Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/09/2017

Loin de Venise

 


théâtre,théâtre la bruyère,eric bouvron,marco poloEn ce temps-là on n’avait pas encore découvert l’Amérique, mais on cherchait déjà à développer le commerce. Et ce furent des marchands qui dessinèrent les premières cartes des continents. Le Livre des merveilles de Marco Polo fut le livre qui accompagna Christophe Colomb dans sa traversée de l’Atlantique et la carte du monde connu fut établie selon son récit. On dit aussi qu’il fut « missionné » par le pape qui, afin de lutter contre l’expansion de l’islam, cherchait à rallier le grand Mogol, sur les terres duquel les « chrétiens syriaques » étaient établis. C’était au XIIIe siècle. Et le jeune Italien, loin de Venise, envisageait déjà « la mixité des peuples. »

Éric Bouvron, qui adapta Les Cavaliers de Kessel avec une virtuosité rare, s’inspire des mémoires de Marco Polo et en particulier du moment où Kubilaï Khan (Laurent Maurel), le Grand Khan, petit-fils de Ghengis Khan, accueille le jeune homme (Kamel Isker en alternance avec Eliott Lemer) à sa Cour dans Marco Polo et l’Hirondelle du Khan.

théâtre,théâtre la bruyère,eric bouvron,marco poloL’Hirondelle (Jade Phan-Gia) ? C’est la quatrième épouse du souverain. Elle lui a été donnée en gage de paix par le souverain d’une province de Chine. Elle est belle, elle danse bien. Marco est séduit. Il ne résiste pas longtemps à ses avances et ravit le « trésor le plus précieux » du Khan.

Un habile dispositif scénique supprime la contrainte des différents lieux. Une chanteuse (Cécilia Meltzer), d’une chaude voix de mezzo-soprano, interprète la mélopée d’un ange annonciateur un peu gardien aussi. Deux musiciennes (Ganchimeg Sandag et Bouzhigmaa Saantaro) constituent un chœur mongole qui accompagne et commente les séquences sonorisées par Didier Simione. théâtre,théâtre la bruyère,eric bouvron,marco poloLes costumes de Sarah Colas suggèrent la richesse de l’Asie. Le Grand Khan est brutal, cruel, autoritaire, mais il sait où est son intérêt. Son épouse est lascive, le jeune Italien irrésistible.


Le spectateur se laisse fasciner par l’étrangeté du voyage.

Dans ce face à face entre l’Orient et la chrétienté, Éric Bouvron imagine les rapports humains, les ruses, les désirs. Et le conquérant n’est pas forcément du côté du pouvoir politique.

 

Photos © Marc O Carion.

 

 

Marco Polo et l’Hirondelle du Khan écrit et mis en scène par Éric Bouvron

Depuis le 13 septembre

Théâtre la Bruyère

01 48 74 76 99

Du mardi au samedi à 21 h

Matinée samedi à 15 h 30

13/09/2017

 Vaincre ses préjugés

 

 

 

danse, Théâtre du Rond-Point, Hillel KoganHillel Kogan est en scène, en équilibre, immobile dans un rond de lumière (lumières Amir Castro). Puis lentement il vient vers nous et la lumière monte et s’élargit. Il nous explique qu’il « aimerait partager » avec nous les questions qu’il se « pose dans son processus de création ». L’élocution est hésitante, il ne termine pas ses phrases, semble chercher les mots qu’il remplace par des gestes. Il théorise les rapports de la danse et du sol et montre « comment l’espace se laisse pénétrer par le corps ». La plateau est vide mais il affirme que l’espace est arabe ». Il est israélien, il est  « de gauche. »

Et voici que se présente Adi Boutrous. – « C’est arabe ? » - « Oui » répond sobrement Adi qui sera son partenaire dans le travail de création. « Moi je suis dans le rôle du juif. » dit Hillel. Comment montrer clairement l’identité ? L’étoile juive et le croissant ? Et tant pis si Adi est chrétien.

Ils vont danser, pour montrer « l’unisson du mouvement », prouver qu’ils sont deux artistes et qu’importent les religions, les nations et les races ! Adi est un taiseux. Hillel est devenu volubile. Il cherche les figures, les explique, ratiocine à l’envi. Adi exécute, mutique, le regard ironique. Le summum est atteint quand Hillel présente le « houmous », cette purée de pois chiches très orientale, comme « un lien sacré. »danse, Théâtre du Rond-Point, Hillel Kogan

Mais enfin Hillel abandonne ses préjugés. Ils dansent, dans une symétrie parfaite, une fluidité harmonieuse où s’enchaînent les glissades, les déroulés-enroulés-développés, les balancés, les équilibres et les portés.

La danse semble alors élaborer une coexistence pacifique et abolir les murs des frontières ? Il a été créé en 2013 à Tel Aviv, et depuis, il tourne.

Hillel Kogan serait-il cet artiste universel dont nous rêvons tous ?

 

Photo : © Gadi Dagon

 

We love Arabs texte et chorégraphie de Hillel Kogan

Théâtre du Rond-Point

Jusqu’au 8 octobre à 18 h 30

01 44 95 98 21

Ensuite tournée internationale jusqu’au 28 juin 2018

En Australie, en Belgique, mais aussi en Touraine, en Anjou, en Vendée, en Poitou… Renseignez-vous.

www.theatredurondpoint.fr

 

 

08/09/2017

Honnis soient qui mâles y pensent !

 

 

Vous pensiez qu’après Les Travailleurs de la mer et les pages sur l’île de Serq, Victor Hugo vous avait tout appris sur les îles anglo-normandes. Mais vous ne connaissiez pas encore Les Deux Frères et les Lions de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre qui s’inspire d’une histoire vraie. Il vous raconte, comment des frères jumeaux anglais, devenus milliardaires, ont remis en cause presque cinq cents ans de droit féodal régissant l’île de Brecqhou (qui dépend de l’île de Serq et de son seigneur) jusqu’en 2008. Une législation qui considérait la femme comme imbecilitas sexus et la privait de tous ses droits. Seuls les mâles héritaient, seuls ils pouvaient ester, bannir, tuer, les femmes n’avaient qu’à obéir. Honnis soient-ils…

Théâtre de poche-montparnsse, Hédi Tillette de Clermont-TonnerreHédi Tillette de Clermont-Tonnerre en répondant à une commande de la scène nationale de Cherbourg a découvert la rocambolesque histoire des deux frères issus d’un milieu populaire, et qui débutèrent comme vendeurs de journaux. Nous ne nommerons pas ici les frères dont il est question. Mais vous pouvez vérifier sur la Toile. Tout y est presque vrai, et rien n’est totalement véridique. Jouvet vous l’avait déjà affirmé: « Rien de plus futile, de plus faux, de plus vain, de plus nécessaire que le théâtre. » Les Deux Frères et les Lions en sont la preuve.

Et les lions me direz-vous ? Vous les trouverez sur les armoiries et le drapeau de l’île de Serq, lions d’or sur fond de gueules. Puisque je vous dis que tout est vrai !

Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, l’auteur joue le frère aîné. Son jumeau, le soir où nous l’avons vu, était interprété par Lisa Pajon (en alternance avec Romain Berger). Les jumeaux ne se ressemblent pas. Mais ils sont vêtus de survêtements identiques, d’un bleu qu’ils nomment « étrusque », rayé de bandes sombres, modèle des années 1980. Ils s’accordent, vibrionnent, parlent en chœur, ou bien l’un complète les phrases que l’autre commence, et inversement. C’est un duo d’opéra qu’interrompent le rituel du thé, la danse, les déplacements. C’est un régal.

La mise en scène de Vincent Debost et de l’auteur – il sait tout faire cet arlequin ! – donne à l’ensemble un charme de ballet enjoué. Des projections vidéo, en découverte, ajoutent à la fascination qu’on éprouve pour ces deux autodidactes qui « ne lâchent rien ! », obstinés, rageurs, rancuniers et intelligents.

Ils parviennent à nous faire rire du capitalisme et à nous le rendre sympathique.

Les occasions d’en rire sont si rares que vous devriez vous y ruer.

 

 

photo © D. R.

 

Les Deux Frères et les Lions de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre

Théâtre de Poche-Montparnasse

www.theatredepoche-montparnasse.com

01 45 44 50 21

Depuis le 1er septembre jusqu’au 26 novembre

Du mardi au samedi à 19 h, dimanche à 17 h 30