14/09/2012
Au pied de la Butte
Les truands fleurissaient dans les films d’Audiard à la fin des années 50. Les voici maintenant sur scène dans une parodie de Pascal Laurent qui embaume la nostalgie : Julie des Batignolles. Le titre en évoque un autre : Le Costaud des Batignolles dans lequel, le duo Raymond Bussières et Annette Poivre sortait tout droit des fameux Branquignols.
Les duettistes de Pascal Laurent en ont gardé l'esprit, cependant, ce sont des caves. Paulo (Philippe Lelièvre) est le chef, mais son acolyte Riton (Kevin Métayer) ne rate pas une bourde. Et celle qu’il commet dans le kidnapping est de taille. Au lieu d’enlever la richissime et laide Julie, il kidnappe, la mignonne Marie (Manon Gilbert), une drôlesse délurée et bavarde. Jupon amidonné sur une jupe de vichy noir et blanc, cheveux en choucroute mal arrimée, notre Bardot des Batignolles ne se laisse pas impressionner. Ni Greta (Viviane Marcenaro), la régulière de Paulo, ni le gendarme Chapon (Thierry Liagre) qui joue les ripoux, n’en viendront à bout.
Mais comme on ne peut pas toujours se tromper, c’est Riton qui gagnera la fausse Julie et le vrai pactole.
Dans un décor de Stéphanie Jarre, les coups de théâtre et les coups de feu s’enchaînent. Les comédiens restent sérieux et mesurés. Les spectateurs s’amusent.
Entre la cabane de chasse, et les Batignolles, le chemin est malaisé. Surtout qu’entre les stations Pigalle et Abbesses, nous serions plutôt du côté de Montmartre, au pied de la Butte. Mais aucune importance du moment que les voies de la création restent pénétrables.
photos : © Lot
Julie des Batignolles de Pascal Laurent
Théâtre La Bruyère
Du mardi au samedi, à 21 h
01 48 74 76 99
09:17 Écrit par Dadumas dans langue, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer
13/09/2012
Grandes manoeuvres démocratiques
Aujourd’hui que l’Allemagne est réunifiée, il est utile de rappeler le temps des deux Allemagnes la R. F. A. et la R. D. A., afin de montrer le chemin parcouru, depuis la destruction totale en 1945, la partition imposée par les vainqueurs, et le combat mené par ceux qui croyaient en la démocratie. Car dans l’Allemagne qu’on appelait « démocratique », la liberté n’existait pas. Un « rideau de fer » divisait l’Est et l’Ouest, et à Berlin, un mur séparait la ville.
Démocratie raconte un moment de l’histoire des relations entre ces deux Allemagnes. Michael Frayn retrace comment Willy Brandt (Jean-Pierre Bouvier), agit pour faire accepter sa politique d’ouverture vers l’Est (ostpolitik), quels furent les opposants, les coalitions, et pourquoi, en 1974, la découverte de Günter Guillaume (Alain Eloy), un espion de la Stasi (police politique de l’Est) infiltré dans ses services, faillit faire échouer ces grandes manœuvres démocratiques et même compromettre le fonctionnement des institutions. Willy Brandt dut démissionner de son poste de chancelier.
Sur scène, sont présents tous ceux qui, représentent le pouvoir de la République fédérale Helmut Schmidt (Emmanuel Dechartre), Herbert Wehner (Jean-François Guilliet), Horst Ehmke (Frédéric Lepers), Reinhard Wilke( Frédéric Nyssen), Ulrich Bauhaus (Xavier Campion), Günter Nollau (François Sikivie), Hans-Dietrich Genscher (Alexandre von Sivers) ont tous existé.
Un seul personnage est imaginaire : Arno Krestchmann (Freddy Sicx), le correspondant de Günter Guillaume, le véritable espion. Le dialogue se fait à la fois récit des événements et son commentaire. Le rapport des deux protagonistes permet de distancier les faits abrupts de l’Histoire. Les certitudes de l’Est s’opposent ainsi aux doutes de Guillaume, fasciné par le personnage de Willy Brandt.
Embauché parce qu’il représentait « un homme ordinaire », issu de Berlin, et au départ, parfait « serviteur de deux maîtres », Guillaume découvre que lui et Brandt sont « deux orphelins de guerre » et que leurs parcours se ressemblent. L’espion de la R. D. A obéit à ses chefs, mais se prend à admirer « le grand pacificateur de la R. F. A. et se réjouit de ses succès.
Le metteur en scène, Jean-Claude Idée est fidèle à l’ironie de l’auteur, et cette bande de politiciens ressemble quelquefois à un gang bien organisé. Autour du chancelier, dans un décor de meubles tubulaires noirs, les hommes politiques trahissent, tendent des pièges, exigent des places. Günter Guillaume, sans autre ambition que servir son pays, semble lui être plus fidèle qu’un Herbert ou un Helmut.
Les dix hommes paraissent comme prisonniers de la scène barrée par un mur en diagonale. Dans cette nuit de novembre 1989 où le mur s’écroule, le fond de scène se déchire, et c’est tout un peuple qui peut, comme Willy Brandt, enfin respirer.
Photos © Lot
Démocratie de Michael Frayn
Version française de Dominique Hollier publiée chez Actes sud.
Théâtre 14
Ma, ve, samedi à 20 h 30
Me et je à 19 h
01 45 45 49 77
23:28 Écrit par Dadumas dans Histoire, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre 14, histoire | Facebook | | Imprimer
Un couscous pour la rentrée
Fellag est heureux en France, d’abord parce qu’en débarquant à Marseille, en 1995, il a rencontré tant de compatriotes qu’il s’est dit que la France c’était « une Algérie française qui avait réussi ». Puis quand, ces derniers temps, il a su que, d’après un sondage, « le couscous serait devenu le plat préféré des Français », il a décidé de sceller la fraternité en nous préparant le plat « national », entre « l’Algérie perdue (il y a cinquante ans tout juste) et la France retrouvée. »
Oui, sur scène, devant nous, dans un décor de Sophie Jacob, mis en scène par Marianne Épin, il coupe les légumes, la viande (hallal et kacher), roule la semoule, dans un « cooking-show » théâtral, au cours duquel, de propos en anecdotes, il commente « les chocs de civilisations ». Et ces "petits chocs" là, font les bonnes séquences, ponctuées par les lumières de Philippe Lacombe. Fellag égratigne toutes les formes larvées de racisme, et naturellement les adeptes des extrêmes.
Fellag sourit toujours, fait des propositions aux « indigènes de France », explique qu’on peut toujours « contourner les interdictions » quand il s’agit de religion.
Mais ça, les jésuites nous l’avaient déjà appris...
Il a, comme Scapin, à qui il ressemble, plus d‘un tour dans son sac, et ne se prive pas de rosser (verbalement) les méfiants et les xénophobes de tous bords.
Et dans la salle, on rit, on est d’accord. On l’adore…
Un couscous pour la rentrée, voilà une bonne idée !
Photo :
Petits chocs des civilisations de et par Fellag
Théâtre du Rond-Point
11 septembre - 10 novembre 2012, 18h30 puis en tournée,
relâche les lundis, les 15, 16 septembre, du 7 au 15 octobre et le jeudi 1er novembre
réservations 01 44 95 98 21 - www.theatredurondpoint.fr
créé à la Comédie de Picardie le 5 octobre 2011
14:26 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | | Imprimer