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02/10/2011

Réécritures


 

La contrée de l’enfance est souvent, pour un auteur une inspiration rémanente, Marguerite Duras y a largement puisé son inspiration. Elle a aussi souvent repris ses récits, pour en modifier, la forme, le point de vue, la portée. Et ses réécritures successives, en approfondissant les personnages, détaillant les événements, ont aussi quelquefois changé de genres. Ainsi, ce conte, Ah ! Ernesto, des années 70, devint-il, un film, Enfants, en 1984, puis fut publié en roman La Pluie d’été en1990, avant de passer à la scène en 1993.

La version qu’en donne aujourd’hui Emmanuel Daumas rend limpide un texte dense qui ne craint ni les analyses psychologiques ni les études sociologiques. La Pluie d’été raconte la vie d’une famille de marginaux à la fin des années cinquante, à Vitry, quand la banlieue se transforme.

Les immigrés, la Mère slave (Claude Mathieu),  Emilio le Père (Christian Gonon) italien, vont quitter leur logement précaire dont le toit laisse passer la « pluie d’été » pour de solides HLM. C’est aussi le monde de l’enfance qu’il faudra quitter pour Ernesto (Jérémy Lopez), et Jeanne (Adeline d’Hermy). Pas tellement « vert paradis », cet univers-là, pour Duras, mais plutôt « noir enfer des terreurs enfantines », puisqu’ils redoutent d’être « abandonnés » par des parents dépassés par leur progéniture et les difficultés de la vie de prolo. Leur âge est incertain. « Entre douze et vingt ans » pour Ernesto, « entre onze et dix-sept » pour Jeanne. Les prénoms fluctuent, et les cinq autres frères et sœurs sont désignés par les termes « brothers et sisters ». Les parents vivent des « allocations », lisent des livres trouvés, vivent dans un bric-à-brac récupéré de gazinières, lavabos, tables,  tuyaux, seaux, chaises. Ils ne se plaignent pas, et s’aiment tant, que l’inceste ne semble pas les culpabiliser.

Dans cette curieuse famille, les enfants ne sont pas scolarisés. Et quand on s’aperçoit qu’Ernesto a appris à lire tout seul, qu’on l’envoie à l’école, il y restera à peine une journée, car, dit-il : « on y apprend des choses qu’on ne sait pas. »

Il s’aperçoit vite que « le monde est loupé », avant de se lancer à la poursuite du vent. Deux personnages témoins complètent le récit : l’Instituteur (Éric Génovèse) émerveillé des possibilités de l’enfant, et une Journaliste (Marie-Sophie Ferdane), qui n’en croit ni ses yeux, ni ses oreilles.

Les comédiens alternent, récits et dialogues dans un enchaînement cadencé. Une chanson de Souchon « Allo, Maman, bobo ! », dit avec humour les blessures. Puis la subtile À la claire fontaine rappelle les rêves enfantins. La jeune pensionnaire, Adeline d’Hermy, est rayonnante, Jérémy Lopez surprenant, Marie-Sophie Ferdane savoureuse, et que dire des sociétaires ? Ils sont parfaits.

La réussite est totale.

 

 

 

Pluie d’été de Marguerite Duras

Théâtre du Vieux-Colombier

Jusqu’au 30 octobre