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22/09/2017

Un partage avec Jupiter

 

 

 

Les puissants ont toutes les audaces. Rien ne les arrête. Pas même les liens sacrés du mariage. Ainsi, le roi David n’hésite pas à envoyer Urie, le mari de Bethsabée se faire tuer pour lui au combat, et Louis XIV renvoie le marquis de Montespan dans ses terres afin de garder la marquise auprès de lui. Ils ont un grand exemple. Jupiter ! Oui Jupiter, le Dieu suprême chez les Grecs ! En voilà un que les scrupules n’étouffaient pas. Tombé amoureux de la belle Alcmène, le dieu se fit homme et Jupiter prit la figure du mari adoré, Amphitryon, pour la posséder sans entrave.

Théâtre, Théâtre de Poche-montparnasse, littérature, Humour, Molière, Stéphanie TessonDe cette histoire d’adultère, Plaute fit Les Sosies, Rotrou, La Naissance d’Hercule, et Molière, Amphitryon, une pièce à machines et à effets spéciaux.

Stéphanie Tesson qui met en scène Amphitryon, n’emploie nulle machine pour faire descendre les dieux sur la scène. Elle a raison. Tout y est juste, mordant et éblouissant.

Jupiter (Benjamin Boyer), et Mercure (Guillaume Marquet en alternance avec Laurent Collard) investissent  l'espace avec naturel. Ils sont chez eux, car la scène les rend divins. Les toiles de Marguerite Danguy des Déserts déploient des ciels mordorés et changeants comme l’âme des dieux et des hommes. Magnifique transposition métaphorique des mystères du monde ! La « charmante » Nuit (Christelle Reboul), véritable Reine mozartienne sort de ces voiles quand elle suspend sa marche pour complaire à Jupiter, et le brave Sosie (Nicolas Vaude) y pénètre, sa lanterne à la main.

Et, sortis de « l’étoffe de nos rêves », les personnages vont prendre chair, grâce à des comédiens exceptionnels. C’est d’abord Sosie, qui va ressentir les coups de bâton dans la sienne, car Mercure, qui a volé son apparence n’hésite pas à le rosser. Le voilà, contre son gré, serviteur de deux maîtres, lui qui n’en connaît qu’un. Au jeu des doubles, s’affrontent l’incrédulité de Sosie et la malignité de Mercure, le désarroi de l’homme et la cruauté du dieu. C’est ainsi, les dieux sont injustes et sans pitié.

Pauvres hommes, marionnettes des dieux ! Voici maintenant Alcmène (Odile Cohen), épanouie, tendre, tout de blanc vêtue, confiante, heureuse avec celui qu’elle croit être son époux et qui n’est qu’un vil séducteur. Elle aussi, un jouet du destin. Jupiter, le maître de l’Olympe ? Qu’on ne s’étonne pas que Stéphanie Tesson lui donne la physionomie du jeune Louis XIV, teint rose, perruque blonde et rhingrave pourpre et or, tel qu’il parade dans les ballets de Lully. Les mauvais esprits déjà, en 1668, ne manquent pas de voir dans la pièce une allusion à ses amours avec la Montespan, car voyez-vous, « parfois, on en cause. » Et Jupiter, n’est-ce pas, traverse les siècles…

Christine Reboul qui joue aussi Cléanthis, la prude épouse de Sosie ne comprend plus son Sosie de mari. Amphitryon (Jean-Paul Bordes), qui doutait de son valet, doute maintenant autant de lui-même que de son Alcmène, et les capitaines et archontes thébains Naucratès et Posiclès (Mathias Maréchal), Argatiphontidas et Polidas (Anthony Cochin et Yannis Baraban) convoqués pour confondre les coupables n’ont plus qu’à se prosterner devant Jupiter !

Théâtre, Théâtre de Poche-montparnasse, littérature, Humour, Molière, Stéphanie TessonAmphitryon doit admettre « un partage avec Jupiter ». Mais chut ! N’en disons pas plus ! Quand ce sont des grands qu’il s’agit : « Tout ce qu’on fait est bel et bon », et « sur de telles affaires, toujours, /Le meilleur est de ne rien dire »…

C’est pourquoi j’en appelle à tous les profs blasés, dépités, sceptiques, pédagogistes ou traditionnels, militants freinetistes et même syndicalistes ! Vous voulez que vos élèves comprennent le génie de Molière? Emmenez-les voir cet Amphitryon. Vous voulez leur faire entendre la beauté de leur langue, sa souplesse, sa musique ? Emmenez-les voir Amphitryon ! Qu’ils distinguent l’allégorie du symbole ? Emmenez-les voir Amphitryon ! Vous voulez qu’ils aient l’esprit critique sans acrimonie ? Qu’ils rient sans vulgarité ? Amphitryon ! Amphitryon vous dis-je…

 

 

 

 Photos : © Pascal Gély

 

 

Amphitryon de Molière

Mise en scène de Stéphanie Tesson

Théâtre de Poche-Montparnasse

Du mardi au samedi à 21 h

Dimanche à 15 h

01 45 44 50 21

 

www.theatredepoche-montparnasse.com

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      

28/06/2015

De rerum natura

 

Théâtre, poésie, musqué, Stéphanie Tesson, NatureTout avait commencé avec les Fantaisies potagères, à Versailles, en 2003. Puis il y eut d’autres Fantaisies, les bucoliques, les microcosmiques, les mythologiques, les gourmandes, touts crées pour le Potager du Roi, dans les dédales des vergers, au bord des fontaines, à l’abri des espaliers. Stéphanie Tesson, la metteuse en vie de ces promenades spectacles fit appel à soixante-cinq auteurs pour les imaginer.

Aujourd’hui, elle signe seule  le spectacle de Monologues en plein champ, où les choses de la Nature vous parlent de la nature des choses. Elle est à la fois auteure, et interprète. Marguerite Tanguy des Déserts les met « en images ».

Et c’est un ravissement !

Corinne Pagé a composé pour elle une robe-manteau d’un vert soyeux très tendre, peinte comme un tableau que l’École de Barbizon (ou celle de Bléneau) n’aurait pas renié. théâtre,poésie,musique,stéphanie tesson,nature,jardin de chaumont,jardins.

Accompagnée par deux musiciens qui ponctuent les saynètes avec talent et humour : Emmanuelle Huteau et Olivier Depoix, elle sera  Vent, Cloporte, Papillon, Punaise, Fourmi, Champignon Arbre (mais lequel ?), Ronce, Hibou, Ver (de terre), Mouche, Caillou, Escargot, Guêpe et même… attachée de presse citadine.

Car, voyez-vous, face à cette Nature peu disciplinée, têtue, foisonnante, l’Homme et naturellement la Femme sont des prédateurs redoutables.

L’avant-première a eu lieu Place Saint-Sulpice, dans le cadre de la Foire Saint-Germain.

Il n’y a pas de tournée !  Et pourtant ce ne sont pas les jardins extraordinaires qui manquent, en France.

Tenez, au hasard, le jardin de Chaumont qui ouvre la nuit pendant l’été, et qui avec ses illuminations, n’a pas prévu de donner la parole à ses plantes et ses arbres. Il faudrait pourtant qu'il soit "dans le Vent".

théâtre,poésie,musique,stéphanie tesson,nature,jardin de chaumont,jardins.Je lui recommande ces Monologues de plein champ, Shakespeare (Le Songe d’une nuit d’été) et Hugo (La Forêt mouillée), en seront enchantés.

 

www.phenomene-cie.fr

 

 photo : © N. D. 

Monologues de plein champ, texte paru dans la collection des Quatre-Vents, éditions de l’Avant-Scène Théâtre,  12 €. Le texte est suivi de la réédition de Cœur de laitue, une des premières pièces de Stéphanie Tesson : un petit bijou de tendresse envers les plantes.

 

26/11/2014

Deux enfants très aimables

 

 

théâtre du poche-montparnasse,littérature,stéphanie tesson,brock,stéphanie gagneuxOn connaît peu le théâtre médiéval. Il fut longtemps au Purgatoire. Les auteurs se soumettaient sans regimber à la rigueur classique des trois unités, car le mélange des genres était passible d’un anathème épouvantable ! Grâce  à l’obstination des chercheurs, et à la détermination de rares metteurs en scène, il va cette saison, renaître au Théâtre du Poche-Montparnasse.

Stéphanie Tesson se passionne depuis toujours pour ces formes méconnues, qui, du Xe au XVe siècle ont inventé notre théâtre et brassent prodigieusement la comédie, la moralité, les récits, les chants, la tragédie, la farce, la poésie, la philosophie, la musique, le sacré et le profane, afin de divertir et enseigner les hommes.

C’est avec Aucassin et Nicolette que débute le cycle médiéval au Théâtre du Poche-Montparnasse. La « Chantefable » anonyme du XIIIe siècle, « écrite dans des temps anciens », a été retraduite par Stéphanie Tesson en heptasyllabes et octosyllabes chantants et délicats. Elle la met en scène avec deux excellents comédiens, Stéphanie Gagneux et Brock, dans la tradition des tréteaux : pas de décor, peu d’accessoires et une fluidité joyeuse. Ils jouent tous les rôles (Brock fait aussi les lumières et le bruitage) dans les aventures de « deux enfants très aimables », deux enfants qui s’aiment et que la société sépare, car Aucassin est le fils du Comte de Beaucaire, et Nicolette une étrangère, captive achetée aux Sarrazins.

On entend les tambourins avant de les voir. Deux gonfanons  encadrent l’espace scénique. Ils sont d’or à rebec couplé en abîme avec flûtes.

Ils arrivent les troubadours !

Souriants, affables, ils commencent le récit, ils le scandent, ils le jouent. théâtre du poche-montparnasse,littérature,stéphanie tesson,brock,stéphanie gagneuxBrock devient le Comte Garin de Beaucaire, vieux et méchant, puis son ennemi le comte Bongard de Valence vindicatif et le père adoptif de Nicolette, un vassal obséquieux. Il sera aussi un berger jovial et madré et d'autres encore. Stéphanie Gagneux en habit bicolore asymétrique, imité des miniatures médiévales sera Aucassin côté gauche et Nicolette côté droit. (Scénographie
 et costumes : Sabine Schlemmmer).

Séparé de Nicolette enfermée dans une haute tour, Aucassin pleure. Il refuse de « prendre les armes » pour défendre ses terres, plus rien n’a d’intérêt pour lui, même pas la promesse du Paradis après sa mort. Il préfère l’enfer « où vont les belles dames, les jongleurs et les rois du siècle ». 

Ah ! si son père s’engageait à lui donner Nicolette…

Marché conclu ! Il s’élance, gagne le combat, ramène le conte Bongard de Valence prisonnier… Mais le père ne tient pas sa parole ! Et voilà Aucassin emprisonné.

Je ne vous dirai pas qu’ils se retrouveront, vous l’avez deviné. Je vous parlerai seulement des bergers et de leurs moutons bêlant, des clochettes des troupeaux, des trilles du rossignol et du hululement de la chouette, du ressac qui se fracasse contre la nef qui les emporte, des mouettes qui crient, des chevaux qui caracolent.  Et de leur amour, inébranlable.

Nicolette « au clair visage » est naturellement « de haut lignage », fidèle à son Aucassin, rebelle aux ordres du roi païen son père. Elle mène l’action dans un monde féodal où suzerain et vassaux se disputent, et où la femme doit seulement obéir.

Une bien belle lutte, toujours recommencée et ici, récompensée, car « ils vécurent longtemps entre plaisir et délices ».

Et c’est ainsi que le public « si déprimé » en entrant, « retrouve l’espoir, 
la santé et la gaieté. »

Ainsi soit le théâtre médiéval qui opère miracle ! 


 

Photo © Alejandro Guerrero.

 

Aucassin et Nicolette, chantefable anonyme du XIIIe siècle

Traduction et mise en scène : Stéphanie TESSON

 

Théâtre de Poche-Montparnasse

 

Depuis le 12 novembre et jusqu’au 4 janvier 2015


du mardi au samedi à 19h,

dimanche 17h30

Relâches : les 20, 24 Décembre et 1er Janvier


Plein tarif 24€ / Tarif réduit 18€ / Tarif jeunes -26 ans 10€


01 45 44 50 21

www.theatredepoche-montparnasse.com