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26/04/2007

Un mandat polyvalent

  À Moscou, la Révolution patine. Depuis huit ans, les promesses ont été oubliées, l’élan s’est ankylosé et la bureaucratie s’est installée. Olympe Smétanictch (Yves Jégo) était un propriétaire très riche avant la révolution, et malgré les confiscations des bolcheviques, il l’est resté suffisamment pour entretenir un train de vie très envié avec un intendant Agafange (Romain Cottard) dans une demeure cossue pas transformée en appartement communautaire.  Nadiejda Petrovna (Claire Nadeau) ancienne commerçante n’a pas eu cette chance-là. Certes, elle a toujours à son service une petite cuisinière, Nastia (Agnès Ramy), pas très futée ni courageuse, absorbée dans des romans à l’eau de rose, mais elle doit supporter la présence d’Ivan Ivanovitch (Gwendal Anglade), photographe à ses heures, et délateur auprès de la milice. Elle voudrait bien marier Varia (Olivia Dalric) à Valerian (Paul Jeanson) le fils d’Olympe, mais le père lui réclame un communiste en dot ! Où voulez-vous qu’elle le trouve ? Elle répète « C’est quoi, cette vie ? » avant de se réfugier dans la prière,  et affirme : « aucun membre de notre famille n’est d’origine ouvrière », avant de proposer à son fils Pavel (Antoine Rosenfeld) de se sacrifier en s’inscrivant au Parti pour sauver sa famille.

 

La comédie de Nikolaï Erdman est plus proche des burlesques américains que du réalisme soviétique. Les personnages composent une galerie fantaisiste dans laquelle les musiciens du groupe Pad Brad Moujika (Matthieu Boccaren à l’accordéon, Adrien Chevalier au violon, David Fisher à l’alto, Fred Fruchart à la contrebasse, et William Pigache aux percussions) introduisent des couleurs et des sons anarchistes. L’intrusion de Tamara (Françoise Lépine), et la présence d’Anatole (Julie Jacovella), complètent une sarabande caustique sur les attentistes de tous les régimes. Tout en façade, rien dans la tête. Tout pour sauver leurs petits privilèges, rien à secouer d’une idéologie quelle qu’elle soit, « sauver la Russie », c’est ici, sauver sa peau… Méfiez-vous des opportunistes ! Quand celui qui brigue un « mandat » l'obtient et qu'il est enfin du côté du Pouvoir, aucun lien n’est sacré. Le mandataire retourne aisément sa veste : il est "polyvalent".

La mise en scène de Stéphane Douret jongle avec les valises et les malles, les tableaux ont un côté pile bien plus important que le côté face et les personnages s’agitent comme des pantins. Ce délirant jeu de massacre est soutenu par un malin décor de Malika Chauveau et des costumes très ubuesques de May Katrem. Après les deux versions du Suicidé, cette saison, la patrie théâtrale a rendu un bel hommage à Nikolaï Erdman !




Le Mandat de Nikolaï Erdman

Traduction : Jean-Philippe Jaccard

 Théâtre 13

Jusqu’au 11 juin

01 45 88 62 22

16:45 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

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