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30/03/2009

Du texte à la scène

 

 Certains universitaires prétendent encore que la mise en scène date de Meyerhold. Mais les hugoliens savent bien le soin que Dumas, Vigny et Hugo déployèrent à diriger les comédiens de leur époque, à exiger d’eux plus de naturel. On parle des démêlés de Hugo avec Mademoiselle Mars, la diva de l’époque. On connaît (un peu) le procès que fit Mademoiselle Maxime à qui il avait retiré le rôle de Guanhumara.

C’était avant l’exil. Il n’était que « l’auteur ». En 1872, il est devenu « le maître ». Son génie n’est plus contestable. Et pourtant, Mounet-Sully (Yann Coeslier) discute point par point l’interprétation qu’il doit donner de Didier, d’Hernani, de Ruy Blas. Mademoiselle Sarah Bernhardt (Virginie Kartner) y met plus de ruse, quant à Mademoiselle Favart (Sylvie Guicheny), elle est trop amoureuse pour marchander. Et Julia Bartet (Laetitia Chauveau), et Albert-Lambert (David Marquet) qui n’ont pas connu le maître, contrediront, plus tard… Mounet-Sully.

Danièle Gasiglia-Laster qui connaît parfaitement son sujet s’inspire des répétitions de Marion Delorme, Hernani, et Ruy Blas, chroniquées par les comédiens et les témoins de l’époque dans diverses biographies : Paul Meurice (Jérôme Keen), Émile Perrin (David Marquet), Febvre (Karim Melayah). Tout est authentique.

« Le maître » (Jean-Paul Zennacker, qui met aussi en scène), infatigable septuagénaire, séducteur impénitent, explique, réfute, écoute, et finit par admettre que Mounet-Sully a son génie propre, différent de celui de Frédérick Lemaître, qu’il le sert avec talent, ainsi que Mesdemoiselles Sarah Bernhardt, et Favart.

Ce n’est pas un collage de documents, mais une véritable dramaturgie qui permet aux amoureux du théâtre de comprendre le travail que font les comédiens, du texte à la scène, pour construire leur personnage, le définir, l’incarner. On y apprend aussi le rôle d’un auteur qui ne se contentait pas d’écrire, mais qui souhaitait un théâtre nouveau, une société de progrès, un rayonnement de l’art. 

Jean-Paul Zennacker sert fidèlement son personnage et son auteur. Il  a découvert de jeunes comédiens prodigieux pour interpréter les acteurs, les amis de Hugo ainsi que ceux crées par Danièle Gasiglia : la servante (Sophie Bezançon), le médecin (Jo Saint-Vallier). Il les conduit avec fermeté dans un espace sans décor qui évoque les salles de... répétitions. De la belle ouvrage !

Les trois représentations programmées sur la région parisienne sont terminées, mais Jean-Paul Zennacker qui dirige la Maison de l’Acteur en région centre, promet qu’il y en aura d’autres. On l’espère pour cette très fine comédie.

 

 

 

 

 

 

Répétitions mouvementées

de Danièle Gasiglia

création le 24 mars à Créteil

Reprise en tournée, région centre

14:49 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, hugo |  Facebook | |  Imprimer

27/03/2009

Un moment de grâce


Elle a le nez mutin, l’œil malicieux, la bouche comme une cerise, et elle chante ! Anne Baquet, n’est pas « une voix de garage », mais une soprano futée et fruitée. Elle navigue, du grand air d’opéra (Rachmaninov, Rossini, Gounod) aux mélodies de Poulenc, s’égaie dans les chansons coquines, et elle nous enchante. Elle garde des allures de petite fille modèle, avec le gros nœud de ruban noir cousu dans le dos de son sarrau. Elle a remplacé ses pantalons de broderie anglaise par un caleçon de jersey noir et, féline, fait ses griffes sur le pianiste. Elle a des gestes de ballerine. Elle joue aussi du piano, seule, ou à quatre mains avec Grégoire Baumberger son accompagnateur, qu’elle tyrannise. Elle danse aussi, car sa metteuse en scène est chorégraphe et lui fait dessiner de délicieuses arabesques dans les lumières de Jacques Rouveyrollis.
Bref, c’est un moment de grâce absolue, où le monde paraît soudain plus léger. Anne Baquet a plus d’un « sourire à (nous) donner », et quand elle dit qu’elle « ne (veut) pas chanter, nous, nous ne voudrions pas qu’elle nous quitte…

 


« Non, je ne veux pas chanter »
Anne Baquet
Théâtre du Ranelagh
Du mercredi au samedi à 21 h
« brunch » à 11 h le dimanche

Un émouvant reflet

Olivia (Amélie Abrieu) était une jeune fille hardie et sans préjugé. Elle avait aimé un rapin bohème, cubiste, cynique et misogyne. Elle découvrit que la peinture pouvait être figurative, et rémunératrice avec Jean Damiane, un peintre très en vogue. Elle voulut devenir  « le centre radieux de la vie de ce peintre-là ». Il l’épousa. Elle lui fit des enfants. Il peignit d’elle un portrait qu’elle détestait. Elle ne se reconnaissait pas dans La Jeune Fille à son miroir, figure narcissique exécrable qu’elle pensa même détruire.

Les_deux_Olivia_Berengere_Dautun_et_Amelie_Abrieusmall.jpgJean aimait peindre les femmes.

Elle devint son agent.

Pendant des années, elle organisa les expositions, négociant les pourcentages : « mon Jeannot a beaucoup vendu », s’occupant de l’intendance, des relations, évitant au créateur « vagues de manipulations et ressacs de mauvais coups » et déception de voir ses enfants « dans la meute contre le père. »

Mais un jour qu’elle s’était montrée trop critique, le génie, lassé, la quitta sans un mot, ne lui  laissant qu’un compte en banque bien garni. Ce qui n’est déjà pas si mal, bien des femmes plaquées vous le diront.

« Insondable le mystère d’un homme », qui pendant trente-cinq ans ne donne plus signe de vie, mais qui lègue toutes ses toiles à son épouse ! C’est cette Olivia-là (Bérengère Dautun) qui parle ce soir à la télévision, pour interpeller ses enfants, rendre hommage au peintre démodé, au mari qui était parti chercher la paix au Congo, et qui, parmi les portraits des femmes noires, refit de mémoire, le portrait d’une blanche  qu’il ne pouvait oublier.

On connaît la Jeune Fille au miroir, le tableau du Titien  avec cette Vénitienne sensuelle qui possède tous les canons de la beauté de l’époque. Cette image a aussi inspiré les romanciers*. Aujourd’hui, Alan Rossett  en fait une jolie comédie, où la jeune fille impatiente s’efface devant la femme, toujours belle, toujours caustique qui défie les modes et le temps. Dans le décor de Catherine Parmentier, les toiles du maître occupent la moitié de l’espace. La coiffeuse d’Olivia illumine le côté cour. L’auteur peint avec humour les deux visages du même personnage, et les deux comédiennes en donnent un émouvant reflet.

 

 

* La Jeune Fille au Miroir, Claude Vela 1949,  

La Jeune fille au miroir vert,  Elizabeth McGregor, 2005

 

 

La Jeune Fille à son miroir d’Alan Rossett

Studio Théâtre 77

09 52 44 06 57

www.lestudio77.com