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09/09/2010

Une leçon de théâtre

La répétition d’une pièce s’apparente au mystère sacré. Comment le metteur en scène, à partir d’un texte, peut-il créer ? Tel un dieu devant le chaos originel, il sépare les éléments puis les réunit pour en montrer l’ordonnance et l’imbrication.

C’est à ce miracle que nous assistons avec L’Épreuve de Marivaux, où la metteuse en scène (Sophie Lecarpentier) dirige la lecture à la table, écoute les propositions, modifie les costumes, règle les lumières, organise les déplacements, corrige les maladresses, gourmande les paresseux, afin de présenter un tout cohérent.

La troupe est jeune, et tous ont l’âge de leurs rôles, sauf Madame Argante (Solveig Maupu, qui signe aussi la photo) qu’il faudra vieillir. On jouera en costumes contemporains. l'épreuve.jpgLucidor (Xavier Clion) aura un club de golf comme accessoire, et les pantalons d’un blanc immaculé donneront la note aristocratique. La « folie » du XVIIIe sera plutôt cubique, avec quelques références aux tableaux d’Hopper, dans la couleur et les lignes.

Chaque comédien présente son personnage, sa situation sociale et ses références à aujourd’hui. C’est habile, et le jeu de Marivaux se double d’un jeu pédagogique sur l’œuvre, et sur le métier de comédien. Lisette (Hélène Francisci) cherche encore ses marques, Angélique (Vanessa Koutseff) a besoin d’explications, Madame Argante (Solveig Maupu) éclate en sanglots, Emmanuel Noblet (ou Stéphane Brel) en font trop, Maître Blaise (Julien Saada) tire vers le grotesque.

Et au bout de toutes ces hésitations, reprises, détours, colères, la pièce sort de sa gangue. Les comédiens jouent juste, et les spectateurs ont pris une excellente leçon de théâtre et de modestie.  

 

             

                                                                                                                                                                       photo : Solveig Maupu

 

L’Épreuve de Marivaux

Théâtre 13,

jusqu’au 17 octobre

0145 88 62 22

 

08/09/2010

Une amitié particulière

 

 Sophie (Sylvie Blotnikas) a vécu dix ans d’un bonheur sans mélange avec le meilleur ami de Gilles (Julien Rochefort). Maintenant qu’elle est veuve, Gilles est devenu son compagnon.

Mais qu’allez-vous imaginer ? C’est « strictement amical » !

Ce n’est rien d’autre qu’une amitié particulière.

Chacun dissèque les sentiments de l’autre, analyse chacun de ses émois, mais jamais il ne s’immiscera, dans leur relation, autre chose que de l’amitié. La provocante Julia (Guilaine Londez), remarque bien que Gilles ne s’occupe que de Sophie, et le serviable Gaspard (Frédéric Rose) fait à peine diversion. Mais Gilles reste dans son rôle de saint-bernard, et Sophie n’est attentive qu’au « processus de deuil ».

La partition est mince, mais la musique est jolie, tout en délicatesses et broderies. Sylvie Blotnikas reste du côté de Marivaux, la cruauté en moins. Et les comédiens jouent en mesure.

 

Strictement amical de Sylvie Blotnikas

Théâtre de Poche Montparnasse

du mardi au samedi, à 21 h

dimanche à 15 h

01 45 48 92 97

 

06/09/2010

L'attente selon Jean-Marie Besset

 

 

Ils attendent. « La vie est un examen », et, mal assis sur les tabourets inconfortables, dans les couloirs du ministère où chacun est convoqué pour expliquer son projet, Lebret (Jean-Pierre Leroux) et Philippe Derrien (Adrien Melin), espèrent… Car c’est ainsi l’attente. L’espagnol confond en un seul mot : esperar, cette vacuité entre deux actions, deux situations, Jean-Marie Besset ajoute, entre deux amours.mail 2.jpg

Philippe est marié à Nathalie (Blanche Leleu), et depuis cinq ans ils forment un couple apparemment sans histoires. Il concourt aujourd’hui pour un de ces projets pharaoniques dont les ministères ont le secret : « construire le premier monument sur la lune ». Mais dans les couloirs du ministère, Philippe retrouve Jason (Jonathan Max-Bernard), un ami d’enfance. Et sa vie va basculer.

Dans le huis clos du ministère, les ambitions s’affrontent, sous le regard glacé de l’Huissier (Niels Adjiman) impavide, tandis que Louise Erkanter (Virginie Pradal), qui tient plus de la mante religieuse que du haut fonctionnaire s’efforce de tirer encore les ficelles de ceux qui ne veulent plus être ses marionnettes. Dans le feutré de l’appartement de Nils (Arnaud Denis), l’ami de Jason, les appétits sont plus charnels.

Arnaud Denis dirige ses comédiens avec finesse. Pas de caricature, un extrême doigté, beaucoup de pudeur. Il a mis en place un décor unique transformable (signé Édouard Laug). Les comédiens eux-mêmes aident à changer les accessoires, dans une pénombre crépusculaire (Lumières Laurent Béal). Les silhouettes s’y meuvent comme dans ces nuits où le rêveur a conscience qu’il cherche quelqu’un ou quelque chose sans savoir qui ou quoi.

mail.jpgJason déclare d’emblée qu’il va mourir. Comme il est dit que « dans son état, tout est grave », le mot « sida », n’a pas besoin d’être prononcé. Philippe et lui se sont aimés, naguère. Les amours adolescentes marquent les âmes à jamais. L’auteur, dans un récent Perthus en peignait les émois et les ravages. Dans Ce qui arrive et ce qu’on attend, une de ses premières pièces, tout l’univers bessetien est déjà construit, avec ses arcanes, ses fulgurances, son désespoir. Ses personnages sont jeunes, pleins d’avenir et se heurtent aux pesanteurs des sociétés closes. Leur sincérité ressemble à l’innocence et « la vie est plus tragique qu’on ne l’avait imaginée. »

Mais peut-être ne faut-il pas "aller chercher ce qu'on fait dans la lune/ et vous mêler un peu de ce qu'on fait chez vous" aurait dit Molière. Peut-être suffit-il d’attendre ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce qui arrive et ce qu’on attend de Jean-Marie Besset

Vingtième Théâtre

Du mercredi au samedi à 19 h 30

Dimanche à 15 h

01 43 66 01 13