05/09/2016
Balade hugolienne
Julien Rochefort aime Victor Hugo. Il a choisi de le faire découvrir, avec le Voyage aux Pyrénées, celui de 1843, qui, commence le 20 juillet sur un ton primesautier, et s’interrompt brutalement à Rochefort, le 8 septembre, à la lecture du Siècle, qui relate la mort de Léopoldine.
Le « voyage » est un genre très en vogue depuis que Chateaubriand a relaté les siens. Charles Nodier et le baron Taylor en ont fait une Tradition. Le narrateur feint de s’adresser à des correspondants et leur communique ses « Impressions » comme Théophile Gautier, ses « Notes » comme Prosper Mérimée, ses « Souvenirs » comme Alexandre Dumas. En 1842, Victor Hugo a publié les siens avec succès, dans le Rhin. En 1843, il s’échappe de Paris, de sa famille, comme tous les ans (ou presque) avec Juliette Drouet, et s’il n’en parle jamais, on sait, par le journal de cette dernière, comment il apprend le drame de Villequier.
Sylvie Blotnikas adapte et met en scène Pyrénées ou le voyage de l’été 1843. Julien Rochefort est le narrateur. Sans décor, sans accessoire, le comédien évolue sur un plateau nu. Il donne au texte de Hugo ce ton est enjoué, malicieux, aimable et souvent gentiment moqueur avec les compagnons de voyage, et les gens qu’il rencontre.
On regrette de ne pas retrouver, dans l’épisode des baigneuses de Biarritz, l’apparition de la baigneuse qui chante « Gastibelza l’homme à la carabine », et dans celui de Pasages, la surprenante rencontre avec les bateleuses. Et, puisque l’adaptation conserve avec intelligence l’invention de Hugo qui tente de voyager incognito, de Bordeaux à Bayonne, pourquoi ne pas garder celle de Cauterets où il se fait inscrire aux thermes sous le nom de Michel ou Michelet ou Michelot, un homme qui tient « si peu à son nom » ?
Mais nos réticences sont bien minces devant le bonheur d’entendre cette prose superbe, aux accents de « prémonition proustienne » (Claude Gély).
Le voyage aux Pyrénées, conçu pour aller prendre les eaux à Cauterets, serpente sur les routes de France, s’égare sur les chemins d’Espagne. On y croise des paysans et des bourgeois, de jolis femmes et des caractères singuliers. L'auteur nous parle de l'actualité, de l'Histoire, et analyse le travail de la mémoire, les rapports au paysage, aux objets, aux sons.
Sylvie Blotnikas et Julien Rochefort nous offrent là une balade hugolienne pleine de charme et de délicatesse.
Photo : © Fabienne Rappeneau.
Pyrénées ou le voyage de l’été 1843 de Victor Hugo
Adaptation et mise en scène de Sylvie Blotnikas
Théâtre du Lucernaire
Jusqu’au 8 octobre
Du mardi au samedi à 19 h
14:13 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Littérature, Livre, Shopping, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, victor hugo, julien rochefort, sylvie blotnikas | Facebook | | Imprimer