19/03/2017
Notre ami Fellag
En 2003, a été créé le Prix Raymond Devos de la langue française. C’est une récompense attribuée chaque année à un artiste « dont l’œuvre ou l’action contribue au progrès de la langue française à son rayonnement et à sa promotion ».
Et savez-vous qui a été le premier artiste à l’avoir reçue ?
Un certain Mohand Saïd Fellag qu’on appelait Mouloud dans son village d’Azeffoun, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, du temps où l’Algérie, c’était la France.
Il avait choisi l'exil en 1995, et il était devenu Fellag, un humoriste qui n’épargnait ni les politiques, ni les religieux, et transformait ses angoisses en scènes de dérision, et les folies de ce monde en tableaux comiques. Un ami, puisqu'il nous faisait rire de nos cauchemars. Il osait parler de la vie dans le bled, évoquer la colonisation, l’indépendance, les espoirs et les désillusions.
Il donne en ce moment au Rond-Point, Bled Runner, un florilège de ses œuvres, et à l’heure de « la clause Molière », mêle le bon français à des parlers populaires, et lance en arabe des réflexions qu’un public totalement bilingue comprend avant nous.
Pas de tabous ! Il y a des « musulmans protestants » qui savent s’adresser à Dieu directement. Pas de repentances ! « Vous avez raté votre colonisation, nous avons raté notre indépendance, on est quittes ». Pas de pitié pour les imbéciles, et ils sont nombreux ceux qui l’ont cerné, et nous cernent aujourd’hui encore.
Il évoque son enfance, et fait revivre le petit Mouloud qui ne comprend que le berbère dans une école où l’on parle le français et l’arabe. Et ces étonnements enfantins deviennent les nôtres. Il raconte sa stupéfaction en voyant arriver dans ses montagnes, des « Français », soldats tirailleurs sénégalais et musulmans, qui précèdent de quatre mois les « vrais Français », des paras : « ils n’étaient pas noirs et ils étaient méchants ». Il dit l’isolement du village, les femmes entre elles, les familles et l’autorité du père qui plombe toute relation.
Oui, c’est vrai, il raconte encore et toujours son univers. Beaucoup d’auteurs sont ainsi, et c’est pour ça qu’on les aime. Molière nous raconte les médecins prédateurs, Feydeau les maris infidèles, Grumberg la douleur de l’enfance saccagée et Fellag le rêve d’une réconciliation des peuples.
Marianne Épin, qui le met en scène, a soigneusement choisi les textes. Elle le fait apparaître dans une djellaba sombre, coiffé d’une chéchia, qu’il dépouille pour revenir à son pantalon large, ses allures de Scapin. Les lumières de Pascal Noël soulignent les changements de lieux, sans qu’un décor construit paralyse le récit. C’est une réussite !
Oserais-je dire qu’on rit, beaucoup, sans remords, avec pou seul regret de voir le spectacle finir ?
Fellag, reviens-nous vite ! Fais nous croire que la haine ne gagnera pas son pari stupide…
Fellag Bled runner
Théâtre du Rond-Point
Jusqu’au 9 avril à 18 h 30
01 44 95 98 21
Tournée
15 AVRIL 2017 - BEAUNE (21)
22 AVRIL 2017 - VILLENEUVE-SAINT-GEORGES (94)
25 — 27 AVRIL 2017 - Nîmes (30)
28 AVRIL 2017- PORT-DE-BOUC (13)
2 MAI 2017 - MÉRIGNAC (33)
3 ET 4 MAI 2017 - BLAGNAC (31)
9 MAI 2017 - LE-BLANC-MESNIL (93)
11 MAI 2017 - GRENOBLE (38)
20 MAI 2017 - VILLEPARISIS (77)
23 MAI 2017 - ANTIBES (06)
14 — 17 JUIN 2017 - BRUXELLES (BELGIQUE)
24 ET 25 JUIN 2017 - LES NUITS DE FOURVIÈRE / LYON (69)
18:27 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, langue, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre du rond-point, fellag, marianne epin | Facebook | | Imprimer
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