06/03/2011
Propriété interdite
Le petit d’homme développe très tôt son instinct de propriété. Dès le jardin d’enfants, les bambins se disputent les pelles du bac à sable. Plus tard, l’espace, les belles, et les biens de toutes sortes deviendront des sujets de discorde.
Avec sa nouvelle pièce : Terres ! Lise Martin en aiguisant sa réflexion sur la tendance à s’emparer de ce qui plaît, avertit les enfants que la propriété peut être le vol.
Deux hommes errent : Aride (Thomas Di Genova), et Kétal (Alexis Jebeile), sont à la recherche de la Terre jaune dont Kétal s’est procuré la carte. Aride est naïf, Kétal est volontaire. Leurs vêtements sont semblables, pantalons noirs, chemises blanches et cravates jaunes, assorties au sac à dos. Mais l’un est courbé sous le poids du sac, tandis que l’autre marche à l’aise. À peine ont-ils trouvé leur thébaïde qu’une jeune femme débarque, Madame Mue (Sarah Marcuse). Elle plaît à Aride qui voudrait bien tout partager avec elle. Mais il n’est que « l’invité » et Kétal, qui borne déjà le territoire, se méfie des intrus. La « propriété privée » devient vite une « propriété interdite ».
Quand L’Autre (Maxime Cella) vient prétendre qu’il est le premier occupant, l’affaire vire au crime. « L’Histoire est en marche », et comme dans toutes les fictions, les paraboles renvoient à la réalité tragique.
Le metteur en scène, Nino d’Introna inscrit le quadrilatère de terre jaune, objet des convoitises, dans un univers sonore (Patrick Najean) où les bruits de pas sont intensifiés. Le couple Aride et Kétal rappelle les duellistes clownesques et Thomas di Genova tisse une auréole sympathique autour de son personnage, mais la pièce semble bien pessimiste pour les jeunes âmes. S’il est utile de les prévenir que le monde est cruel, peut-être faudrait-il aussi les instruire des luttes positives. Car la terre ne devrait-elle pas appartenir à « celui qui la rend meilleure » ?
Photo : © Émile Zeizig
Terres ! de Lise Martin
TEP
01 43 64 80 80
A partir de 8 ans,
Jusqu’au 31 mars
Mardi 8 mars à 14 h 30 et 19 h 30
Jeudi 10 mars, 10 h et 14 h 30
Vendredi 11 mars 10 h et 14 h 30
Samedi 12 mars, 19 h 30
Dimanche 13 mars, 15 h.
Puis du 2 au 5 avril à Genève.
17:26 Écrit par Dadumas dans éducation, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, tep, lise martin | Facebook | | Imprimer
05/11/2010
Jours pas tranquilles à Hambourg
C’est une « famille ordinaire ». Véra (Bérangère Allaux) les adore. Elle a toujours trouvé son grand-père (Oskar Abraham (Roland Bertin) « épatant ». En 1939, comme vingt ans plus tard… Oskar est un bon Allemand, d’une vieille famille hanséatique, luthérienne, et patriote. Son fils Julius (Matthias Bensa) qu’il considérait comme « bon à rien », vient de s’engager dans la police nazie. Il va aller nettoyer les ghettos et pourchasser les partisans. Un bon Allemand, aussi… Sa femme Elga (Christiane Cohendy) s’occupe de la maison, de la cuisine, et ne délègue rien à sa bru, Dörra (Laure Wolf), qui ne comprend pas pourquoi son mari ne la touche plus, ne la regarde même plus et passe ses rares permissions à soliloquer. Comment cet homme aimant a-t-il pu devenir le « finisseur de gosses » des exterminations en Pologne ? Il se rêvait héros, il s’éveille « bourreau ».
Pas comme Elga. Femme soumise, timorée, effacée, mère nourricière sans éclat, soucieuse de la bonne entente familiale, elle accomplit instinctivement le seul geste d’amour qui sauve les siens de la complète faillite morale. Elle protège Sarah, l’enfant des voisins que la police vient arrêter. Les jours ne sont pas tranquilles à Hambourg...
« C’est une pièce sur l’amour, ses absences, ses défaillances », dit l’auteur, José Pliya. Et dans la famille Abraham, Oskar n’a jamais aimé Julius, il n’aime plus Elga. Julius déteste son père et reste indifférent au corps de Dörra. Les hommes à« la virilité en berne », s’investissent dans la guerre. Dörra n’aime plus sa fille, les Allemands de Hambourg se méfient de ceux de Francfort, et les voisins sont suspects. Tout concourt à la dégradation des sentiments, tous permettent l’abomination.
Mais à travers l’histoire allemande, José Pliya parle aussi du Rwanda, des haines ethniques, des massacres d’innocents, et au-delà, de l’Afrique qui lui est chère, de la Serbie, de la Croatie, de toutes les haines primitives et irrationnelles, attisées par des hommes en mal de pouvoir.
Hans Peter Cloos signe une mise en scène diabolique. La vidéo de Camille Pawlotsky, sur fond d’images de vampire et de ruines, en noir et blanc, est projetée dans un intérieur déconstruit où une dizaine de postes de TSF laissent à imaginer les ramifications de la « propagande ».
Laure Wolf paraît d’autant plus fragile, Matthias Bensa brisé, que Roland Bertin installe une présence puissante. Christiane Cohendy, voix fêlée, insidieuse et tourmentée, montre avec justesse, une femme pliée par le vent mauvais. Quant à Bérangère Allaux délicate et forte, qui semble invisible aux yeux des autres, c’est une révélation.
Cette mise en scène d'Une famille ordinaire consacre une oeuvre dérangeante, de celles qui donnent un sens à la littérature dramatique.
photo : Hervé Bellamy
Une famille ordinaire de José Pliya
Théâtre de l’Est Parisien
Jusqu’au 27 novembre
01 43 64 80 80
12:01 Écrit par Dadumas dans culture, éducation, Histoire, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : theatre, littérature, josé pliya, tep, histoire | Facebook | | Imprimer