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18/01/2008

Magic Savary

     Il n’avait pas mis en scène L’Ange bleu, mais il avait monté Cabaret. Il n’avait pas adapté Don Quichotte, il lui avait préféré un autre frondeur : Cyrano. Savary s’en souvient dans ce Don Quichotte contre l’Ange bleu qu’il a mijoté à Béziers, et qu’il sert à Paris.

     Est-ce une revue ? Sans aucun doute. Maître des cérémonies: Savary en personne, comme au Magic Circus avec ses animaux tristes, (post coïtum et sine coïtum), avec ses sarcasmes contre la cupidité et la bêtise qui transforment la création vivante en marchandise prédigérée.

     Don Quichotte (Joan Crosas), le vieil hidalgo pourfendeur de moulins, dérangé dans ses lectures romanesques par la construction de l’aéroport international auquel l’Europe veut donner son nom, quitte sa Mancha, pour combattre, à Paris, la vulgarité de notre époque. Vaste programme ! Tâche insensée !

     « Qui ose lui voler (son) paysage ? » Daisy Belle (Arielle Dombasle), chanteuse au Moulin rose, est l’objet de son ressentiment. Comme le professeur Rath, dans L’Ange bleu, le naïf succombe à son charme. Mais s’il accepte de figurer en coq dans les numéros du Moulin rose dirigé par Gaëtan (Jérôme Savary), ce Quiqui–là ressemble plus au Chantecler de Rostand-Savary qu’au volatile imité par Rath. Daisy n’est pas Lola-Lola. Elle a du cœur. Et Gaétan rencontre plus escroc que lui ! Les actions du Moulin rose passent dans le portefeuille d’un certain Berlucesi, un burlador italien, inventeur du « parfum universel », qui des aisselles à la cuisine, brouille les sens, enfume les idées et vous fait prendre les remugles pour des fragrances. Le financier licencie les artistes, lesquels reconduisent Quichotte et Sancho (Frédéric Longbois) dans la vieille campagne espagnole qu’ils n’auraient jamais dû abandonner.

     Savary privé d’institution, ne se prive pas d’étriller ministres et président. Ça tombe bien. Ceux qui sont là ne portent pas de Rolex, n’ont pas vu leurs émoluments doubler, et ne touchent ni dividendes, ni stock options. Ils adorent les jeux de mots, les chansons populaires, le côté clinquant, désordonné et bon enfant de l’auteur. Ils partagent avec l’ami bateleur les mêmes restrictions budgétaires, la même inquiétude sur le devenir du spectacle vivant. Et ils trouvent que Savary a du ressort !  Quant à Arielle Dombasle, physique de rêve et voix charmeuse, ils en redemandent…

     L’orchestre ? Dirigé par un pianiste (Roland Romanelli qui joue aussi de l'accordéon) avec Sabine Jeangeorges aux claviers, une contrebasse, une batterie, une trompette (celle de Savary), et parfois un accordéon, un bandonéon, une guitare (Paco El Lobo). La troupe ? Clémence Bollet, Antonin Maurel, Marc Oranje (nouveau Valentin le désossé), Nina Savary, Sabine Leroc, Nina Morato, ont un métier sûr et un charme fou. Arielle Dombasle qui est déjà une belle carrosserie est habillée (comme toute la troupe) par Michel Dussarrat qui multiplie les extravagances avec Ezio Toffolutti dont les trouvailles pullulent pour animer les décors.

     « All you need is love ! », chantent-ils au tableau final, ils nous en donnent en effet, de l’amour, et nous leur rendons bien.

     Grâce à eux, ce n’est pas « la fin du music-hall » annoncée. Pas encore !

Don Quichotte contre l’Ange bleu

Théâtre de Paris

depuis le 11 janvier

01 48 74 25 37

11:40 Écrit par Dadumas dans cabaret, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cabaret, Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

12/01/2008

Romantique à jamais

      Qu’est-il arrivé à la jeune Catherine Friedeborn (Julie-Marie Parmentier) ? Jeune et jolie jeune fille, dévouée à son gentil vieux père Théobald Friedeborn (Fred Ulysse), un bourgeois débonnaire de Heilbronn, la voici devenue l’esclave docile qui, sans mot dire, suit Frédéric, comte Wetter von Strahl (Jérôme Kircher). Théobald (Fred Ulysse) porte plainte. Frédéric n’y comprend rien. Comme une grande mystique, frôlant le martyre, elle essuie toutes les rebuffades sans broncher, accepte de recevoir le fouet, d’entrer au couvent, s’il ne veut plus la voir, et même de traverser les flammes pour lui complaire.

     On rêve souvent sa vie chez Kleist. Hombourg ou Wetter von Strahl ont le rêve prémonitoire. On cherche l’amour absolu, qui transcende la vie et un être qui puisse « prendre tous les noms du monde » comme le dira Éluard. Et des visions oniriques désignent l’élu ou l’élue. Des signes mystérieux l’annoncent, des révélations merveilleuses permettent « la cueillaison d’un Rêve au cœur qui l’a cueilli » comme l’écrira Mallarmé. Car le désir d’amour est éternel et infini. D’autres poètes avant Kleist, d’autres après lui, chanteront cette énigme du sentiment qui transforme les Hommes. Mais n’est-ce pas depuis les romantiques qu’on affirme qu’une « vie sans amour, c’est la mort » ?

     La Petite Catherine de Heilbronn d’Heinrich von Kleist est un conte, avec ses méchants : Fribourg (Gilles Kneuzé), Georges (Arnaud Lechien), sa semi sorcière Cunégonde, baronne von Thurneck (Anna Mouglalis) et son âme damnée Rosalie (Bérangère Bonvoisin). Naturellement, il y a les gentils, la servante au grand cœur, Brigitte (Evelyne Didi), l’ami fidèle Gottschalk (Tom Novembre), et le père noble, l’empereur (Jean-Claude Jay). Il y a la vierge farouche, Catherine, et le Chevalier, Frédéric. Et surtout, la Providence qui assemble si bien les faits et les choses et résout l’ordalie avant que le sang de l’innocent ne soit versé…

     La scénographie de Nicky Rieti, se compose d’éléments mobiles, constructions gothiques, qui s’assemblent, se rompent, se détruisent, s’agglomèrent dans une pénombre savamment éclairée par André Diot. Ces blocs en ruine évoquent les burgs d’Outre-Rhin magnifiés par les dessins de Victor Hugo. La Nature pénètre dans cet espace fantastique orchestrée par une bande son et musique de Pipo Gomes.

     De la mise en scène d’André Engel naît un superbe envoûtement. Chaque comédien donne à son rôle la tonalité Sturm und Drang qui fait de la représentation un modèle du Romantisme. Aucune petite insolence anachronique ne peut détruire le sortilège, La Petite Catherine de Heilbronn reste romantique à jamais…

 

 

 

La Petite Catherine de Heilbronn  d’Heinrich von Kleist

Jusqu’au 23 février

Odéon-Berthier à 20 h

01 44 85 40 40

11/01/2008

Classé X

     Après le Cabaret des mers, la Comédie-Française installe un cabaret coquin pour deux semaines au Studio. Véronique Vella a « imaginé, organisé » ce spectacle musical. Elle l’interprète également avec trois complices : Florence Viala, Laurent Natrella et Clément Hervieu-Léger.

     Mines gourmandes des demoiselles, clins d’œil farceurs des damoiseaux. De la sévérité dans la tenue, tailleurs classiques, noir de rigueur. L’érotisme est dans le texte. Et comme disait (à peu près) Aragon « mieux vaut le terme cru que l’impropriété ». Lui qui chanta Le Con d’Irène s’y connaissait (si l’on peut dire). Véronique Vella invite aussi Baudelaire et l’ami Théo (Gautier), Verlaine, Apollinaire, Breton, Pierre Louÿs, Genet, Calaferte, Gainsbourg et Ferré. On y trouve aussi des femmes : Sappho, Louise Labé, et la délicate Lucette Marie-Sagnières.

     Le décor est sobre, sans doute puisé dans les réserves : tapis d’Orient, tentures de velours frappé cramoisi, hauts tabourets, méridienne pastel. Jean-Louis Cortès signe les arrangements pour clavier. Et c'est gagné !

      On n’imaginait guère de redécouvrir le C’est extra  de Léo Ferré, susurré par deux séducteurs en goguette qui se comptent leurs exploits. Œil de velours pour Laurent Natrella, satisfaction souriante de Clément Hervieu-Léger. : L’effet est garanti. Véronique Vella en fausse ingénue dans le Ah ! Vous dirais-je maman détourné est épatante, Florence Viala en sous-maîtresse, surprenante.

     Textes inconnus, textes bien connus, les métaphores foisonnent, le vocabulaire est somptueux, et comme il s’agit de « donner du plaisir », les quatre comédiens atteignent toujours leur but.

      Oreilles pudibondes s’abstenir. L’enfer des bibliothèques*, ou curiosa, est toujours classé X !

 

 

*Visitez, sur le même thème d’exposition de la BNF

 

 

 

Cabaret érotique

Jusqu’au 20 janvier

Studio de la Comédie-Française

Du mercredi au dimanche à 20 h 30

01 44 58 98 58

 

A partir du 30 janvier, Guillaume Gallienne reprend au Studio Le Divin Jongleur de Dario Fo : un autre plaisir !