Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/09/2011

Les agités du pouvoir

 

 

Critiquer les puissants du jour est un exercice difficile. On pardonne aux chansonniers leurs satires quand elles restent dans les petits théâtres spécialisés, mais s’ils tentent leurs critiques à la radio, à la télé, on a vite fait de les écarter du micro, ou de couper leur numéro au montage de l’émission.

Alors, créer une œuvre pour attaquer les mœurs politiques de nos contemporains semblait impossible. Il y eut bien, du temps de Napoléon le Petit, un trio célèbre, (Offenbach, Meilhac et Halévy) qui s’en donnait à cœur joie, sous couvert de mythologie (La Belle Hélène) ou d’affaires étrangères (La Périchole), mais depuis, beaucoup se contentent de « dépoussiérer » Shakespeare, Corneille, Hugo ou Jarry. La pièce de Jean-Louis Bauer, La Vie de château  a bien été éditée, mais aucun metteur en scène ne s’est pour l’instant, risqué à la monter.

 Aussi, il a fallu bien de l’audace et tout son génie comique à Jean-Michel Ribes pour oser un « opéra bouffe » : René l’énervé. « Puisque les politiques font du spectacle, il est bien normal que les hommes de spectacle fassent de la politique… » a-t-il annoncé. Et le résultat est ce spectacle « tumultueux », qui ne va pas plaire à tout le monde !

Un Chœur antique, Théâtre, Ribes, René l'énervé« venu spécialement de Grèce », ouvre l’action de cet « opéra chaotique, Sophie Angebault, Caroline Arrouas, Claudine Charreyre, Guillaume Severac-Schmitz, perruques bouclées, et robes de toiles peintes (façon sculpture antique), chantent devant le rideau fermé. Lorsqu’il s’ouvre, on découvre quatre structures métalliques garnies d’échelles, sorte de grands « mansions », du théâtre médiéval, éléments mobiles et transformables à l’aide de simples stores : une heureuse création de Patrick Dutertre. Un autre chœur anime la totalité du plateau avec cette question : « voter pour qui, voter pour quoi ? ». Puis vont apparaître, le Vieux Pacha (Gilles Bugeaud), un peu gaga dans son fauteuil roulant, le président sortant qui « a bien rigolé » à les « gouverner », et le grand méphitique Hurtzfuller (Till Fechner), à la recherche d’un candidat à la candidature. Tandis qu’il sélectionne un certain René (Thomas Morris), en survêtement bleu de France, dont la devise est « courir et laisser dire », dans les étages, les chœurs de l’opposition, habits roses et édredons, sont « en pleine réflexion », autant dire qu’ils somnolent. Pourtant, une certaine Ginette (Emmanuelle Goizé) se dresse, véhémente : « debout les lâches !  Suivez-moi ! ». Elle réveille Gaufrette (Sophie Angebault), et quelques autres mais elle n’obtient qu’un « surtout pas ! ». Et les « philosophes «  (Sinan Bertrand, Gilles Bugeaud, Antoine Philippot) à la pensée « paradoxale", ne s’engageant pas, les amis roses Judasso (Sébastien Lemoine) et Foculot (Gilles Bugeaud), trahissent, et plutôt que de retourner leur veste la troquent contre un survêtement.

Il est vulgaire, le petit René, mais « il a du bon sens ! » et l’appui des journaux. Il conquiert tous les opportunistes, du parti des Cons de la Nation (Sophie Angebault, Camille Blouet, Claudine Charreyre, Benjamin Colin, Antoine Philippot, Guillaume Severac-Schmitz) à celui des écolos, (Sinan Bertrand, Emmanuelle Goizé, Sophie Haudebourg, Alejandra Radano, Benjamin Wangermée). Tous font allégeance : « ce serait sympa, qu’il dirige l’État), car le grand Jessantout (Gilles Vajou), sait « tout vendre à la pelle ». Évidemment, l’homme providentiel est élu, ses amis le félicitent : le chanteur idole des jeunes, le comique obscène (Fabrice Schillaci), et même le Pape ! Théâtre, René l'énervé, Ribes

Pourtant dans un coin, un personnage ronge son frein, c’est René2, le double du René qui s’agite. Celui-là n’approuve pas les excès du premier. Il finira par… mais allez voir la fin, car l’action foisonnante ne peut se résumer.

Les noms des ministres sont à eux seuls des trouvailles. Tenez, rien que pour mettre en appétit : « le Ministre des Hautes Frontières et des Pays Autour, »

« le Ministre de la tête droite et du menton en l’air », ou « le Ministre pour-la-modestie-on-ne-craint-personne » ça vous rappelle quelqu’un ? Et Mamaman (Jeanne-Marie Lévy), Ah ! J’oubliais les plus belles : Caramela (Caroline Arrouas) qui le quitte et Bella Donna (Alejandra Radano) séduite et promue au rang de première dame. théâtre,ribes,rené l'énervé,opéra bouffe Les chanteurs, merveilleux comédiens, assument quelquefois quatre à  rôles et des emplois dans les choeurs. Nous en retrouvons plusieurs de la compagnie des Brigands, qui sont rompus à ces emplois multiples. Les costumes de Juliette Chanaud sont extraordinaires de justesse dans les couleurs et les formes. La musique de Reinhardt Wagner est jouée par six musiciens, dirigés par Delphine Dussaux. Les ballets sont réglés par Lionel Hoche. Une joie permanente !

Devant ce travail de précision, on voudrait admirer sans réserve. Peut-être le personnage de René 2 affadit-il la satire. Peut-être certaines séquences gagneraient à être abrégées afin de donner plus de rythme et garder l’allure de la course folle vers le pouvoir

Quoi qu’il en soit, ce premier opéra bouffe sur notre époque mérite le détour par le Rond-Point. Car, toute ressemblance avec des personnes existantes n'est pas une coincidence, c'est un acte de  « résistance », à la nouvelle devise : « sécurité, rentabilité, vulgarité ».

Et si nous voulons vivre « ensemble dans un pays qui nous ressemble », et non dans ce monde frelaté, il faut voter, mais pas pour ces agités du pouvoir, pas pour ces guignols.

 

Photos : © Giovanni Cittadini Cesi

 

René l’Énervé opéra bouffe de Jean-Michel Ribes et Reinhardt Wagner

Jusqu’au 29 octobre, 21h

Dimanche 15 h

Théâtre du Rond-Point

01 44 95 98 21

26/01/2009

Une famille impossible

Cécilie (Isabelle Carré) est infirmière dans le service du docteur Henrik (Éric Berger) à l’hôpital. Elle est aussi sa maîtresse. Le docteur Henrik est marié et Cécilie pleure de solitude le soir.

Sylvia (Hélène Viaux) est aussi célibataire, mais elle a un enfant de huit ans, Jim (Micha Lescot) qu’elle amène à la consultation. Elle a aussi un père abusif (Jean-Yves Chatelais). Mais pourquoi prétend-elle qu’il est décédé ? Le temps de prévenir le service de protection de l’enfance, d’apprendre qu’Henrik est le suborneur de Sylvia, et le grand-père casse la figure du médecin, puis tout se déglingue dans le blanc service hospitalier.

Ce pourrait être un vaudeville, et c’est un drame sanglant. Le décor de Patrick Dutertre est ravagé, l’infirmière transpercée d’un coup de couteau, le grand-père assassiné, la mère poignardée. Jim a exterminé sa famille et encourage tous les enfants à agir de même.

La faute à qui ? Au « sale gosse », « un garçon impossible », mal aimé, trop vite grandi, qui juge les adultes coupables de son mal être. Qui est le véritable monstre, Jim ou le grand-père ? Et Henrik, n’est-il pas aussi responsable ? Et si c'était la famille, qui était « impossible », ?

L’audace d'Un garçon impossible la pièce de Petter R. Rosenlud* est de revendiquer « l’étoffe de nos cauchemars » comme le tissu existentiel de ses personnages. Jean-Michel Ribes en montre l’humour noir, en donnant aux comédiens un rythme soutenu. La violence jaillit de la sarabande des personnages, véritables marionnettes animées par des mœurs hypocrites. Les comédiens sont tous excellents.

Jean-Michel Ribes, renommé pour son génie comique, prouve qu’il maîtrise aussi le sens du tragique.

 

 

 

 

 

Un garçon impossible de Petter S. Rosenlud,

texte français de Terje Sinding

Théâtre du Rond-Point

 

01 44 95 98 21

* première création en France, en novembre 2006, à l’Étoile du Nord, par Richard Leteurtre

 

 

 

 

11:14 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, ribes, rosenlud |  Facebook | |  Imprimer