09/02/2007
Une auteure à découvrir
On voit quelquefois des pièces de théâtre dont le succès doit plus à leurs interprètes qu’à leur auteur. L’intrigue brinqueballe, l’action se délite, les personnages s’égarent. Aussi, quel bonheur pour le spectateur, de découvrir un texte où l’intrigue rebondit d’elle-même, où l’action reste en suspens jusqu’à la dernière minute, où les personnages maîtrisent leurs ambivalences et leurs contradictions jusqu’au bout ! C’est ce qui se passe aujourd’hui avec L’auteure de Anne Fabien, une jeune auteure qu’il faut se hâter de découvrir.
La situation de départ est assez banale : Philippe, un cinéaste (Nicolas Vial) reçoit une Elsa, une jeune comédienne (Laure Dedieu) pour un essai. Il s'agit de tenir le rôle titre dans une saga consacrée à une héroïne de la Résistance amoureuse d’un officier allemand. Mais les personnages sont doubles, voire triples, et le doute s’insinue. Le spectateur n’est pas au bout de ses surprises.
Les deux comédiens qui occupent le plateau sans discontinuer rendent vraisemblables chacune des incarnations. Laure Dedieu joue pour la première fois à Paris, elle est extraordinaire de naturel. Son partenaire a plus de métier, et tous deux forment un couple idéal, naviguant entre douceur, angoisse, méchanceté, humour… Bruno Balp les a dirigés avec fermeté et sobriété, dans cette comédie grinçante, solidement construite, et passionnante de bout en bout. Jean-Baptiste Manessier avec un décor élémentaire dessine un univers où ne manque aucun accessoire.
C’est une excellente soirée qui mérite le déplacement vers l’Aktéon.
C’est un petit théâtre ? Oui, où est le problème ?
L’auteure de Anne Fabien
Aktéon Théâtre
du 7 février au 10 mars
01 43 38 74 62
Du mercredi au samedi à 21 h 30
21:10 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer
Irrésistible jalousie
Vous vous souvenez certainement d’Albert, ce bourgeois qui convoite une décoration et qui, parce qu’il a été infidèle, soupçonne Marthe, sa femme, tant et si bien qu’il finit par la pousser dans les bras de Lézignan. Vous vous rappelez la dernière réplique : « Ça y est… je le suis ! » et sa joie d’être... décoré enfin, tandis que la salle s’esclaffe parce que « Ça y est, il l’est… cocu ». C’était irrésistible et Sacha Guitry, avec Jalousie donnait une de ses plus belles comédies.
Aujourd’hui, les bobos travaillent, et dans Irrésistible, Fabrice Roger-Lacan imagine un jeune avocat et sa compagne, une jeune éditrice passionnée par l’auteur qu’elle va éditer. Que croyez-vous qu’il advienne ? Lui est de ces jaloux à « la cervelle malade de taliban napolitain », qui se transforme en juge d’instruction, en psychiatre fouineur, et torture sciemment une femme jusqu’à ce qu’elle craque. Et Elle part, avec l’autre… Car aujourd’hui, les femmes sont libres. « Quel con ! » se dit trop tard, le jaloux… Heureusement, le travail l’occupe, et le procès du Mexicain cannibale lui sert de divertissement pascalien… Mais rassurez-vous, Elle revient. Dix mois plus tard, mais qu’importe, puisqu’ils retombent dans les bras l’un de l’autre, irrésistiblement.
Virginie Ledoyen donne à son personnage fraîcheur et sensualité, et Arié Elmaleh met beaucoup d’élégance dans sa cruauté. Isabelle Nanty les dirige avec art dans le décor d’Édouard Laug : une pièce lumineuse en pan coupé, sorte de mirador d’où le jaloux peut épier les deux côtés de la rue. Une bande son rythme les scènes avec le bruit amplifié des battements de cœur déclenchés par les poussées d’adrénaline, quand l’émotion de l’accusateur est à son comble. L’auteur abuse un peu du téléphone et les conversations croisées de la dernière séquence finissent par parasiter la compréhension, mais n’en est-il pas de même dans la rue, l’autobus, le bureau, et même chez soi, aujourd’hui ? Et il faut bien aider un peu l’action qui, avec seulement deux personnages, a besoin de relais extérieurs. La comédie est habile et les comédiens… irrésistibles.
Irrésistible de Fabrice Roger-Lacan
Théâtre Hébertot
01 43 87 23 23
11:05 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer
07/02/2007
Le Off de Paris
Art Nécro ? Non, ce n’est pas la nécrologie du Théâtre qu’annonce Tallia, un nouveau lieu situé dans le XIIIe arrondissement, mais plutôt la volonté de le faire vivre dans de petites salles de quartier, imaginant ainsi des lieux de rencontres, des espaces conviviaux, des tremplins pour de jeunes compagnies à la recherche d’un public.
Catherine Morela, y présente Art Nécro. C’est sa première pièce. Elle a choisi le genre policier, cher à Robert Thomas. Beaucoup de cadavres, mais pas d’inspecteur. Ce n’est pas la recherche du criminel qui l’intéresse, mais la raison pour laquelle il tue.
Près de la douce Marion (jouée par l’auteur) qui court après l’amour, se dresse l’ambitieuse Élise qui court après la gloire et a organisé un festival sur une île presque déserte. Avec l’arrivée d’un couple qui n’était pas invité, le beau jeune premier Rocco (Loïc Porteau) et une jeune réalisatrice Agate (Isabelle Lavilette), la belle organisation se détraque, et tourne au drame.
Nous n’en dirons pas plus sur l’intrigue, il ne faut jamais dire qui est l’assassin. Ne parlons que de la jeunesse de la troupe et de la sympathie qu’elle dégage. C’est un peu Avignon Off en plein Paris. L’auteur a le sens du suspens et sait manipuler les êtres qu’elle imagine. Les acteurs qui se sont connus au cours Florent, cherchent encore un peu leur rythme, mais ils ont de la présence, du charme, et le métier s’acquiert en jouant, n’est-ce pas ? Il faut donc occuper la scène, répéter, se montrer, travailler, quoi ! C’est ce qu’ils font, et sans autre prétention que de vous divertir. Ils y réussissent.
Art Nécro de Catherine Morela
Tallia théâtre
40 rue de la Colonie
75013 Paris
www.talia.fr
10:55 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer