à l’action et à la vérité des personnages.
L’enquête commence, et c’est au réceptionniste de recevoir. Quoi ?
C’est une quête de la vérité. Et le metteur en scène Christophe Correia trouverait discourtois que je vous livrasse ( !) le secret de la visite de la jeune dame.
Mais vous l’avez deviné, comme la vieille dame de Dürrenmatt, elle ne fait pas de cadeau ! Allez voir Réception. Vous ne le regretterez pas…
Réception de Serge Valletti
Théâtre des Mathurins
Petite salle, 21 h
01 42 65 90 00
21:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
30/01/2008
La guerre ou l'amour ?
Mais qu’est-ce qu’elle allait faire, Penthésilée (Léonie Simaga), la fière Amazone, à soutenir les Troyens contre les Grecs ? Mais à quoi il pensait le fils de Pélée, le roi des Myrmidons, pour aller sans armes au devant d’une guerrière ? Parce que Thétis sa mère l’avait trempé dans le Styx, Achille (Éric Ruf) se croyait invincible. Les mortels n’écoutent jamais les conseils des sages et bravent toujours le Destin.
La rencontre d’Achille et de Penthésilée finit mal. Kleist l’imagine en tragédie sanglante. Un mélange des Bacchantes d’Euripide, et de Titus Andronicus de Shakespeare. Jean Liermer, le metteur en scène choisit l’horreur plus que la pitié. Le spectacle sanguinolent balaie tout romantisme. Ici on préfère la guerre à l’amour. Penthésilée n’est pas amoureuse, elle est possédée. Nietzsche remplace Aristote.
La scénographie de Philippe Miesch évoque un chaos de pierres où les strates d’ardoise glissent dans des ravines. Les lumières de Jean-Philippe Roy intensifient les ombres. La brutalité de la nature submerge les sentiments. Dans un camp, les Grecs, uniformes modernes, brochettes de médailles : Ulysse (Andrrzej Seweryn), Diomède (Bakary Sangaré), Antiloque (Grégory Gadebois) échangent des propos misogynes. Dans l’autre, les « fiancées du vent », Prothoé (Catherine Sauval), Méroé (Cécile Brune), Astérie (Sylvia Bergé), Io (Géraldine Martineau), sous l’autorité de la Grande prêtresse de Diane (Martine Chevalier), tuniques longues et carquois remplis de flèches assassines (costumes de Werner Strub), guettent leur virile proie. Les guerriers qu’elles vainquent deviennent « à la fête des roses », des hommes qu’elles couronnent et qui seront admis à les féconder.
Penthésilée a bien appris les rites. Mais elle confond copulation et dévoration, et au lieu de devenir femme entre les bras d’Achille, elle devient chienne pour le déchirer à belles dents. Dans ses transes meurtrifères, elle tue celui qu’elle aime et le mange…
La traduction ne manque pas de lyrisme et de beauté. La Comédie-Française combat vaillamment. On peut préférer L’Iliade. Homère ne raconte-t-il pas que c’est Achille qui tue Penthésilée ? Qu’il pleure en voyant sa jeunesse et sa beauté, et qu’il tue Thersite qui insultait le cadavre.
Décidément, il vaut mieux faire l’amour…
Penthésilée de Heinrich von Kleist
Traduction de Ruth Orthmann et Eloi Recoing
Comédie-Française
0825 10 16 80
19:30 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
27/01/2008
Les couleurs de Hollywood
Diane (Raphaëline Goupilleau) est une femme de tête. Depuis des années, elle creuse son trou à Hollywood. Elle se bat pour devenir productrice dans un monde de requins. Elle a décidé de faire de Mitchell (Arnaud Binard) une star, et lui ouvre la carrière pour mieux bâtir la sienne. Que Mitchell présente des « symptômes récurrents d’homosexualité » ne peut pas arrêter sa course vers la gloire. Elle s’y emploie. Elle a le regard froid du clinicien, et son jugement est sûr. Sa parole est prompte, sa logique infaillible. Aussi rapide à parer les coups du sort qu’à changer de stratégie, elle comprend tout. Elle discerne les sous-entendus et entend résonner « à travers toute l’Amérique du nord », « les guillemets » qu’on met au mot « ami ». Elle comprend les non-dits et elle épilogue sur ce « qui échappe totalement aux gens concernés. »
Avec ce personnage hors du commun, Douglas Carter Beane dresse le portrait d’un milieu sans scrupules, auréolé d’illusions hollywoodiennes. Les images d’idylles bienséantes cachent les compromissions. À Los Angeles, on fabrique les rêves, à New York, on en trouve l’étoffe et les protagonistes. "A los Angeles on a résolu le problèmes des portables dans les théâtres, il n'y a plus de théâtres." A New York, il y a encore des théâtres, des auteurs, et des pièces à succès dont les producteurs d'Hollywood aimeraient posséder les droits.
Alex (Edouard Collin) jeune prostitué n’est pas gay quand, un soir de solitude à New York, Mitchell, rémunère ses services. Il a une petite amie, Helen (Julie Debazac), qui elle-même vit des largesses d’un certain Arthur, « un vieux mollasson ». Tous deux passent leur temps à faire la fête. La rencontre avec Mitchell foudroie leur existence. Alex ne fera plus « ce truc pour de l’argent ». Mitchell et lui ne se quittent plus. Mais comment vivre d’amour et d’eau fraîche quand le cinéma vous promet la gloire ? Comment tourner le rôle de sa vie quand l’opinion publique condamne les homosexuels ?
Heureusement Diane veille, imperturbable et perspicace. Raphaëline Goupilleau tient un rôle de diva. Elle donne, d’une voix charmeuse, la souple autorité d’un personnage audacieux et tenace. Jean-Marie Besset a écrit une adaptation aux réparties mordantes, aux apartés ravageurs, qu’elle savoure et dont elle fait déguster l’insolence mesurée aux spectateurs. Avec Arnaud Binard, elle forme « un duo de choc ». Julie Debazac passe de la mollesse à la femeté, Edouard Collin joue les rebelles avec conviction.
Diane commente ce qu’elle dit et ce qu’elle ne dit pas, mais qu’elle pourrait dire, si elle était franche, si les autres étaient sincères, et si on pouvait faire confiance aux gens de cinéma. « Donner ma parole ? Mais qu’est-ce que c’est que cette embrouille ? », s’écrie-t-elle, quand il s’agit de persuader l’auteur de théâtre de céder ses droits au cinéma : « Un auteur avec un droit de regard ? Autant donner des armes à feu à des enfants ! ».Le texte de théâtre est un pré-texte. Dans l’industrie cinématographique aux couleurs de Hollywood, il faut un happy end. Pour Mitchell, dont « le rêve est d’être dans les rêves de tous les autres », Diane saura modifier le scénario qui dérape.
Jean-Luc Revol, le metteur en scène, a résolu merveilleusement les problèmes des changements de lieux avec un panneau circulaire tournant, et des accessoires qui s’y greffent (Décors de Sophie Jacob et costumes d’Aurore Popineau, dans des lumières de Bertrand Couderc). Pas de temps morts, mais du nerf, et un tempo infernal. C’est péremptoire. Le public jubile.
Et « la souris verte » dans tout ça ? Une proposition de comptine pour un dénouement édulcoré fabriqué par Diane à l'usage des grands enfants qui gobent tout ce que les médias colportent… et que je vous conseille d'aller découvrir vous-même.
Une souris verte de Douglas Carter Beane
Adaptation de Jean-Marie Besset
depuis le 22 janvier
Théâtre Tristan Bernard
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17:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer