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17/10/2007

L’Annonce faite par Marie

     Elle s’appelle Marie, elle a un petit Jésus prénommé Adam à qui il faut raconter des histoires, et pour elle, tous les hommes s’appellent Joseph. Très servante de son  Seigneur dont le seul travail est de militer, très soumise à une patronne vieillissante, ex chanteuse de romances à qui la vie a cessé « de sourire quand elle a cessé de chanter » : Aimer c’est beaucoup rêver , Marie a peu le temps de rêver.

      Quand elle promène le chien Kiki, elle arrondit ses fins de mois en racolant des hommes qui ont besoin de tendresse. C’est une généreuse, Marie ! Pour que Madame ne se sente pas trop abandonnée, elle lui rédige des lettres d’admirateurs et même, elle lui prête Joseph pour sa dernière nuit avant la maison de retraite…

     Résignée, Marie ? Pas du tout. Mais elle sait que « le bien qu’on fait, ça fait si mal parfois. » Et pour elle, le mal absolu, c’est la solitude. 

     Des personnages comme Marie, toutes les actrices en rêvent. Robert Poudérou l’a écrit. Il déroule ses séquences comme un film. Le spectateur suit Marie dans un décor minimaliste, qui figure la rue, le bar, la chambre d’hôtel ou celle de Madame sans qu’aucun élément (table, caisse) n’y soit incongru. Martine Coste, fine silhouette et visage d’ange, joue Marie avec beaucoup de sensibilité. Et lorsqu’elle s’adresse à tous les spectateurs pour annoncer : « Il vous faut de l’amour », chacun sait qu’elle a raison.

9b3f1bb3868d52aaacf460f6eaea4b02.jpgÉcoute c’est la vie !  de Robert Poudérou

Tremplin Théâtre

39, rue des Trois frères

Paris 18e

Tous les mardis à 20 h 30

01 42 54 91 00

10:40 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

05/10/2007

Voir en soi-même

     Jonathan Waxmann (Jean-Pierre Lorit) est un gars de Brooklyn. Oui, tout comme Eric Weiss, qui avait, dans Brooklyn Boy quelques démêlés avec son père. Weiss était écrivain, Waxman est peintre. Roland Margulies, l’auteur n’en finit pas d’explorer son ego.

     Dur, dur d’être un artiste ? Non, pas vraiment,  mais dur de voir en soi (Sight unseen est le titre anglais), on a un peu la vue bouchée, les yeux fermés, la poutre dans l’œil, quoi ! Ce n’est plus l’amour qui est aveugle, mais l’amoureux qui ne voit pas plus loin que le bout du Talmud.

    a09e1d14052a391614c99fadd95a624d.jpg Élevés dans la tradition juive, ces jeunes mâles ont du mal à franchir leur Œdipe et sont un peu coincés quand ils fréquentent une goy. Ce qui est inadmissible, vous l’avouerez, quand elle se présente sous les traits de Barbara Schulz (Patty). Repousser une aussi adorable créature, qui vous aime « en toute confiance », c’est faire offense à Dieu même ! Elle n’a pas pardonné, on l’approuve ! Et on comprend que Nick (Jean-Pierre Malo), déjà taciturne de nature, et devenu consolateur et mari de la belle, n’ait qu’une envie : que le peintre, ses pompes et ses œuvres disparaissent à tout jamais.

     Une journaliste, Grete (Élodie Navarrre), pose son micro dans le plat des culpabilités inconscientes. Il y en a toujours une, de l’école freudienne, pour aider le personnage à se comprendre. 

     Michel Fagadau, qui signe l’adaptation et la mise en scène, se glisse aisément dans cette fable déconstruite, fonctionnant par flash back. Il est magnifiquement servi par des acteurs qui collent exactement à leur rôle. Une scénographie claire de Flora Malureanu, des lumières de Laurent Béal complètent joliment le spectacle.

     On se réjouit d’explorer les recoins du moi et du surmoi des autres avec autant d’aisance…

En toute confiance de Donald Margulies

Adaptation de Michel Fagadau

Comédie des Champs-Elysées

01 53 23 99 19

Texte-programme publié à L'Avant-Scène Théâtre, 12 €

10:10 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

02/10/2007

Messe noire

 

Tout commence par une vision d’une grande beauté : autour d’une table juponnée de blanc, dressée comme un autel, boivent, mangent et paradent des « figures » aux uniformes médaillés, aux toilettes en lamé, aux bijoux clinquants. Une cariatide vivante porte la lumière tandis que la fête nocturne résonne de feux d’artifices, et qu’une musique d’opéra accompagne les gestes ralentis. Mais l’apparente sérénité ne dure pas, la violence surgit, le militaire frappe avec sa cravache, les convives se battent, et « la cérémonie » peut commencer.

Car, dans le théâtre de Genet, la représentation est un rituel que les personnages suivent dans un ordre bien défini, pour faire théâtre sur le théâtre. Dans Les Bonnes, les protagonistes jouent à être « Madame », dans  Les Nègres, les comédiens jouent à être des « nègres », tels que les Blancs les imaginent. Il s’agit comme disait Bernard Dort « d’exalter le faux ».

Archibald (Jean-Baptiste Anoumon), meneur de jeu prévient : « les spectateurs nous observent », et pour  la « mise à mort imaginaire d’une Blanche », il choisit un travesti noir, Diouf (Jean Bediebe). Les Nègres montrent les actes comme une commémoration du crime et  de la justice, avec parade des comédiens, introït, communion, sacrifice, enquête, délibération, exécution, rédemption.

Cette messe étrange dans une Afrique irréelle est superbe, et la metteur(e) en scène (Cristèle Alves Meira) tire de sa jeune compagnie Arts-en-sac, le meilleur parti. Il faut les nommer tous : Cédric Appietto en juge délirant, Julien Béramis en gouverneur cauteleux, Mata Gabin en Neige hiératique, Juliette Navis-Bardin en Reine démoniaque, Francisco Pizarro en Village arlequinesque, Tella P. Kpomahou en Vertu dévergondée, sans oublier  Olivier Dote Doevi, Marie-Jeanne Owono, Olivier Parisis, Sarah Pratt, Pablo Saavedra, tous forment une troupe cohérente dans un texte baroque difficilement accessible. La scénographie et les masques d’Yvan Robin, les lumières de Jean-Luc Chanonat, les costumes de Benjamin Brett complètent l’effet choral du « simulacre ».

Ce théâtre-là n'est peut-être pas engagé politiquement contre le racisme, Genet s'en défendait, mais il affirme un combat esthétique puissant.

Les Nègres de Jean Genet

Athénée-Louis-Jouvet

Jusqu’au 20 octobre

01 53 05 19 19