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13/10/2006

Désobéir

Adapter un roman à la scène est toujours une gageure. Et, Michel Vinaver, si subtil dans son théâtre, en transformant aujourd’hui L’objecteur des années 50, en une pièce de théâtre n’a pas résolu toutes les difficultés inhérentes au genre.

Quel est le sujet de L’objecteur ? Un jeune appelé, Julien Bême refuse la discipline du régiment Il est incarcéré avec d’autres. Les taulards font le mur, mais rentrent pour l’appel du matin, sauf Julien. Cela s’appelle « déserter ». Cette action est passible du conseil de guerre, comme le fait d’avoir laissé les soldats sortir sans permission. A défaut de trouver Julien, ses compagnons, Pélisson et Pelletier passeront au « falot ». Car nous sommes en pleine guerre froide. La guerre de Corée commence et celle d’Indochine aussi. Les bourgeois craignent les communistes à l’intérieur comme à l’extérieur. Les tensions politiques sont effrayantes, les rumeurs amplifient le moindre incident. On voit partout « l’œil de Moscou » ? D’ailleurs n’a-t-on pas vu la main de la CIA dans l’accident d’avion qui entraîna la mort de Cerdan ?

De cette espionnite galopante, la pièce rend compte, avec des scènes courtes, efficaces où s’enflent les soupçons des militaires, les peurs de la libraire et du diacre, les conflits familiaux, les relances des réseaux clandestins. Le décor de Chantal Gaiddon qui cerne l’espace de  demi-cercles concentriques, dispose ainsi de caches, de couloirs, de dédales  aussi labyrinthiques que les consciences. La mise en scène de Claude Yersin intensifie les angoisses, d’autant qu’il fait interpréter soixante-douze personnages par onze comédiens parfaitement dirigés : Sarajeanne Drillaud, Pauline Lorillard, Hélène Raimbault, Adrien Cauchetier, Fabien Doneau, Claude Guyonnet, Benjamin Monnier, Nils Ohlund, Didier Royant, Didier Sauvegrain, Cédric Zimmerlin. Il faut aller les voir passer de la soubrette à la bourgeoise, du chrétien borné au vieil anarchiste, du journaliste branché au griveton brimé, quelle aisance !

 Mais ce qui casse malheureusement l’intensité  dramatique, c’est « le théâtre dans la théâtre ». Peut-être la représentation de l’époque seule a-t-elle été jugée « archaïque », et peut-être a-t-on voulu distancier les  querelles. Cependant, l’action, déjà heurtée par les changements de lieux, et le nombre de protagonistes, ne peindrait-elle pas mieux la course fatale des hommes vers le tragique, sans les interventions de la troupe et de son metteur en scène ?

Nous avions tant aimé À la renverse la saison dernière que nous sommes terriblement déçus dans notre attente. Et pourtant, il faut parler de cette époque, des hommes sacrifiés, des espoirs trahis et de la nécessité de désobéir. Michel Vinaver a toujours, dans ses drames, remué nos âmes et éveillé les consciences, L’Objecteur peut certainement y parvenir.

 

 

 

L’Objecteur de Michel Vinaver

Au TEP jusqu’au 20 octobre, 

01 43 64 80 80

ensuite à Neuchâtel, Angers, Nantes, La Roche-sur-Yon, Limoges.

14:13 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer

10/10/2006

Un Révizor revisité

  Ils ont tous quelque chose à se reprocher : concussions, prévarications, corruptions, forfaitures et abus de pouvoir en tout genre. Petits fonctionnaires de l’empire, mal payés et vaniteux, ils veulent paraître riches et supérieurs à cette classe de paysans et de marchands qu’ils pressurent. Alors, quand on leur annonce qu’un  Inspecteur Général du Tsar va venir contrôler leurs gestions, ils prennent peur, c’est humain. Le bourgmestre (Marc Chouppart) qui couvrait tous les trafics s’affole, le Directeur des œuvres de Charité (Martial Jacques)  s’énerve, le directeur des postes (Alexis Jacquet)  s’excite, la juge (Myriam Azencot) se trouble, l’inspecteur des écoles (Jean-Charles Maricot) bafouille, c’est la panique.

Khlestakhov (Juliette Plumecocq-Mech, époustouflante), lui, n’a pas grand-chose à se reprocher. Avoir perdu au jeu, est-ce que cela compte dans la vie d’un jeune homme bien né, au XIXe siècle ? Tout au plus pourrait-on l’accuser de grivèlerie, parce qu’il n’a pas un sou pour régler l’auberge, mais semer quelques dettes ici et là, rien de plus normal… Son serviteur, Ossip (Pierre-Henri Puente), lui, s’inquiète. Alors quand il voit débarquer le bourgmestre et de ses acolytes, il craint le pire, c’est-à-dire la prison pour son maître, tandis que les bourgeois de la ville, obnubilé par leurs craintes d’inspection, s’imaginent que ce jeune étranger est le « révizor » qu’ils redoutent. Et Khlestakhov, obscur petit fonctionnaire, devenu « son excellence », ne résiste pas aux honneurs et aux flatteries. Imposture ? Peut-être, mais qui est le plus coupable, celui qui ne détrompe pas ces gens qui s’aveuglent ou tous ces hypocrites qui veulent l’acheter ? L’âme humaine se repaît de bassesses inavouables…

 Il faut les voir courir, trembler, s’agiter vainement et stupidement. Christian Rauck les conduit sur un rythme de burlesque américain, et pour souligner le grotesque de tous ces profiteurs, il a demandé à Arthur Besson d’écrire une musique, et à Rémi de Vos d’écrire les paroles de couplets dignes des meilleurs Labiche. Et c’est un coup de génie. Le Révizor est revisité, sans être le moins du monde trahi, la traduction d’André Markowicz en fait foi. « Je suis un garçon délicat » chante Juliette Plumecocq-Mech, et elle a cette silhouette fine et « raffinée » que les balourds du village, engoncés dans les costumes de Coralie Sanvoisin, jalousent en vain.  Le « dandy aristocratique » appartient à la race des filous,  il roule tout le monde, séduit la femme du bourgmestre (Emeline Bayart) et sa fille (Amélie Dénarié) et disparaît avec les économies de chacun.

La scénographie d’Aurélie Thomas multiplie les armoires, c’est-à-dire les portes qui cachent les secrets, c’est astucieux et comique. Deux grands tapis se croisent au milieu de la scène et un balcon surplombe la porte de la demeure. Les musiciens sont en scène, contrepoints soulignant des aventures comiques, les accompagnant. A jardin, l’armoire de l’intime, où Khlestakhov séduit Maria et Anna. A cour, l’armoire qui donne sur l’extérieur, l’auberge, d’autres lieux. Des écrans de toile masquent alternativement les lieux et permettent des projections railleuses. Ô le portrait du bourgmestre en général en Bonaparte passant les Alpes ! Quelle trouvaille !

Il en est ainsi des dizaines que je vous invite à aller découvrir  de  toute urgence… Il y a seize comédiens fabuleux et des troïkas pleines de talent.

 

Créé à Bussang en juillet 2005

Théâtre de la Cité Internationale

 Du 9 octobre au 5 novembre

 01 43 13 50 50

18:50 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer

09/10/2006

Avoir un bon copain

Deux pièces courtes d’Andrew Payne, Synopsis et Squash, composent le programme de la soirée. Sur le thème du bon copain à qui on peut tout dire, tout demander, mais qui, un jour, trahit, l'auteur a composé deux fantaisies amusantes. Robert Plagnol et Benjamin Boyer, dirigés par Patrice Kerbrat, interprètent des rôles très opposés avec brio. Le décor de Jean Haas change à vue, et c’est un plaisir supplémentaire que de voir les comédiens pousser les meubles ou changer de costumes.

Dans Synopsis, Brian (Robert Plagnol) et Alan (Benjamin Boyer) écrivent ensemble des scénarios de série télé à l’eau de rose où les épisodes sont formatés et, où comme dit Jean Larriaga, les « héros sont récurrents ». Brian boit et ne travaille plus guère, et Alan déverse sa créativité en écrivant un long métrage pour le cinéma. Jaloux de la réussite d’Alan, Brian sape le projet, mais obligé de se remettre à travailler, il aidera Alan à rebâtir un nouveau film.

Dans la seconde pièce, Greg (Benjamin Boyer) et Ryan (Robert Plagnol) sont partenaires au squash. L’un est un sage mari fidèle, l’autre a pour maîtresse une panthère déchaînée et a besoin d’un alibi. Greg refuse, puis accepte et bascule dans le délicieux enfer des amours clandestines, jusqu’au jour où il avoue tout à sa femme, au grand désespoir de Ryan.

Bâties sur le principe des vases communicants, ces deux pièces jouent sur le ping-pong verbal qui oppose les jeux sociaux, comme les joutes amoureuses. Toute la tension dramatique consiste à transformer l’autre, et inversement. Elles sont parfaitement construites, huilées, et sans surprise. Le spectateur s’y divertit, mais moins qu’à Adultères.

 Petit Montparnasse

01 43 22 77 74

15:50 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer