11/01/2014
Mourir ensemble
Orphée (Sam Richez), violoniste désabusé traîne son ennui au côté de son Père (Jean-Laurent Cochet, musicien médiocre. Ils vivent chichement et vont de ville en ville jouer aux terrasses des cafés, espérant un engagement au casino de Palavas. Ce soir-là, au buffet de la gare, sous l’œil d’un garçon imperturbable (Fabrice Delorme) et d’une caissière muette (Maryse Flaquet), tandis qu’ils attendent leur train, apparaît Eurydice (Norah Lehembre), parmi les comédiens d’une troupe en tournée. Coup de foudre : « tout est devenu beau ! ». Orphée et Eurydice décident de fuir ensemble, lui abandonnant son père, et elle, fuyant Mathias (Julien Morin) l’homme qui l’aime, sa mère (Catherine Griffoni) et son amant (Jean-Pierre Leroux), et l’odieux imprésario, Dulac (Jean-Claude Eskenazi). Un mystérieux témoin les suit jusqu’à Marseille : Monsieur Henri (Vincent Simon) aux allures de voyageur de commerce. Le bonheur des amants est de courte durée. Voulant fuir le passé que Dulac menace de révéler, Eurydice trouve la mort dans « le car de Toulon ». M. Henri, pactise avec la mort et ramène Eurydice, à condition qu’Orphée ne la regarde pas avant le matin. Orphée est trop jaloux pour tenir sa parole. Il plonge son regard dans les yeux d'Eurydice...
Malgré les témoignages favorables du petit régisseur (Jacques Ibranosyan), du chauffeur du car (Nicolas Natkin), du garçon d’hôtel (François Pouron), du secrétaire du commissaire (Pierre Ensergeix), et de la caissière qui parle enfin, Eurydice disparaît à jamais, et M. Henri propose à Orphée de la rejoindre Eurydice, en mourant. Ainsi, les deux amants sont réunis pour toujours.
Jean Anouilh renouvelle le mythe grec en transposant l’histoire dans la modernité des années 40 où se débattent des gens ordinaires, ni riches, ni pauvres, ni honnêtes, satisfaits de peu, âmes avares et morales mesquines. Le poids du passé écrase ceux qui s’aiment dans une société cornée où il vaut mieux mourir ensemble plutôt que d'essayer de vivre dans un monde « difficile ».
Jean-Laurent Cochet et Sam Richez, signent la mise en scène dans un accord exceptionnel car beaucoup de ces jeunes gens ont été formés par le maître qui joue le Père dans toute l’acception du terme. On y découvre avec bonheur la jeune Norah Lehembre, sensible, émouvante et belle dans le couple passionnel qu’elle forme avec Sam Richez.
« il est difficile de toujours expliquer tout » dit Eurydice.
Il est « difficile » de ne pas les aimer tous, ces jeunes comédiens, « beaux, insolents et terribles » unis autour de leur maître, pour porter la parole d'un auteur et servir le Théâtre.
Photos : © LOT
Eurydice de Jean Anouilh
Jusqu’au 22 février
Théâtre 14
01 45 45 49 77
09:42 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre 14, anouilh, j. - l.- cochet | Facebook | | Imprimer
01/11/2012
Biographie
Qui est né à Bordeaux en 1910 ?
Qui n’a pas eu de biographie jusqu’en 2010 ?
- Jean Anouilh !
Bravo… Mais vous aviez lu ma note du 26 septembre dernier ! Tricheurs....
Et si maintenant j’ajoutais qu’Anca Visdei a refondu entièrement cette première biographie, y a ajouté des documents et des analyses passionnantes et a changé d’éditeur…
Jean Anouilh, une biographie, retrace le parcours difficile du dramaturge, secrétaire de Jouvet qui refuse de monter ses pièces, puis ses rencontres heureuses, Pierre Fresnay, Georges Pitoëff, André Barsacq, ses amitiés constantes, ses inimitiés tenaces.
Anca Visdei l’a rencontré en 1980, il l’a encouragée dans sa carrière et conseillée jusqu’à sa mort en 1987. Elle aussi a l’amitié fidèle, elle exprime même ici un sentiment fort rare aujourd’hui : la reconnaissance.
Depuis hier, vous trouverez ce nouvel ouvrage dans toutes les bonnes librairies.
Visdei Anca : Jean Anouilh, une biographie, éditions de Fallois, 22 €
18:00 Écrit par Dadumas dans Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, théâtre, anouilh, anca visdei | Facebook | | Imprimer
26/09/2012
La petite Antigone
Nous avons toujours eu un faible pour Antigone la rebelle, qui se sacrifie pour son père, Œdipe, puis pour son frère Polynice. Sa figure héroïque est un exemple de résistance face à l’arbitraire du pouvoir. Jean Anouilh, en désacralisant le mythe nous la rendit familière. C’est son Antigone que Marc Paquien monte au Vieux-Colombier. Rappelons qu'elle fut écrite en 1942, créée en 1944, et qu'elle est la métaphore de cette époque.
Dans sa mise en scène « la petite Antigone », (Françoise Gillard) est une frêle silhouette androgyne. Cette adolescente farouche affronte le massif Créon (Bruno Raffaelli) qui la domine et l’écrase. Il pourrait la briser, il veut la soumettre. Jamais, la puissance vaine de Créon n’avait été incarnée avec autant de force.
Le décor de Gérard Didier montre la façade d’une demeure. Trois portes ouvrent sur un lointain sombre. Ville de Thèbes ? Intérieur du palais ? La scène se passe sur une esplanade, ou une cour qui rétrécit à mesure que le tyran fait le vide autour de lui. La lumière de Dominique Bruguière accentue les effets et contrastes de clair-obscur.
Claire Risterucci donne aux costumes des allures modernes conformes au souhait de l’auteur. Le Chœur (Clotilde de Bayser), grille une cigarette avant de commencer le prologue. Ismène (Marion Malenfant) parade en robe décolletée, le page (Carine Goron) en uniforme, La Nourrice (Véronique Vella) porte le deuil, Hémon (Nâzim Boudjenah) est bouleversant, le Garde (Stéphane Varupenne) accompli. Les comédiens français sont parfaits.
La soirée est excellente. Anouilh est bien servi. Mais pourquoi cette pièce n’entre-t-elle pas au répertoire ?
P. S. "Je n'ai pas de biographie" disait Anouilh de son vivant. Depuis 2010, il en a une : Anouilh, un auteur inconsolable et gai, signée Anca Visdei, aux éditions des Cygnes.
Jusqu’au 24 octobre
Théâtre du Vieux-Colombier
01 44 39 87 00/01
11:11 Écrit par Dadumas dans Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : théâtre, anouilh, comédie-fraçaise, vieux colombier | Facebook | | Imprimer