Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/01/2008

Les couleurs de Hollywood

     Diane (Raphaëline Goupilleau) est une femme de tête. Depuis des années, elle creuse son trou à Hollywood. Elle se bat pour devenir productrice dans un monde de requins. Elle a décidé de faire de Mitchell (Arnaud Binard) une star, et lui ouvre la carrière pour mieux bâtir la sienne. Que Mitchell présente des « symptômes récurrents d’homosexualité » ne peut pas arrêter sa course vers la gloire. Elle s’y emploie. Elle a le regard froid du clinicien, et son jugement est sûr. Sa parole est prompte, sa logique infaillible. Aussi rapide à parer les coups du sort qu’à changer de stratégie, elle comprend tout. Elle discerne les sous-entendus et entend résonner « à travers toute l’Amérique du nord », « les guillemets » qu’on met au mot « ami ». Elle comprend les non-dits et elle épilogue sur ce « qui échappe totalement aux gens concernés. »

     Avec ce personnage hors du commun, Douglas Carter Beane dresse le portrait d’un milieu sans scrupules, auréolé d’illusions hollywoodiennes. Les images d’idylles bienséantes cachent les compromissions. À Los Angeles, on fabrique les rêves, à New York, on en trouve l’étoffe et les protagonistes. "A los Angeles on a résolu le problèmes des portables dans les théâtres, il n'y a plus de théâtres." A New York, il y a encore des théâtres, des auteurs, et des pièces à succès dont les producteurs d'Hollywood  aimeraient posséder les droits.

3bc26e84831399277b51763f3f7394aa.jpg     Alex (Edouard Collin) jeune prostitué n’est pas gay quand, un soir de solitude à New York,  Mitchell, rémunère ses services. Il a une petite amie, Helen (Julie Debazac), qui elle-même vit des largesses d’un certain Arthur, « un vieux mollasson ». Tous deux passent leur temps à faire la fête. La rencontre avec Mitchell foudroie leur existence. Alex ne fera plus « ce truc pour de l’argent ». Mitchell et lui ne se quittent plus. Mais comment vivre d’amour et d’eau fraîche quand le cinéma vous promet la gloire ? Comment tourner le rôle de sa vie quand l’opinion publique condamne les homosexuels ?

     Heureusement Diane veille, imperturbable et perspicace. Raphaëline Goupilleau tient un rôle de diva. Elle donne, d’une voix charmeuse, la souple autorité d’un personnage audacieux et tenace. Jean-Marie Besset a écrit une adaptation aux réparties mordantes, aux apartés ravageurs, qu’elle savoure et dont elle fait déguster l’insolence mesurée aux spectateurs. Avec Arnaud Binard, elle forme « un duo de choc ». Julie Debazac passe de la mollesse à la femeté, Edouard Collin joue les rebelles avec conviction.

     Diane commente ce qu’elle dit et ce qu’elle ne dit pas, mais qu’elle pourrait dire, si elle était franche, si les autres étaient sincères, et si on pouvait faire confiance aux gens de cinéma. « Donner ma parole ? Mais qu’est-ce que c’est que cette embrouille ? », s’écrie-t-elle, quand il s’agit de persuader l’auteur de théâtre de céder ses droits au cinéma : « Un auteur avec un droit de regard ? Autant donner des armes à feu à des enfants ! ».Le texte de théâtre est un pré-texte. Dans l’industrie cinématographique aux couleurs de Hollywood, il faut un happy end. Pour Mitchell, dont « le rêve est d’être dans les rêves de tous les autres », Diane saura modifier le scénario qui dérape.

     Jean-Luc Revol, le metteur en scène, a résolu merveilleusement les problèmes des changements de lieux avec un panneau circulaire tournant, et des accessoires qui s’y greffent (Décors de Sophie Jacob et costumes d’Aurore Popineau, dans des lumières de Bertrand Couderc). Pas de temps morts, mais du nerf, et un tempo infernal. C’est péremptoire. Le public jubile.

     Et « la souris verte » dans tout ça ? Une proposition de comptine pour un dénouement édulcoré fabriqué par Diane à l'usage des grands enfants qui gobent tout ce que les médias colportent… et que je vous conseille d'aller découvrir vous-même.

 

 

 

 

Une souris verte de Douglas Carter Beane

Adaptation de Jean-Marie Besset

depuis le 22 janvier

Théâtre Tristan Bernard

01 45 22 08 40

 

 

 

 

17:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

24/01/2008

Pygmalionne

     Evelyn (Julie Delarme) est étudiante aux Arts appliqués dans une petite ville américaine bien pensante et hypocrite. Evelyn rejette toute censure et bravant la débonnaire autorité d’Adam (Jérôme Foucher), le jeune gardien, elle s’apprête à vandaliser, au musée, la statue d’un dieu que les ligues de vertu locales ont affublé d’un cache-sexe en feuilles de vigne. Elle vitupère au nom de la vérité et de l’art, et Adam, étudiant aussi la trouve fort sympathique. Il est gauche, un peu gras, solitaire et timide. En quelques mois, pour plaire à la belle, il se muscle, s’épanouit, et sollicite même le secours de la chirurgie esthétique pour parachever sa mue.d8215c332749362c398672495db7775a.jpg

     Evelyn a changé « la forme des choses ». La pièce de Neil Labute suit pas à pas les étapes de la transformation.  Le décor de Jean-Michel Adam se modifie à vue, comme le protagoniste. Les trois panneaux vitrés de fond de scène s’écartent, ou se rejoignent, laissent échapper un accessoire, en introduisent un autre, ouvrent l’espace, le resserrent. La mise en scène d’Adrian Brine souligne les évolutions, quelquefois, les abjurations. Lieux et temps se succèdent, la chenille devient papillon. Les comédiens épousent magnifiquement le rythme et la souplesse de leur personnage. 

     Evelyn exige qu’Adam choisisse entre elle et ses amis : Jenny (Marie-Julie Baup), Philip (César Méric), il accepte tout, tant il est heureux d’être aimé.

    « Aimé ? » La vérité est tout autre. « Manipulé » conviendrait mieux tant le dénouement retourne la situation. On admirait en Evelyn un nouveau Pygmalion. La Pygmalionne n’agit pas par amour. Seulement par intérêt. Tout était truqué. Triste époque qui nie les sentiments. Triste pays où le jeu de l’amour et du hasard devient le jeu de l’amour-propre et du calcul. Mais c'est impossible chez nous, n'est-ce pas ?

 

La Forme des choses de Neil Labute

Adaptation de John Thomas

Petit Théâtre de Paris

depuis le 15 janvier

01 42 80 01 81

20:45 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

18/01/2008

Courteline au cabaret

     Le cabaret décidément s’invite au Théâtre. La chanson grivoise fait recette. Hier classée « vulgaire » avec ses allusions gaillardes, ses mots scabreux et ses phrases à double sens, elle se contentait de réjouir les corps de garde, les carabins et les messieurs à la libido buissonnière. Les dames étaient écartées de ces bouges et les demoiselle, chastes oreilles s’il en fut, ignoraient ces débordements.

     Notre époque a changé de méthode. Et, de la Comédie-Française au Théâtre de Paris, on se dessale. L’Athénée-Louis Jouvet s’encanaille aussi, avec la dynamique compagnie acte6 : des jeunes qui n’ont pas froid aux yeux ! Acteurs, chanteurs et musiciens, comme au bon temps du caf’conc’. Frédéric Ozier, le chauve longiligne, faussement timide et joliment grossier joue aussi de la contrebasse. Aurélien Osinski, souple et costaud fait aussi vibrer ukulélé, guitare et contrebasse. Marjorie de Larquier, piquante et gracieusement racoleuse sait aussi manier l’archet du violon. Frédéric Jessua intelligemment ahuri est aussi à la batterie. Antoine Cholet, aux faux airs de Claude Rich, distingué et malin, Jonathan Frajenberg, épanoui et roublard, Maline Cresson, pulpeuse et enjouée, Stéphanie Papanian, ingénue libertine, se contentent de jouer et de chanter, et l’on en est fort aise…

     Sébastien Rajon, le metteur en scène(s) coupe les immortelles pièces courtes de Courteline (Monsieur Badin, La paix chez soi, Gros chagrins, etc.) par des chansons guillerettes, de la même époque, accordées à la trivialité des situations. Gregory Veux a écrit les arrangements musicaux et accompagne la troupe au piano. Les changements se font à vue, avec les décors astucieusement mobiles de Joréloine de Cresnier-Coujonjeszier (Mazette ! Une cousine des Brossabourg ?) et les costumes pimpants de Victoria Vignaux. 

    Et tout ça, ça fait un excellent spectacle de divertissement… On en a bien besoin quand on nage dans la désillusion.

 

 

 

 

Les Courtes Lignes de monsieur Courteline

Cabaret de pièces courtes

Par la troupe acte6

Athénée-Louis-Jouvet

Jusqu’au 2 février

01 53 05 19 19

14:44 Écrit par Dadumas dans cabaret, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cabaret, Théâtre |  Facebook | |  Imprimer