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16/03/2018

Bataille d’ego

 

 

Théâtre, Théâtre du Rond-Point, Anne Kessler, Serge Bagdassarian, Pierre Hancisse, Guy ZylbersteinEntre l’auteur et son metteur en scène, l’entente n’est pas toujours cordiale. Bernard Dort parlait de la « dictature du metteur en scène », Guy Zilberstein, avec Coupes sombres, montre qu’il s’agit souvent d’une « bataille d’ego ». Chacun se croit supérieur à l’autre et veut avoir raison. Qui comprend mieux la fable, de l’auteur qui a écrit le texte, ou du metteur en scène qui organise la représentation ?

L’Auteur (Serge Bagdassarian), ici, se tient, solennel et raisonneur devant la Metteuse en scène (Anne Kessler), gracile, souriante, mais implacable. Il faut procéder à des « coupes sombres ». Un jeune bûcheron (Pierre Hancisse) proteste que la « métaphore sylvicole » est employée à tort, puisque « coupes sombres » désigne l’éclaircissement partiel destiné à ensemencer la forêt, et qu’il faudrait parler de « coupes claires » pour définir la suppression importante que la Demoiselle envisage.

Le terme « coupe réglée » n’est pas évoqué. Dommage !

Déjà révulsé par l’interprétation du décor (cinq bancs de bois pour signifier aussi bien le bloc opératoire que les différents lieux de l’action), l’Auteur se révulse à l’idée de supprimer quoi que ce soit de cette pièce qu’il a mis cinq ans à écrire et qui dure… cinq heures. Il est furieux et vitupère la « canaille subventionnée ».

Nous ne vous dirons pas comment la délicate Metteuse en scène amadoue son intransigeant auteur, mais sachez que le principal bénéficiaire sera le Bûcheron.

Quant aux spectateurs, témoins de l’affrontement, ils en dégustent le brio et la subtilité.

 

 

 

 

Coupes sombres de Guy Zilberstein

Mise en scène d’Anne Kessler

Théâtre du Rond-Point à 18 h 30,

Du 13 mars au 15 avril

 

Rencontre-dédicaces avec l’auteur le samedi 24 mars à 20 h

 

 

 

 

 

10/11/2017

Griefs sur canapé

 

  

Théâtre du Rond-Point, Yasmina Reza, Emmanuelle Devos, Josiane StoléruQuoi que la vie vous réserve, il faut toujours « faire bonne figure » disaient les anciens. Les personnages de Yasmina Reza tentent de suivre ce principe, mais n’y réussissent guère. Il arrive forcément, un moment où le vernis craque, les masques tombent, et où les vraies natures se révèlent. C’est le propre du conflit dramatique et Yasmina Reza y excelle.

Dans Bella Figura, sa nouvelle pièce, Boris (Louis-Do de Lencquesaing), emmène sa maîtresse Andrea (Emmanuelle Devos) dîner et plus si elle est complaisante. La discussion s’engage sur le parking, car Andrea ratiocine sur le choix du restaurant, elle digère mal qu’il ait été recommandé par la légitime. Boris, qui est « au bord du dépôt de bilan », souhaiterait qu’elle soit plus attentionnée. Et comme il manœuvre sa voiture, il renverse une dame, Yvonne (Josiane Stoléru) qui, - ô comme le monde est petit en province ! – se trouve être la belle-mère de Françoise (Camille Japy), la meilleure amie de sa femme… Yvonne n’a rien, heureusement, et son fils, Éric (Micha Lescot), les invite à prendre un verre, les voici tous réunis à papoter et prendre le champagne sur la terrasse du lieu. 

C'est l'anniversaire d'Yvonne qui  s’enfonce de plus en plus dans le canapé, cherche compulsivement son sac et son calepin. Yvonne gâtouille un peu, c’est de son âge. Elle trouve Andréa, préparatrice en pharmacie, sympathique et peut se livrer, comme beaucoup de vieilles dames, au plaisir de l’évaluation des médicaments. Éric donne des conseils juridiques à Boris, et Françoise s’interroge. Elle ne pourra pas « ne pas en parler à Patricia. » Andrea s‘incruste, lâche des vérités pas bonne à dire. Boris se fâche. Et Éric si nonchalant, si courtois, s'indigne. 

Plus question de faire bonne figure, les relations s’enveniment, les tensions s’exacerbent, les griefs explosent, la soirée est gâchée. Nous suivons les protagonistes du parking au restaurant et jusque dans les lavabos, grâce aux décors astucieux de Jacques Gabel, et aux lumières de Roberto Venturi. 

Yasmina Reza égratigne le couple et les bourgeois. On rit de la paille qu’ils ont dans l’œil. On est bien content de ne pas leur ressembler.

 

 

 

 

 

 

 

  

 

Bella Figura de Yasmina Reza, mise en scène de l’auteur

Jusqu’au 31 décembre à 21 h

Théâtre du Rond-Point

01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

 

 

13/09/2017

 Vaincre ses préjugés

 

 

 

danse, Théâtre du Rond-Point, Hillel KoganHillel Kogan est en scène, en équilibre, immobile dans un rond de lumière (lumières Amir Castro). Puis lentement il vient vers nous et la lumière monte et s’élargit. Il nous explique qu’il « aimerait partager » avec nous les questions qu’il se « pose dans son processus de création ». L’élocution est hésitante, il ne termine pas ses phrases, semble chercher les mots qu’il remplace par des gestes. Il théorise les rapports de la danse et du sol et montre « comment l’espace se laisse pénétrer par le corps ». La plateau est vide mais il affirme que l’espace est arabe ». Il est israélien, il est  « de gauche. »

Et voici que se présente Adi Boutrous. – « C’est arabe ? » - « Oui » répond sobrement Adi qui sera son partenaire dans le travail de création. « Moi je suis dans le rôle du juif. » dit Hillel. Comment montrer clairement l’identité ? L’étoile juive et le croissant ? Et tant pis si Adi est chrétien.

Ils vont danser, pour montrer « l’unisson du mouvement », prouver qu’ils sont deux artistes et qu’importent les religions, les nations et les races ! Adi est un taiseux. Hillel est devenu volubile. Il cherche les figures, les explique, ratiocine à l’envi. Adi exécute, mutique, le regard ironique. Le summum est atteint quand Hillel présente le « houmous », cette purée de pois chiches très orientale, comme « un lien sacré. »danse, Théâtre du Rond-Point, Hillel Kogan

Mais enfin Hillel abandonne ses préjugés. Ils dansent, dans une symétrie parfaite, une fluidité harmonieuse où s’enchaînent les glissades, les déroulés-enroulés-développés, les balancés, les équilibres et les portés.

La danse semble alors élaborer une coexistence pacifique et abolir les murs des frontières ? Il a été créé en 2013 à Tel Aviv, et depuis, il tourne.

Hillel Kogan serait-il cet artiste universel dont nous rêvons tous ?

 

Photo : © Gadi Dagon

 

We love Arabs texte et chorégraphie de Hillel Kogan

Théâtre du Rond-Point

Jusqu’au 8 octobre à 18 h 30

01 44 95 98 21

Ensuite tournée internationale jusqu’au 28 juin 2018

En Australie, en Belgique, mais aussi en Touraine, en Anjou, en Vendée, en Poitou… Renseignez-vous.

www.theatredurondpoint.fr