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27/06/2014

Amour et guerre

 

Théâtre, Lucernaire, Ionesco, Rachel AndréIls se sont aimés, mais dix-sept ans de vie commune ont usé leur passion. Ils ne se supportent plus. Les reproches pleuvent. Elle (Rachel André) veut avoir raison et elle soutient des inepties avec une  mauvaise foi péremptoire. Lui (Benjamin Tholozan), exaspéré, l’étranglerait volontiers. Ils s’insultent, et même si leur corps à corps dégénère en étreinte, on craint qu’il ne la tue. Car entre eux, c’est la guerre. Eugène Ionesco peint les mesquineries et les outrances d'un couple en conflit. 

Benjamin Tholozan a l’œil hagard du guerrier prêt à toutes les exactions et Rachel André, chemise rouge (costumes : Manuela André), chevelure ébouriffée ressemble à la panthère qui va  bondir sur sa proie. Et soudain, dehors, une autre guerre commence. On entend des détonations, des crépitements, des déflagrations (création sonore : Julien Cousset). « Ils attaquent à la grenade », « Ils sont sur le palier ».

Qui, "ils" ? Nous ne le saurons jamais. Le conflit extérieur fait écho au conflit intime. Il l’amplifie, et s’en nourrit. Au « délire à deux » répond l’émeute, peut-être la guerre civile et pourquoi pas la guerre mondiale !

Théâtre, Lucernaire, Ionesco, Rachel AndréLe décor se disloque (scénographie de Xavier Lescat), les vitres volent en éclat, les portes battent, les murs s’effondrent. Des objets tombent du plafond. Toute leur intimité est violée. La peur va-t-elle les réconcilier ?

À peine !

« Profites-en pour t’inventer une autre existence » lui conseille-t-elle. Et aussitôt que la « paix est déclarée », ils recommencent à s’insulter.

La haine les cimente, et les rancoeurs  leur tiennent lieu de pitance. Certains couples naviguent ainsi sur fond d’orage.

Rachel André qui met aussi en scène, est d’une fidélité exemplaire à Ionesco. Mouvement et bruit vont crescendo, decrescendo dans des querelles hallucinées. La cruauté s’égare, la raison divague.

Ce Délire à deux, c’est le monde tel qu’il va.

 

 

 Photos : © Laura Todié. 

 

Délire à deux  d’Eugène Ionesco

Théâtre du Lucernaire

Du 23 juin au 27 septembre à 18 h 30

Du mardi au samedi à 18h30


Relâche exceptionnelle le samedi 23 août 2014

 

01 45 44 57 34 - www.lucernaire.fr

 

 

 

30/04/2014

Ce qu’il faut de chagrin

 

théâtre,lucernaire,jacques descordeIl roule comme un fou, et sa fille, à côté de lui, essaie de le raisonner. Où vont-ils tous les deux ? Lui (Jacques Descorde), le visage fermé, l’air sombre, la parole rare, elle (Solenn Denis), comme toutes les adolescentes du monde, fragile, déboussolée, passant de la peur aux larmes, et de l’abattement à l’agitation, tous les deux vont accomplir un geste sacré : disperser les cendres de la femme aimée, de la mère qui vient de disparaître.

Il fait répéter à sa fille les mots d’un poème «  Blanche est la mer, et blancs les ferries », elle hésite encore, et ensemble, ils reprennent : « Tout sera blanc[1] ».

Avec l’urne funéraire, il trimballe un révolver dans son sac, et la nuit, quand la petite dort, il semble fasciné par l’arme. théâtre,lucernaire,jacques descordeIl réprime ses larmes, refoule ses sanglots, il hésite. Elle, avec impatience crie sa rage de vivre, et au bout du chemin, elle gagne.

En quinze séquences courtes et poignantes, avec Maman dans le vent, Jacques Descorde rend un vibrant hommage à celle qui lui manque. Le décor est sobre, un lit barre un écran blanc sur lequel se projettent la route,  la falaise, le ciel, et, enfin, la plage où danse, en robe rouge, la jeune fille souriante.

 On mesure « ce qu’il faut de chagrin » pour écrire cette pièce bouleversante. Et comment après le désert du malheur, le rire d’un enfant, rompt la fatalité et éclaire l’avenir.

 

 

 

 

 

Photos © D. R.

 

 

 

Maman dans le vent de Jacques Descorde

Texte publié à L’École des loisirs

 

Théâtre du Lucernaire jusqu’au 14 juin

Du mardi au samedi à 21 h

01 45 44 57 34

 

en tournée la saison prochaine, aux Ulis, à Guyancourt, Aubervilliers, St Jean de Luz, Strasbourg, Saran

 



[1] - Emmanuelle Marie, Blanc, éditions l’Avant-Scène Théâtre, collection des Quatre-Vents.

29/11/2012

Le mal aimé

 

 

Les Lepic ont trois enfants. L’aîné s’appelle Félix, et quand Mme Lepic parle de lui, elle dit « mon Félix ».  Ernestine, la fille, vit dans l’ombre de sa mère. Quant au troisième, Mme Lepic l’appelle : Poil de Carotte ». Jules Renard, l’auteur, ajoute « Elle donne ce petit nom d'amour à son dernier-né, parce qu'il a les cheveux roux et la peau tachée. »théâtre,jules renard,lucernaire,pilorgé

Dans beaucoup de famille, le « petit dernier » est l’enfant gâté. Pas chez les Lepic. Ils ne connaissent pas la tendresse, car d’un mariage mal assorti est née une haine silencieuse. M. Lepic (Michel Pilorgé), est un homme taciturne, Mme Lepic (Annie Monange, ou Brigitte Aubry) insatisfaite, drapée dans sa dignité s’ingénie à contrarier son mari, en manipulant Poil de Carotte (Morgane Walther) qu’elle terrorise.

Le roman Poil de Carotte (1894) était composé de chapitres courts et cruels. En l’adaptant avec Antoine en 1900, Jules Renard, recentra les scènes autour de ces quatre protagonistes. Il supprima le parrain, Félix et Ernestine en tant que personnages. Mesura-t-il aussi l’odieuse méchanceté de Mme Lepic en effaçant les scènes avec Honorine la vieille servante ? Il fit de la nouvelle servante Annette (Alexia Papineschi) au lieu d’ Agathe, le personnage plein de bon sens et de générosité qui va permettre le rapprochement de M. Lepic avec ce fils mal aimé auquel le père  redonnera enfin son vrai prénom : François.

Michel Pilorgé, qui met aussi en scène avec Jean-Philippe Ancelle, compose un M. Lepic, bourru, résigné d'abord mais qui s’ouvre à l’amour paternel avec émotion et maladresse. Morgane Walther campe un adolescent rebelle, disert et attachant. Les scènes qui les réunissent sont d’une belle intensité.

Le décor (Gérard Roveri) est sobre et suffit à évoquer la vie de petits bourgeois campagnards rivés à leurs prérogatives.

« Tout le monde ne peut pas être orphelin » dit Poil de Carotte, mais tous les enfants qui, aujourd’hui, tyrannisent leurs parents devraient bien réfléchir à la condition qui leur aurait été faite au siècle dernier.

 

 

photo : © Photo Alessandro Manna. 

Poil de Carotte  de Jules Renard

Théâtre du Lucernaire

www.lucernaire.fr

01 45 44 57 34

Du mardi au samedi à 18 h 30

Depuis le 28 novembre