24/05/2012
Mariage d’humour
Catherine (Catherine Delourtet) va épouser Jean-Paul (Jean-Paul Delvor). Ils accueillent parents et amis, mais aux premiers accords de la marche nuptiale, ça dérape. Sans voile, ni traîne, la mariée garde quand même sa fierté, et le marié son sens du devoir.
Ils entraînent la noce dans un tourbillon de chansons drolatiques, pour un mariage d’humour. Ce seront de Folles Noces.
Formés à la chanson et à la scène par les créations de Roger Louret (La Java des mémoires, Les Z’Années Zazous, Les Années twist, et j’en passe), Catherine et Jean-Paul ont acquis le sens de la scène, des enchaînements et de la loufoquerie, et Thomas Ribes qui les accompagne au piano et à la guitare, s’est aussi illustré au sein de la compagnie des Baladins en Agenais ».
Catherine est autoritaire, Jean-Paul intimidé. Cependant, pour le « plus beau jour de leur vie », ils accordent leurs cœurs et leurs voix. Même dans les disputes. Car la première chanson, Mémère dans les orties de Juliette, tient plus des querelles de ménages que des roucoulades. Ils se réconcilient avec L’Avventura puis zigzaguent dans les fantaisies loufoques ou coquines. On retrouve des succès oubliés, on découvre des chansons proscrites, des fantaisies méconnues.
Puis vient une succession de duos avec des couples célèbres modèles (Roméo et Juliette, Pénélope et Ulysse) ou bancals (Quasimodo et Esméralda, Roxane et Cyrano, Tarzan et Jane). Ils ne s’attardent jamais, changent de costumes avec rapidité, ne laissent jamais le spectateur souffler. La comédie tient la route.
Les Folles Noces embarque le spectateur dans une farandole fantasque, bon enfant, dont la seule ambition est de distraire, et amuser.
Et savez-vous que sortir de bonne humeur d’un théâtre n’arrive pas tous les jours ?
Photos © Philippe Taris
Folles Noces
Théâtre 14
Jusqu’au 7 juillet
01 45 45 49 77
Mardi, vendredi, samedi, 20 h 30
Mercredi, jeudi, 19 h
Samedi, 16 h
21:52 Écrit par Dadumas dans cabaret, humour, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, comédie musicale, chanson, théâtre 14 | Facebook | | Imprimer
16/05/2012
Universel Peer Gynt
Éblouissant ! Le Peer Gynt qu’Éric Ruff vient de mettre en scène laisse le spectateur sonné de tant de beauté, et d’intelligence. Il réussit à éclipser les autres versions que nous avons connues et il donne à cette œuvre, un rayonnement universel.
Vous vous souvenez sans doute du Norvégien nommé Peer Gynt. Un vaurien au grand cœur qui fait pleurer sa mère toujours prête à l’accuser, mais aussi prompte à le défendre. Le jeune homme rêve de gloire, mais néglige ses terres, et ce jeune paysan affirme qu’il sera « empereur ». Séducteur, il ne transige pas avec la chasteté des filles. Il se montre sceptique mais affronte les trolls, et croit à l’assistance miraculeuse d’un Dieu sans doute chrétien. Souvent battu, dépouillé de tout, il ne s’avoue jamais vaincu. Mis hors-la-loi dans son pays, il préfère errer pendant vingt ans plutôt que de se soumettre à la justice des hommes. Le droit chemin aurait voulu qu’il « fasse pénitence », mais le Grand Courbe le pousse à fuir jusque dans un Orient grouillant pour se frotter à l’étrangeté du monde.
Se repentir ? « Quelle vie régressive ! » Il est trop épris de liberté. Il est, en somme, tellement humain dans ses contradictions que chaque spectateur y reconnaît un proche un peu foutraque, et à bien réfléchir un peu de soi-même...
Peer Gynt gagne gros, perd encore plus, et revient enfin au pays natal vers la pure Solveig qui l'attend, comme la belle Bauldour attendait le beau Pécopin. Quelque part, le diable veille, et la mort est toujours en embuscade.
Hervé Pierre incarne avec génie cet antihéros devenu mythe sous la plume d’Henrik Ibsen, et que la juteuse traduction de François Regnault nous rend fraternel. Autour de lui une troupe d’exception accompagne son itinéraire. Catherine Salviat, Claude Mathieu, Florence Viala, Suliane Brahim, Adeline d’Hermy, changent de rôles avec une prestesse divine. Michel Favory, Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Stéphane Varupenne, Gilles David, Nâzim Boudjenah, passent d’un personnage à l’autre avec un talent prodigieux. Les jeunes élèves comédiens, Romain Dutheil, Cécile Morelle, Émilie Prevosteau, Samuel Roger, Julien Romelard se révèlent prodigieux. Catherine Samie est Ase, admirable dans ce rôle de mère, affolée et tendre. Et pour les soutenir dans les pérégrinations incessantes, gambade ou pleure la musique originale de Vincent Leterme qu’il interprète lui-même aux claviers, accompagné au violon par Floriane Bonnani, aux guitares par Hervé Legeay et au cymbalum et percussions par François Rivalland. En quatuor concertant ou fanfare tonitruante, Jazzmen ou tziganes, les musiciens s’intègrent aux comédiens avec bonheur.
Dans le Salon d’Honneur du Grand Palais, l’espace est bi-frontal. Entre deux rangs de gradins court un long chemin de terre bosselé, rainuré en son centre par deux rails de fer sur lesquels une draisine fait office de char, de charrette, de lit, de corbillard, de navire, d’estrade. Les costumes de Christian Lacroix ont la rigueur des protestants, la splendeur des contes orientaux, la fantaisie des créatures surnaturelles et le naturel des univers fantastiques. C’est un ravissement constant, une surprise toujours renouvelée.
Bien sûr on voudrait citer tous les artisans de cette réussite. On va certainement être injuste en oubliant un nom.
Mais nous qui « sommes tous de la race de Peer Gynt », il nous arrive d’être opportunistes, cyniques, lâches, insensés », mais aussi « citoyens du monde », généreux, confiants, et surtout émerveillés devant la perfection de cette représentation.
Peer Gynt se Henrik Ibsen, texte français de François Regnault
Jusqu’au 14 juin 2012
Salon d’Honneur du Grand Palais,
à 19 h sauf le mardi
23:39 Écrit par Dadumas dans Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : comédie-française, éric ruff, hervé pierre, peer gynt, françois regnault | Facebook | | Imprimer
12/05/2012
Femmes au bord du suicide
Elles sont seules. Plus d’amour, plus de chance, le désespoir les vrille, la mort les tente, apaisante… Dans La Dame de Monte-Carlo et La Voix humaine, Cocteau écrit pour des femmes que tout abandonne. Marc Paquien met en scène leur détresse.
La Dame de Monte-Carlo, souffre de ne plus « être jeune et aimée ». Dévorée d’une seule passion, le jeu, rejetée du casino où on l’accuse de « porter malheur », elle va « piquer une tête dans la mer » pour que « ça cesse ».
Véronique Vella, mince silhouette noire, prête sa voix de mezzo soprano au texte de Cocteau, mis en musique par Francis Poulenc. Au piano, Jorge Giménez, l’accompagne. Tout est dans l’ombre, sauf le visage et les mains de la Dame (lumières de Claire Risterucci). Cet effet de camera obscura favorise l’intériorisation et le spectateur partage son drame
La Voix humaine est celle d’une amante délaissée, qui n’est plus reliée son amant que par le téléphone. Moyen capricieux, car nous sommes en 1927, et la « demoiselle du téléphone » peut à tout moment « couper » la conversation.
Effondrée sur un lit défait, drapée dans un déshabillé froissé qui atteste qu’elle ne sort plus, Martine Chevalier, les yeux égarés, supplie pour rester en ligne, garder le dernier contact avec celui, qui pendant « cinq ans » fut « le seul air respirable » qui lui permit de vivre. Bribe par bribe, on apprend la cause de la rupture : « le chéri » se marie et renonce à la vieille maîtresse. Elle s’accroche, et a tenté, déjà, de se suicider.
Elle voudrait faire croire à son indifférence. Elle est seule et peut mentir avec courage, mais elle s’effondre vite. Le spectateur est témoin de sa douleur, et des faux-semblants qu’elle s’impose, des vérités qu’elle découvre, des épreuves qui la crucifient, de l’insupportable attente qu’elle endure.
Dans la mise en scène de Marc Paquien, le sol luit comme un miroir, et au premier plan, la carafe d’alcool, le verre, les cachets préparent sur un plateau la funeste conclusion. Beauté et fascination de la délivrance…
Jean Cocteau dans ces monologues a su peindre admirablement ces femmes brisées, désespérées, en pleine déréliction auxquelles tous les êtres humains trahis peuvent s’identifier.
Mise en scène de Marc Paquien
La Dame de Monte-Carlo
La Voix humaine
Studio-théâtre de la Comédie-Française
du mercredi au dimanche à 18 h 30
01 44 58 98 58
18:56 Écrit par Dadumas dans culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, cocteau, poulenc, comédie-française, marc paquien | Facebook | | Imprimer