27/11/2008
L'île de Vénus
Vivre à deux est déjà difficile, mais quand il s'agit de vivre à deux sur une île déserte, alors que personne ne vous a présentés, cela relève de l'utopie... Cette gageure, Gilles Costaz l'a tentée dans une délicieuse comédie: L'île de Vénus. Avec humour, avec tendresse, ses personnages font le lent apprentissage du couple. Un marivaudage contemporain...
De quoi tenter les blasés, les sceptiques. Et les curieux.
L'île de Vénus de Gilles Costaz
éditions Oeil du Prince, 12 €
16:32 Écrit par Dadumas dans Livre | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : théâtre, littérature | Facebook | | Imprimer
Une planète refuge
Jody (Michel Burstin) est un rêveur mélancolique. Il sort peu de sa boutique entièrement dédiée aux cartes géographiques et aux guides. Un jour son ami Carl (Bruno Rochette), plutôt expansif, lui apporte une chaise.
Drôle de cadeau ! Curieux cadeau qu’il renouvelle. À chaque visite, sa chaise : siège unique, différent de celui déjà offert. Elles s’accumulent, de formes et de matières diverses, s’empilent, forment une diagonale dans l’espace.
D’où viennent-elles ? Ont-elles été « trouvées dans la rue » comme le prétend d’abord Carl, qui se récuse et finit par dire qu’elles sont « adoptées » ? Il dit la vérité alors, puisque ces chaises sont orphelines de leurs propriétaires qu’une sale maladie a emportés. « Je ne supporte pas de les voir abandonnées » dit Carl.
Dans la scénographie de Jack Percher, un portulan ocré s’inscrit sur le sol parqueté de bois, et les trappes qui s’ouvrent dressent des cartes bistrées. La boutique de Jody est comme « une petite planète au milieu d’un vide gigantesque », une planète refuge pour ces deux amis inquiets d’être à leur tour malades, et qui, épigones de Ionesco, veulent « laisser des traces car (ils sont) des personnes ». Sylvie Rolland met en scène avec pudeur, et sensibilité, rien n’est inutile. L’intensité dramatique croît, sans pathos.
- « Tu garderas ma chaise, Jody ? » demande Carl un soir.
- - « Je te le promets » répond Jody.
Steven Dietz, l’auteur, sait, avec peu d’effets, toucher le secret des âmes.
Lonely Planet de Steven Dietz
Manufacture des Abbesses
à 19 h, du mercredi au samedi,
Jusqu’au 27 décembre
01 42 33 42 03
16:12 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, homosexualité | Facebook | | Imprimer
26/11/2008
Bon voyage Monsieur Perrichon !
Monsieur Perrichon (Pierre Vial) part en voyage ! Il n’est pas seul, le bourgeois ! Il emmène sa famille : sa femme (Madeleine Marion), sa fille Henriette (Hélène Babu), le petit chien d’icelle et ses bagages : « nous sommes neuf », s’écrie-t-il, fièrement. Il ne s’étonne guère de traîner dans son sillage, Armand (Stéphane Vérupenne) et Daniel (Alexandre Pavloff), deux jeunes gens qu’il rencontre partout où il va, de Paris à Chamonix. Ce n’est pas, comme il le croit par « un heureux hasard ». Ils ont été les cavaliers de Mlle Perrichon au bal du VIIIe arrondissement, et ils ont l’intention de la demander en mariage. Or chacun sait, depuis Molière que « Deux époux pour [une fille], c’est trop pour la coutume ! ». Armand est banquier, il sait « rendre service » et sauve Monsieur Perrichon d’une culbute qui aurait pu l’entraîner dans un précipice. Il a les faveurs de Madame et Mademoiselle Perrichon. Mais Daniel se rend vite compte que Perrichon est un« trésor d’ingratitude ». Il saura donc lui donner le beau rôle, flatter sa vanité et devenir le favori : « Vous me devez tout, je ne l’oublierai jamais », jure Perrichon qui peut, en rentrant à Paris se vanter : « j’ai sauvé un homme ! ».
Le sort d’Henriette ne tiendra qu’à une faute d’orthographe. Car, si Perrichon n’avait pas écrit, « la Mère de Glace », au lieu de « la Mer », sur le Livre des voyageurs, si le Commandant (Thierry Hancisse), n’avait pas ironisé sur ce « dévergondage grammatical », si le prétentieux Perrichon n’avait pas traité le commandant de « paltoquet », il n’aurait jamais connu la menace d’un duel, la générosité franche d’Armand, les calculs méprisants de Daniel : « Il n’y a que les imbéciles qui ne savent supporter cette tâche écrasante qu’on appelle la reconnaissance ». Faisant amende honorable, Monsieur Perrichon retournera à Chamonix effacer l’objet du litige, et donnera sa fille à Monsieur Armand. Bon voyage, Monsieur Perrichon !
Julie Brochen a pris « le parti d’en rire » à la manière de Pierre Dac et Francis Blanche, chantant sur le boléro de Ravel. Rien n’est donc pris au sérieux, sauf le ridicule. Les entrées se font par la salle… Sur scène, des rangées de fauteuils d’orchestre recouverts de housses (scénographie de Francis Biras), pas de vue panoramique sur le Mont Blanc, mais un tapis de mousse synthétique sur lequel Mademoiselle Perrichon s’effondre d’émotion. Et chez Monsieur Perrichon, les tableaux descendent des cintres. À jardin, Vincent Delterme accompagne au piano les couplets du vaudeville sur une musique originale de Denis Chouillet. Certaines répliques aussi seront chantées, à la manière d’un film de Jacques Demy. Les costumes de Sylvestre Dequest jouent sur l’intemporel. Quant à Sylvia Bergé, elle ensorcelle le commandant aussi bien en chauffeur raisonneur, qu’en Anita enjôleuse, Jean grincheux et quelques autres…
Mais Monsieur Perrichon ne remarque rien, il fait le paon, prêt, comme M. Jourdain, le bourgeois gentilhomme, à sacrifier sa fille pour satisfaire sa gloriole. Heureusement, il écoute aux portes et entend Daniel le juger. Retournement de situation : le présomptueux Daniel perd en une minute le fruit de ses patientes et tortueuses approches.
Les comédiens sont parfaits, comme d’habitude… Les bourgeois de Labiche n'ont pas fini de nous faire rire...
Le Voyage de M. Perrichon, d'Eugène Labiche et Edouard Marin
Théâtre du Vieux-Colombier
Jusqu’au 11 janvier 2009
01 44 39 87 00
09:57 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, labiche, comédie-française | Facebook | | Imprimer