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18/01/2007

Intervention désarmée

  Ils sont ouvriers en chambre. Elle, Marcinelle (Marie Dupleix) travaille la dentelle aux fuseaux, lui, Edmond (Denis Morin) peint des éventails. Petits métiers, petites gens, petite misère et grande passion. Dans la mansarde on se nourrit de pan sec et de baisers. D’espoir aussi car lui, tient un langage révolutionnaire. Il lit, il revendique. Elle l’admire. Ils souffrent ensemble. Leur petite fille est morte, à deux ans, car le médecin est venu trop tard. Aujourd’hui ils se querellent, il est jaloux, elle le surveille. Elle part livrer son ouvrage à pied par le boulevard car elle n’a pas d’équipage comme la belle Eurydice (Anne Barthel) qui gagne 50 000 F dans un beuglant à chanter et danser le folklore de sa province. Le baron de Gerpivrac (Didier Moine) ne lui refuse rien, à elle… Eurydice, qui vient chercher le châle qu’elle a donné à réparer,  entre dans la soupente et avec elle, toutes les tentations. Elle est aguicheuse, elle aurait bien « un caprice de grenier ». Edmond est ouvrier, mais n’en est pas moins homme, donc faible. Le baron parle bien, mais Marcinelle est honnête. Ce ne sera pas La Double Inconstance, mais il s’en est fallu de peu que l’un succombe et que l’autre ne se venge. On frôle la rupture. Les tourtereaux en sont déjà au partage des (non) biens quand surgit la robe blanche brodée de la petite morte. Un ange qu’il faudrait déchirer pour la partager comme dans un jugement de Salomon ou quelque cercle de craie parisien…

 

Les objets gardent-ils, mieux que les hommes, le souvenir des êtres disparus ? L’âme de l’enfant intervient-elle ? En tout cas, elle les désarme. Marcinelle pardonne à Edmond. La comédie finit dans une étreinte que la lumière cerne étroitement. La sobriété de la mise en scène de Didier Moine permet à toute l’ironie d’Hugo d’éclater. Le texte rebondit allègrement de traits critiques sur la condition féminine, la prostitution déguisée sous les oripeaux de la chanteuse, la futilité des gens aisés, en particulier ce baron que Mme Verdurin aurait certainement invité dans son salon, et qui connaît tout de la mode, des chevaux et des cours de la Bourse, mais ne veut pas donner aux pauvres, parce que « ça porte malheur au jeu ». Didier Moine charge un peu la caricature de ce snobinard coureur de jupons, mais c’est pour mieux en souligner les défauts qu’Hugo dénonce. Il lui sera vite pardonné car les trois autres protagonistes jouent parfaitement le passage du rire à la colère et des larmes à la joie. Cette Intervention est une jolie réussite, ne manquez pas la prochaine représentation !

 

 

:

L'Intervention à Créteil, le 27 janvier,

au Centre socioculturel Madeleine Rebérioux,

à 20h45, 27 avenue François Mitterrand.

Dans le cadre du festival « Hugo et égaux »

http://www.festival.hugo-egaux@laposte.net

14:50 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer

16/01/2007

Hugo et égaux

Le premier festival Hugo est ouvert. On y a associé Proust, vous le saviez déjà (note du 15 novembre 2006).

Ce soir, Rigoletto, à l'opéra de Massy, demain L'Intervention, un petit bijou du "théâtre en liberté", donné dans une jolie salle du XIIIe arrondissement, le Pavilon des ateliers, un lieu qui vaut le détour.

Et à partir de jeudi, Ruy Blas au Théâtre Mouffetard.

Les journaux n'en ont pas parlé ? Aucun des intervenants ne se présentant aux élections, et le programme ne suscitant pas des émeutes en banlieue, "Hugo et égaux" n'y a pas trouvé place.

Raison de plus pour continuer ce blog...

 

 

 http://www.victorhugo.asso.fr

festival.hugo-egaux@la poste.net

14:45 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, opéra, films, expo |  Facebook | |  Imprimer

12/01/2007

Judith ou la force fragile

 

On connaît le personnage biblique de Judith, la jeune veuve juive qui pour épargner à ses compatriotes le massacre d’une bataille inégale, s’offrit au général assyrien qu’elle décapita après une nuit d’amour. Judith inspira beaucoup les peintres, et un peu les poètes.

Jean-Paul Wenzel a mis en scène celle d’Howard Baker : Judith et le corps séparé. Holopherne (Mohamed Rouabhi) est ici un « homme hanté par la mort », et Judith (Lou Wenzel », est accompagnée d’une matrone ambiguë (Camille Grandville), mi-entremetteuse, mi-commissaire politique. C’est elle qui offre Judith au conquérant, c’est elle encore qui la rappelle à son devoir, surveille l’exécution, opère la mutilation et emballe la tête trophée. Elle ordonne et admoneste, jusqu’au retournement final, où le meurtre expiatoire accompli, Judith devient, comme les sauveurs patentés, ingouvernables. On pense à l’Horace de Corneille, et on comprend que « faisant triompher Israël, elle se l’est asservi ». Camille Grandville interprète ce personnage puissant avec un art grandiose.

Barker, comme le Shakespeare de Titus Andronicus, n’hésite ni devant le sexe, ni devant le sang. Il n’écrit pas pour les âmes pures, il écrit pour les humains ordinaires, prêts à tout pour sauver leur peau. Judith n’est ni une Médée, ni une Jeanne d’Arc. Elle n’a que la force fragile de celles qui, mues par la peur, poussées par l’instinct de vie, deviennent capables du pire. Lou Wenzel tremble et se raidit, elle n’a pas encore la sensualité mortifère de la mante religieuse, mais elle en impose dans la méchanceté finale. Elle est une Judith qui dérange, une héroïne inquiétante. Mohamed Rouabhi joue en héros mélancolique et convainc de son désespoir.

Jean-Paul Wenzel a choisi judicieusement la salle dite du planétarium pour monter ce spectacle. Le plafond a la forme de dôme voulu. On ne s’étonnera donc pas de se trouver sous les étoiles, près de la tente assyrienne ouverte (décor de Jean Haas), que les lumières de  Pascal Sautelet découpent latéralement. Témoins du crime, les spectateurs entendent les sons de Philippe Tivillier qui évoquent l’armée qui dort, puis qui s’éveille non loin de là, et ils tremblent que les deux femmes ne soient capturées. Puissante évocation qui suscite les craintes, et peut-être aussi la  pitié qui, pour Howard Barker, mène à l'amour.

 

 

 

 

 

Judith ou Le Corps séparé d’Howard Baker

Nanterre-Amandiers

Jusqu’au 11  février

 

01 46 14 70 00  

 

08:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer