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14/02/2010

Dire l’inacceptable

 

 

Il y a des pays où les enfants jouent car les adultes les protègent. Il y en d’autres où ceux qui devraient les éduquer, les affament, les violent, les torturent, et les obligent à tuer. Et, au lieu d’entendre rire, on entend « le bruit des os qui craquent ». Et « le fusil tue l'âme de celui qui le porte ».

Suzanne Lebeau raconte ici le calvaire des enfants-soldats, arrachés à leurs familles que les rebelles ont massacrées devant eux. Ils ont ensuite été contraints de suivre les guerriers pour leur servir d’esclaves. Joseph (Benjamin Jungers) a huit ans quand il arrive au camp, épuisé. Elikia (Suliane Brahim), y est prisonnière depuis trois ans. Elle a treize ans, et est devenue « l’épouse » de Rambo, le chef. Elle possède une kalachnikov et on la respecte. Elle décide de s’échapper et emmène le petit garçon avec elle.

C’est par « la fuite » que commence la pièce de Suzanne Lebeau. Les deux enfants sont au centre du plateau. Anne-Laure Liégeois dépouille le plateau. Pas d’autre décor qu’un caillebotis pour figurer le camp, la forêt, le bord de la rivière, la palmeraie, l’hôpital. Les lumières de Marion Hewlett trouent les zones d’ombre et d’épouvante. La bande sonore de François Leymarie accompagne le voyage des enfants, des espaces vrombissants aux silences troués de bruits naturels. À cour, Angelina (Isabelle Gardien), l’infirmière qui a accueilli les enfants, témoigne, devant un tribunal, de l’inacceptable, parce qu’il est « impératif de savoir ». Les spectateurs sont juges.

Et c’est terrifiant. Car tous, partagés entre l'horreur et la pitié, nous voudrions les secourir, et notre impuissance nous accable.

Avec des mots simples, Elikia a consigné dans un cahier d’écolier, à l’hôpital, les atrocités qu’on lui a imposées. Quand a-t-elle rédigé ce témoignage? Quand elle a accepté de se séparer de son arme, quand la fièvre a commencé et qu’on s’est aperçu qu’elle « avait sa place à l’hôpital ». Mais on ne rédige pas des rapports officiels avec « des mots d’enfants ».

« À quinze ans, de quoi voulez-vous que nos filles meurent ? D’une balle ou du sida ? » questionne l’infirmière.

Le petit Josef sera sauvé. Il retrouvera sa famille, et retournera à l’école.

Mais combien d’enfants encore sous les armes ?

 

 

Le bruit des os qui craquent de Suzanne Lebeau

Studio de la Comédie-Française

Jusqu’au 21 février à 18 h 30

01 44 59 98 58