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13/04/2013

Qui va payer ?


 

 

 

Qui, dès 1973, parlait de « délocalisation  d’usines », de « chômage »,  de « travailleurs pauvres » « menacés d’expulsion », de subventions détournées vers des « comptes en Suisse » ? Les syndicats ? Les gouvernements ? Non, ils étaient occupés par « les compromis historiques ».

Ce n’était pas un élu ni un économiste.

théâtre,dario fo,théâtre 71,politiqueC’était un saltimbanque : Dario Fo, auteur, acteur, à cette époque écrivait : Non si paga ! Non si paga ! (traduit par Faut pas payer, ou On ne paie pas ! On ne paie pas !) une farce subversive  qui dénonçait déjà ce qui constitue notre sinistre actualité.

Antonia (Brigitte Rosset) et Margherita (Camille Figuereo), femmes de syndicalistes purs et durs, Giovanni (Juan Antonio Crespillo) et Luigi (Mauro Belluci) n’ont plus assez d’argent pour payer le loyer, le gaz et l’électricité. Et voici que les prix, au supermarché ont encore augmenté.

Comment se nourrir ?

Puisque leurs maris sont « sous-payés », les femmes qui venaient s’approvisionner, excédées, répondent qu’elles ne paieront pas !  Antonia est de ces révoltées, « pour une fois, on était toutes ensemble ! ». Elle a donc rempli ses sacs.  Elle demande à Margherita de l’aider à les cacher car Giovanni est un « légaliste » qui veut demeurer « pauvre mais honnête », et elle ne pourra pas lui faire croire qu’il s’agit de « bons d’achats ».

Mais la police perquisitionne, Giovanni rentre plus tôt, et après avoir dissimulé quelques sacs sous le lit, Antonia n’a qu’une solution, cacher celui qui reste sous le manteau de Margherita. Elle sera « enceinte ». Surprise de Giovanni, soupçons du brigadier (François Nadin qui joue le policier, le gendarme, puis le père), panique de Luigi, le mensonge grossit, la démesure enfle, les protagonistes courent, le plateau bascule (Scénographie : Christian Taraborrelli), la société tangue et les spectateurs hurlent de rire.

Tout est gris sur scène, les costumes (Claude Rueger) et le décor métallique, tout s’assombrit (Lumières  : Allegra Bernacchioni) peu à peu quand « le capitalisme croule » sur les travailleurs, les premières victimes. Giovanni et Luigi se retrouvent au chômage. Alors qui va payer ? Qui doit payer ? 

 Dans la version française de Toni Cecchinato et Nicole Colchat, le metteur en scène ajoute une référence au Quatrième Etat, ce tableau de Pelizza de Volpedo, auquel Bernardo  Bertolucci empruntait son image pour Novecento (1900) en 1976. La mise en scène  de Joan Mompart montre ainsi crûment la régression de nos sociétés.Dario Fo, Théâtre, Théâtre 71,

Dario Fo n’hésitait pas à rappeler la peinture de la misère chez Ruzzante, et, dans la commedia dell’ arte,  les terribles faim du Zanni (diminutif de Giovanni) ou d’Arlequin. Ces derniers mangeaient des mouches,  Giovanni et Luigi, qui  ont des vies de chien, finissent par dévorer des boîtes de pâtées pour animaux.

Les femmes trouvent des expédients à défaut de solutions car Dario Fo ne prétend pas résoudre la crise. Il appelle à la réflexion, à la critique, à l’union, contre la passivité, la crédulité, la résignation.

Et si les seuls remèdes étaient la désobéissance civile et le rire ?

 

 

Photo ©Carole Parodi.


On ne paie pas ! On ne paie pas ! de Dario Fo

version française de Toni Cecchinato et Nicole Colchat,

Théâtre 71 jusqu’au 25 avril

01 55 48 91 00

« Autour du spectacle »

Le 20 avril au foyer-bar, à 17 h, lecture d’Histoire du tigre dirigée par François Leclère, avec Gérald Maillet

 

 

 

 

 

 

 

 


15/03/2013

Le Capital selon Dario Fo

 

 

 

théâtre,dario fo,théâtre 14La pièce s‘ouvre avec le bruit lugubre du klaxon d’une ambulance, et la première partie se déroule à l’intérieur du « complexe de réanimation » au milieu duquel se dresse le buste du généreux donateur, Agnelli, patron des usines Fiat.

Au service des urgences, on accueille, avec beaucoup de ménagements, Rosa (Céline Dupuis) une petite bonne femme qui doit identifier un homme dont l’état est critique. Brûlé, cassé, défiguré, le malheureux, déposé anonymement à l’hôpital, était roulé dans la veste d’un certain Antonio (Gilles Ostrowsky) son mari, ouvrier chez Fiat. Il est méconnaissable, enveloppé de bandelettes comme une momie vivante ! Et il faudra que Rosa apporte des photos au médecin (Anne Dupuis) pour que la chirurgie réparatrice lui reconstruise le visage.

théâtre,dario fo,théâtre 14Vous croyez assister à une tragédie ? Pas du tout ! Vous êtes dans la farce. Antonio n’est pas celui qui gît, pantin disloqué, dans le lit d’hôpital. Il est celui qui a arraché l’inconnu aux flammes, l’a amené aux urgences, avec sa propre veste où il a laissé… ses papiers, avant d'aller rejoindre la camarade Lucia (Milena Esturgie) sa maîtresse. Celle-ci, bien informée, lui apprend que le blessé est en réalité l’héritier Agnelli, qu’un commando venait d’enlever. La tentative de séquestration a mal tourné, et le véritable Antonio ayant sauvé son patron, devient un clandestin.

Un commissaire (Gérald Cesbron) borné et une juge (Milena Esturgie) obstinée aggravent la situation rocambolesque, quand, après des mois d’hospitalisation, de rééducation, Agnelli se retrouve avec « une tête de guignol », et Rosa avec deux Antonio.

Dario Fo fait courir allègrement Antonio et son sosie, et tourner en bourrique flics et médecins. Il réécrit, sur le mode grotesque l’enlèvement d’Aldo Moro, stigmatisant les négligences coupables de l’État, et la responsabilité du gouvernement.

théâtre,dario fo,théâtre 14Agnelli demande : "Vous n'avez jamais lu Karl Marx ?" et tonne "Je suis le Pouvoir !"  et Le Capital selon Dario Fo, se révèle beaucoup moins ennuyeux que celui de Karl Marx.

Nous avions, à la création, (novembre 2010) rendu compte de la mise en scène de Marc Prin et dit tout le bien que nous pensions de l’œuvre*. Elle semble un peu à l’étroit au Théâtre 14. Mais si tu n’as pas pu aller à Dario Fo, à Nanterre, Dario Fo est venu à toi et tu en sortiras ragaillardi.

 

 

 

Photos :© Franck Treboit.jpg

 


Klaxon, Trompettes… et pétarades  de Dario Fo

Théâtre 14

Jusqu’au 27 avril

01 45 45 49 77

ma, ve, samedi à 20 h

me et je à 19 h

samedi à 16 h

  

* Archives du blog 22/11/2010 -  Trompettes d'alarme


19/02/2010

Le peuple des Évangiles

 

 

 

Vous savez tous que le Théâtre, en France, est né dans une église. À Saint-Benoît-sur-Loire, une aube de Pâques, au Xe siècle, les moines, déguisés en saintes femmes, ont joué la Résurrection du Christ dans la langue du peuple, afin que celui-ci en comprenne le Mystère Glorieux.

Ce mercredi des Cendres, en 2010, Dario Fo a fait entrer le peuple des Évangiles à la Comédie-Française avec Mystero Buffo qui raconte, à la manière des petites gens, les mystères lumineux, et les mystères douloureux tels qu’ils les ont vécus. Muriel Mayette, en les mettant en scène ressuscite la tradition du jongleur.

Catherine Hiégel, Véronique Vella, Christian Blanc, Alexandre Pavloff, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Christain Hecq seront les jongleurs, conteurs de ces épisodes. Vêtus de noir, pantalon et pull (Costumes Virginie Merlin), ils évoluent sur une scène resserrée, nue et claire, devant un salle semi éclairée. Comme sur un tréteau, ils prennent à témoin le public, le sollicitent.

Catherine Hiegel ouvre le ban, expliquant ce qu’est un mystero buffo : « mystère grotesque », moyen d’expression du peuple, moyen de provocation, de libération.

Puis viendra Christain Hecq, pour raconter un mystère lumineux : la résurrection de Lazare, non pas tels que les évangélistes la disent, mais tel que le gardien du cimetière a pu la vivre, avec ses petits trafics, « Les miracles, ça marche très fort ! » et cette foule d’anonymes, badauds, convaincus, incrédules, râleurs, et vide-gousset…

Entre les deux récits, le fond de scène s’illumine, la salle s’éteint, (scénographie et lumières : Yves Bernard) et le Christ vit la Passion, dans des tableaux vivants et colorés empruntés à l’iconographie chrétienne, joués par les élèves-comédiens de la Comédie-Française : Camille Blouet, Christophe Dumas, Florent Gouëlou, Géraldine Roguez, Chloë Schumtz, Renaud Triffault, illustrés d’une musique d’Arthur Besson.

En marge de cet évangile apocryphe, Hervé Pierre nous enseignera la règle de Saint-Benoît, il sera aussi le jongleur final, celui par qui tout le théâtre peut commencer. Et nous apprendrons aussi avec Alexandre Pavloff comment le fou essaya de d’empêcher la Mort de prendre Jésus, comment les femmes retinrent Marie pour qu’elle ne voie pas à la crucifixion de son Fils, comment Marie y assista, chassa l’ange Gabriel, et comment Jésus lui demanda de se résigner…

Le Stabat Mater que joue alors Catherine Hiegel a de quoi bouleverser les plus mécréants.

Mais entre Gethsémani et Golgotha, Véronique Vella, Yves Gasc, Christian Blanc et Stéphane Varupenne racontent des épisodes plus païens et grotesques, fabliaux scatologiques, scènes d’inversion des rôles : l’énorme rire de Rabelais, l’érotisme de Boccace participent du théâtre de Dario Fo.

Les comédiens se plient avec bonheur à toutes les énormités.

On rit, on s’émeut, on comprend « comment ça s’est passé ».

 Iconoclaste Dario Fo ? Non au contraire, il sacralise le peuple.

 Il n’y a pas de blasphème dans ses tableaux gouailleurs, juste un immense amour de l’humanité.

 

 

 

 

Mystero Buffo et Fabulages de Dario Fo

Comédie-Française

Salle Richelieu

0825 10 16

Rencontres avec Dario Fo : 25 mars, 5 et 27 mai à l’Institut culturel italien.