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29/11/2012

Le mal aimé

 

 

Les Lepic ont trois enfants. L’aîné s’appelle Félix, et quand Mme Lepic parle de lui, elle dit « mon Félix ».  Ernestine, la fille, vit dans l’ombre de sa mère. Quant au troisième, Mme Lepic l’appelle : Poil de Carotte ». Jules Renard, l’auteur, ajoute « Elle donne ce petit nom d'amour à son dernier-né, parce qu'il a les cheveux roux et la peau tachée. »théâtre,jules renard,lucernaire,pilorgé

Dans beaucoup de famille, le « petit dernier » est l’enfant gâté. Pas chez les Lepic. Ils ne connaissent pas la tendresse, car d’un mariage mal assorti est née une haine silencieuse. M. Lepic (Michel Pilorgé), est un homme taciturne, Mme Lepic (Annie Monange, ou Brigitte Aubry) insatisfaite, drapée dans sa dignité s’ingénie à contrarier son mari, en manipulant Poil de Carotte (Morgane Walther) qu’elle terrorise.

Le roman Poil de Carotte (1894) était composé de chapitres courts et cruels. En l’adaptant avec Antoine en 1900, Jules Renard, recentra les scènes autour de ces quatre protagonistes. Il supprima le parrain, Félix et Ernestine en tant que personnages. Mesura-t-il aussi l’odieuse méchanceté de Mme Lepic en effaçant les scènes avec Honorine la vieille servante ? Il fit de la nouvelle servante Annette (Alexia Papineschi) au lieu d’ Agathe, le personnage plein de bon sens et de générosité qui va permettre le rapprochement de M. Lepic avec ce fils mal aimé auquel le père  redonnera enfin son vrai prénom : François.

Michel Pilorgé, qui met aussi en scène avec Jean-Philippe Ancelle, compose un M. Lepic, bourru, résigné d'abord mais qui s’ouvre à l’amour paternel avec émotion et maladresse. Morgane Walther campe un adolescent rebelle, disert et attachant. Les scènes qui les réunissent sont d’une belle intensité.

Le décor (Gérard Roveri) est sobre et suffit à évoquer la vie de petits bourgeois campagnards rivés à leurs prérogatives.

« Tout le monde ne peut pas être orphelin » dit Poil de Carotte, mais tous les enfants qui, aujourd’hui, tyrannisent leurs parents devraient bien réfléchir à la condition qui leur aurait été faite au siècle dernier.

 

 

photo : © Photo Alessandro Manna. 

Poil de Carotte  de Jules Renard

Théâtre du Lucernaire

www.lucernaire.fr

01 45 44 57 34

Du mardi au samedi à 18 h 30

Depuis le 28 novembre

24/11/2012

Nouvelles livraisons

 

 

Je reçois les deux dernières livraisons de Fréquence Théâtre. Si vous êtes amateurs et cherchez des textes à jouer, en voici :

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En vers et contre tous* suivi de Sugar Town** de Amine Kaci

« En vers », pas toujours réguliers, mais souvent percutants, vous avez le texte, et « contre tous » les autres personnages, un bien étrange peintre, Cyrus, qui peint les âmes !

Oui, vous avez bien lu : « les âmes ». Au cours d’un dîner mondain, la mort subite de Me Mougeot, maître des lieux, conduit Cyrus à mener une curieuse enquête.

Enquête également dans Sugar Town, construit comme un face à face terrible entre un amant dépité et un mari cocu et haineux.

Amine Kaci est un auteur singulier, dont l’univers rappelle celui de Pinter. Il « multiplie les fausses pistes » et « mélange les genres ».

 

* Pièce créée en 2006, au Petit Gymnase à Paris.

** Pièce créée en 2011 au Théâtre Brady à Paris

 

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Au plus simple suivi de L’Appel de Frédéric Tokarz

Les deux pièces Au plus simple et L’Appel s’inscrivent dans notre société en crise.

Les personnages de Au plus simple* se débattent entre peur de perdre leur emploi, crédits immobiliers, et désamour. Ils essaient de bluffer, mais s’empêtrent dans leurs mensonges. Ils n’évitent pas les échecs, mais conservent leur sens de l’humour.  

L’Appel évoque le monde judiciaire, le harcèlement d’un patron, la soumission des femmes mais également leur solidarité.

Frédéric Tokarz est comédien et écrit de beaux rôles pour les comédiennes.

 

 

* Actuellement au Ciné 13 à Paris depuis le 7 novembre 2012

 

 

 

 

Fréquence Théâtre  N° 50 et 51, prix : 12, 50 €

22/11/2012

Le Poids de l’histoire

 

 

théâtre,histoire,mohamed aïssaoui,hassane kassi kouatéCe fut d’abord un essai :  L'affaire de l'esclave Furcy que Mohammed Aïssaoui publia en 2010 après de patientes recherches pour compléter un dossier vendu aux enchères en 2005, et qui relatait la longue procédure d’un noir dénommé Furcy, né libre, et traité comme un esclave à l’île Bourbon** de 1817 à 1843.

Du côté du plaignant, deux magistrats intègres qui soutiennent sa démarche et que l’administration coloniale accuse de sédition. Contre eux, les gouverneurs, possédants, colons, noirs affranchis qui ont intérêt à ce que le Code noir régisse leur état. La figure de Furcy, ignorée jusqu’au XXIe siècle appartient plus à la réalité que celle du vieil esclave de La Case de l’oncle Tom. Celle de Furcy mesure le poids de l’Histoire.

théâtre,histoire,mohamed aïssaoui,hassane kassi kouatéMohamed Aïssaoui livra un récit circonstancié, fluide, intense et obtint le prix du roman historique, et le Renaudot de l’Essai. On imagine à la lecture de ce livre, quelque film comme Les Caprices du fleuve de Bernard Giraudeau. Hassane Kassi Kouyaté joue comme un conteur l’adaptation qu’il cosigne avec Patrick Le Mauff. Il est le narrateur, l’affreux colon Lory, le narrateur, Constance la sœur de Furcy, enfin tous…

Devant un écran en triptyque, théâtre,histoire,mohamed aïssaoui,hassane kassi kouatéoù se projettent dessins et image de Stéphane Torossia, la lumière et la vidéo de Cyril Mulon 
ponctuent le récit. Des voix et des chants construisent un univers sonore exotique, (création sonore Nathalie Estève), des documents ramènent à la réalité. Au centre, un chemin en ellipse emprisonne une terre brune.

Injustices, brimades, tortures, abus de toute sortes, rien n’est épargné à Furcy et à ses défenseurs, qui, à la fin triomphent. L’esclave Furcy sait lire. Il peut déposer plainte, se défendre, et comme il croit en la justice du Roi, rien ne le décourage. Il entre dans l’arène avec la Déclaration des Droits de l’homme en main.

Une belle leçon de morale politique en somme. 



Photos : © Eric Legrand

 

L’Affaire de l’esclave Furcy de Hassane Kassi Kouyaté d’après Mohamed Aïssaoui

Tarmac

01 43 64 80 80

jusqu’au 15 décembre

 

 

 

 

 

*éditions Gallimard 

** aujourd’hui l’île de la Réunion