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18/11/2010

Solidarité féminine

 

Visuel_UN CAPRICE.jpg

 Dans la série « la France méconnaît le talent de ses enfants », Musset tient une place de choix. Sa pièce Un caprice écrite et publiée (dans la Revue des deux Mondes) en 1837, dut passer par le biais d’une production russe et par le hasard d’une tournée à Saint-Pétersbourg, pour qu’une actrice de la Comédie-Française, Mlle Allan, la rapatrie et la fasse entrer au répertoire ! Nombre de ses pièces n’eurent pas ce bonheur-là, puisque son chef d’œuvre, Lorenzaccio, ne fut créé qu’en 1906, en version allégée, et en version intégrale en 1952.

 Le bicentenaire Musset, cette année, ne jouit pas d’une grande publicité, et hors, la région Centre, peu de manifestations honorent le poète. Heureusement, Sylvain Ledda, grand spécialiste d’Alfred de Musset, a choisi, pour le célébrer, de mettre en sène ce Caprice qui permit de découvrir, son génie dramatique, en 1847. Une jeune compagnie s’est investie dans le projet et donne à cette jolie comédie, un charme délicat.

Mathilde (Séverine Cojannot) a fabriqué, de ses mains, une bourse pour son mari, M. de Chauvigny (Gilles-Vincent Kapps en alternance avec Sacha Petronijevic). Mais celui-ci en a reçu une de Mme de Blainville, et la pauvre Mathilde n’ose plus la lui offrir. En ce temps-là, les ouvrages de dames étaient gages d’amour et de fidélité. Et sans l’intervention de Mme de Léry (Florence Cabaret), le ménage risquait de se perdre.

 L’intrigue est mince, mais l’étude des mœurs est profonde. Elle dit la désillusion, l’usure fatale du couple après « un an de mariage », la « sévérité du monde » envers les femmes, la jalousie, l’amour-propre, des sentiments éternels. Mme de Léry est coquette, sans doute autant que Célimène, mais elle donne une souriante leçon de morale au mari « tyran », prêt à céder aux tentations. Femme légère Mme de Cléry ? Femme d’expérience plutôt ! Et qui met en pratique la solidarité féminine.

Un caprice paraît badiner, mais n’est-il pas aussi cruel que Marivaux ?

 La scénographie (Marguerite Danguy des Déserts) et les costumes (Catherine Lainard), décalent la situation dans le temps. La sculpture de Camille Alaphilippe, La Femme au singe (1908) semble avoir inspiré la robe fluide, gris perle, de Mathilde, et la coiffure de Mme de Léry, dont les vêtements évoquent le couturier Poiret. Les interprètes donnent au texte tout son piquant, et Clément Goyard (le domestique) joue les utilités avec sobriété. Les valses de Chopin illustrent, en contrepoint, les atermoiements des personnages.

Un caprice est la pièce idéale pour commencer à étudier Musset, et pour enseigner que le drame romantique n’est pas le seul genre de l’époque. Nous le conseillons à tous les professeurs de lettres, pour leurs élèves.

Une soirée à Essaïon, ne saurait être « une soirée perdue », au contraire !

 

 

Un caprice d’ Alfred de Musset

Théâtre Essaïon

Les lundi, mardi, mercredi à 20 h

Dimanche à 18 h

Jusqu'au 12 janvier

01 42 78 46 42

 

 

17/11/2010

Eh bien, chantez maintenant !

 Gaudiband (Dominique Pinon ) vit à Antony. Il est propriétaire. Comme tous les bourgeois de Labiche. Il n’a pas d’état d’âme, sauf en ce qui concerne son « filleul », Edgard Vermillon (Luc Tremblais) qui pourrait bien être son enfant naturel puisqu’il va lui constituer une rente, et le marier. À qui ? Mais à Julie (Carole Malinaud ) la fille de son ami Gatinais (Philippe Torreton). Née d’un premier lit, la demoiselle n’a que six ans de différence avec la nouvelle Mme Gatinais (Valérie Kéruzoré). Gaudiband est un chaud lapin. Il s’émeut vite devant un jupon. Il tripote les coudes des dames et même des naïves paysannes comme Lucette (Véronique Dossetto). Il est d’ailleurs en bisbille avec son voisin, Blancafort, à cause des statues « d’art antique » dont les nudités choquent les dames…

Et comme Edgard a des ambitions judiciaires, comme Gatinais se mêle de vouloir tirer sur le chat et blesse un quidam, le tailleur Geindard (Louis Merino) qui passait par là…Voilà notre bourgeois avec « un pied dans le crime »…C’est d’autant plus fâcheux qu’il vient justement d'être nommé juré, et ô dilemme ! tel le juge Adam de La Cruche cassée  de Kleist, il doit juger un innocent et se taire sur le coupable. Et le roublard Poteu (Jean-Pol Dubois), le jardinier de Gaudiband en profite !

On sait que « l’étude du bourgeois » », cette « perle de bêtise » occupe toute l’œuvre de Labiche.

Jean-Louis Benoit s’en donne à cœur joie dans la caricature. Moins de figurants dans les scènes du troisième acte mais des petits rôles finement concentrés et admirablement tenus par Karen Rencurel.

Coiffés et vêtus (maquillage et perruques Cécile Kretschmar, costumes Marie Sartoux) à la manière des gravures de Daumier, bourgeois et gens de justice s’agitent comme des pantins dans les décors de Jean Haas. Étienne Perruchon a écrit une nouvelle musique pour que le public reprenne les couplets en chœur avec les comédiens.

 Ainsi faisait-on au Palais-Royal en1866 quand le public populaire s’entassait au paradis.  

Ainsi retrouve-t-on la gaîté d’un divertissement bon enfant quand les comédiens donnent le meilleur d’eux-mêmes pour plaire à tous. Ces bourgeois vous paraissent stupides, ces avocats ridicules, ces domestiques bornés ? Vous en avez bien ri ? Eh bien, chantez maintenant !

 

 

 

 

Un pied dans le crime d’Eugène Labiche 

(écrite en collaboration avec Adolphe Choler)

Théâtre National de Bordeaux, puis à La coursive de La Rochelle

Tournée

Istres le 20 novembre 2010

Alès du 25 au 27 novembre 2010T

Nantes du 2 au 10 décembre 2010

Blagnac du 15 au 19 décembre 2010

Compiègne les 6 et 7 janvier 2011

Meylan les 11 et 12 janvier 2011

CDN d’Aubervilliers Aubervilliers du 18 au 22 janvier 2011

Nice du 26 au 30 janvier 2011

Villefontaine du 2 au 4 février 2011

Villefranche du 8 au 10 février 2011

Décines les 15 et 16 février 2011

Carcassonne le 19 février 2011

Privas les 24 et 25 février 2011

 

 

 

 

09:07 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer

16/11/2010

Mariage ou enterrement ?

 

 A-t-on idée de mourir la veille du mariage de sa nièce ? Alté Bobitshek (Christiane Millet) exagère ! Elle est « morte au mauvais moment ». Elle aurait dû retenir son âme, ce souffle fétide que l’ange de la Mort, Angel Samuelov (Bruno Vincent) vient cueillir chez les moribonds.

Mais, non, aucun respect pour les vivants !

Et son fils, Latshek Bobitshek (Eddy Letexier) qui se précipite pour accomplir les formalités d’enterrement et la visite à sa seule famille, sa cousine Shratzia (Christine Murillo) qui marie sa fille ! L'événement est inscrit  "dans sa chair " de toute éternité et au calendrier depuis longtemps ! Pas question de renoncer au mariage ! Alors, que faire ? « Quand on ne veut pas avoir d’ennuis, on n’ouvre pas la porte. », dit Shratzia, et Rashèss (Patrick Zimmermann), le mari, approuve ! La belle mère, Tsitskéva (Christiane Millet) aussi. Ce ne sont pas les fiancés, Vélvétsia (Fany Germond), et Popotshenko (Benjamin Meneghini) qui vont les contredire. Et surtout pas le beau père, Baragontsélé (Pierre Aussedat) que personne n’écoute.

 

Funérailles.jpgEt non seulement ils n’ouvrent pas à Bobitshek l'esseulé, mais ils fuient ! Sous une pluie d'hiver, à la plage d’abord, où deux joggeurs (Denis Rey et Olivier Jeannelle) s’étonnent : « Vous êtes venus faire du sport ou vous suicider ? ». Poursuivis par Bobitshek, ils iront jusque sur les pentes de l’Himalaya, et retour pour être à l'heure à l’enterrement et au mariage. Entre temps, la course aura tué Baragontsélé, Rashèss, un joggeur, un saddu (Olivier Jeannelle), mais les femmes ont résisté.

Elles résistent à tout, ces garces ! Mesquines, égoïstes, cruelles, manipulatrices, elles ne pensent qu’à leur propre satisfaction, elles n’ont aucune pitié, même pas Pshoshitsia (Marie-Lis Cabrières) pour le pauvre Bobitshek…

Mariage ou enterrement ? On n’échappe pas au « deuil de sa mère », mais comment se soustraire à la volonté de Shratzia et de Tsitskéva ?

En face d’elles, les mâles, se laissent entraîner sans aucune réflexion, sans une once de sentiment. Si le voisin de Bobitshek, le professeur Kipernaï (Jean-Philippe Salério), n’avait pas fait son devoir, personne, n’aurait suivi l’enterrement de la pauvre Alté.

La farce transforme les êtres en marionnettes (réalisation de Jean-Pierre Belin et Nathalie Trouvé), postiches et perruques (Véronique Gély) imposent un corps carnavalesque.

Ils sont tous laids, et plus bêtes que méchants. Nulle pitié en ce monde, nul espoir dans un monde meilleur. Les familles Fenouillard pullulent sur terre, en Israël y compris. Hanokh Levin peint des êtres sans foi, un monde où l’âme n’a plus sa place. Traduite de l’hébreu dans une langue savoureuse, par Laurence Sendrowicz, la pièce Funérailles d’hiver est dirigée à un train d’enfer par Laurent Pelly dans une scénographie de Marie La Rocca.

Funérailles 2.jpgPlans en coupe de la chambre mortuaire, de la maison de Shratzia, rempart d’une digue, pente d’un toit, ou pic enneigé, les lieux disent l’impossible harmonie, l’équilibre irréalisable.

Et des comédiens aguerris accomplissent une merveilleuse performance en exécutant ce ballet fantastique. L’art de philosopher sur la mort peut aussi passer par le rire. Du grand art !

 

 

 

 

 

 

 

 

Funérailles d’hiver  de Hanokh Levin

traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz

Editions Théâtrales

Théâtre du Rond-Point

Jusqu’au 11 décembre

01 44 95 98 21

 

Photos : Funérailles d'hiver
© Brigitte Enguérand