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18/10/2009

Deuils

 

Nous les aimions bien.

André Benedetto avec sa combativité, son théâtre-tribune, Christian Dupeyron avec sa gueule de pirate, son inlassable activité, et Alain Crombecque, le regard clair, la parole efficace.

Le premier est mort en juillet, en plein Festival d’Avignon ! Le second, juste après.  Le troisième en plein Festival d’automne…

Ce n’est pas juste. Et c’est triste pour le Théâtre.

Quand je vois l'âge auquel ils sont partis, je me dis qu'il est temps de penser à mon urne funéraire…

18:33 Écrit par Dadumas dans culture, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, culture |  Facebook | |  Imprimer

07/10/2009

Par-delà le Mal

 

 Martin Heidegger (Didier Flamand) avait trente-cinq ans lorsqu’il devint l’amant d’une de ses plus brillantes élèves, Hannah Arendt (Elsa Zylberstein) qui en avait dix-huit. Liaison passionnée, nourrie des discussions intellectuelles qui les rapprochaient autant, sinon plus, que les échanges sensuels. Mais Martin était déjà marié, père de deux enfants. Sa femme, qu’il appelait dans ses lettres, sa « chère petite âme », Elfride (Josiane Stoléru) était bien décidée à garder son génie de mari. L’hypocrisie des mœurs fit le reste. Hannah s’effaça, changea d’université. Husserl et Jaspers devinrent ses maîtres, ce dernier dirigea sa thèse sur « le concept d’amour chez Saint Augustin ». Puis le nazisme lui interdit d’étudier, et, avant qu’on ne lui interdise de vivre, elle se réfugia en France, puis s'établit aux États-Unis. Martin Heidegger, adhère au parti nazi, et devient recteur. En 1945, avec l’effondrement du régime, il est interdit d’enseignement.

Le Démon d’Hannah commence à ce moment-là, dans une Allemagne en ruines. Michel Fagadau, le metteur en scène, recrée l’atmosphère morbide du Troisième Homme, avec une musique interprétée à la cithare, une scène partagée comme l’Allemagne. Mais ici, l’Allemagne du philosophe se trouve à cour, tandis que de l’autre côté, à jardin, on découvre les fiers gratte-ciel de New York. Tandis que Martin survit dans Fribourg saccagée, aux Etats-Unis, Hannah est chargée d’une mission d’inventaire des biens culturels juifs, après la Shoah. Elle est mariée à Heinrich Blücher (Jean-Marie Galey), un ancien spartakiste, qu’elle va abandonner le temps d’un voyage en Allemagne.

La seconde partie nous emmène dans une chambre d’hôtel, en Allemagne, où Martin la rejoint. Il ergote, il ment, il est lâche, mais il a influencé l’existentialisme, il est resté amoureux, séduisant…

Elsa Zylberstein montre un feu couvant sous la cendre. Elle s’anime au nom de Martin Heidegger. Lui pardonnera-t-elle sa veulerie, ses compromissions ? Didier Flamand en interprète sensible, laisse le spectateur dans l’ambiguïté. Antoine Rault, l’auteur, aussi. Nous n’entendrons pas Hannah condamner le totalitarisme, expliquer les origines du Mal, défendre Heidegger contre tous.

En revanche l'auteur imagine avec finesse l’affrontement entre les deux femmes. Les deux comédiennes sont superbes. Josiane Stoléru compose un personnage plein de hargne mais qui sait rester digne. Elsa Zylberstein atteint la dimension tragique.

Et cette beauté-là vaut bien qu’on s’attache à son « démon ».

 

 

Le Démon d’Hannah d’Antoine Rault

Comédie des Champs-Élysées

21 h

01 53 23 99 19

06/10/2009

Le temps d’apprendre à rire

 

 

Fred Pellerin est un conteur. Un chanteur aussi. Il nous vient du Québec.

Il entre en scène, et d’emblée, il nous est sympathique, avec sa guitare, ses cheveux fous, son pantalon écossais et l’accent de la belle province qui rappelle la France du temps où chaque région avait le sien.

Il doit être de la race des troubadours qui apportaient poésie, musique et légendes dans leurs étapes. Il chante : « La mort peut apparaître sans que vous l’attendiez », et pourtant, avec lui, la grande faucheuse n’est qu’un personnage comme les autres, parmi sa galerie.

Tous les gens de son village défilent. Le coiffeur et le « curé neuf », le forgeron et sa fille, la belle Lurette, le brasseur, et la mystérieuse dame « stroop », une « étrangère », qui défie les mœurs du bourg, et ne craint pas de braver la Mort.

Avec eux, près de Trois-Rivières, et avec lui, sur scène, toute la communauté s’agite. Il suffit de tirer le fil d’une histoire et toutes les autres fleurissent. Fred Pellerin digresse, progresse, extravague.

La langue bourgeonne de suffixes nouveaux, le verbe se conjugue à l’ancienne, le passé jamais simple devient le futur compliqué, mais ce n’est que le temps d’en rire Les cartes à jouer s’envolent, comme les papillons du hasard », et la mélancolie des légendes se teinte de joie profonde.

Est-il possible de vaincre la Mort ? Sans doute, puisque les histoires de sa grand-mère courent toujours. Et ces dates gravées sur les pierres tombales ? Ce ne sont pas les dates de mort, « ce sont des légendes qui viennent au monde ».

Car Fred Pellerin est aussi un philosophe…

 

 

 

 

L’Arracheuse de temps de et avec Fred Pellerin

Théâtre du Rond-Point

Jusqu’au 31 octobre

01 44 95 98 21

à 18 h 30