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08/11/2017

La vengeance de Dionysos

 

Le théâtre antique, avec ses chœurs, ses dieux et ses rois cruels trouvent encore aujourd’hui des fervents admirateurs et inspirent les jeunes metteurs en scène.théâtre, théâtre 71, Euripide, Anne Alvaro, Sara Llorca, Jocelun Lagarrigue, Ulrich N'Toyo.

Sara Llorca signe une intéressante mise en scène des Bacchantes d’Euripide, dans une traduction de Jean et Mayotte Bollack et Henri Berguin, qu’elle adapte aux rythmes du présent. On la retrouve comme comédienne dans les chœurs avec Benoît Lugué et Martin Wangermée, lesquels signent une musique originale qu’ils jouent sur scène. Faut tout faire dans ce métier !

Euripide aujourd’hui ressuscite sur un tempo de slam :

« Par le tonnerre,

Par la douleur forcée de ses couches,

Sémélé met au monde le fils de Zeus :

Dionysos »

Et à l’appel : « Viens, Dionysos, viens ! »

Une silhouette androgyne, tout de blanc vêtue, entre dans l’espace scénique, qui s’éclaire lentement (Lumières de Léo Thévenon). C’est le dieu : « Voilà, j’arrive, c’est en homme que j’approche », c’est Anne Alvaro, qui sera aussi Tirésias, et, plus tard, Agavé. Car le dieu peut changer d’identité. Et Anne Alvaro sait tout jouer.

La cité de Thèbes est rétive. Le culte de Dionysos est nouveau, les rites sont inouïs, ils font la part belle aux femmes ! Le vieux Cadmos (Jocelyn Lagarrigue) les accepte volontiers pour redorer le blason de la famille sur laquelle Sémélé a jeté la honte. Mais Penthée (Ulrich N’Toyo) redoute une religion dans laquelle les femmes peuvent courir seules les bois. Il ordonne de « débusquer l’étranger », de l’emprisonner. En vain, le jeune homme se libère seul et prévient : « tu vas payer pour ton ignorance. »

Car Dionysos prépare une triple vengeance : la première pour venger sa mère que les siens ont rejetée, la seconde contre ceux qui nient sa divinité, et enfin, contre ceux qui l’adorent par intérêt.

Les chœurs commentent, dansent, psalmodient. Les protagonistes changent de rôles, les messagers se succèdent et la tragédie, inexorable, avance, jusqu’au meurtre, jusqu’à la folie. Agavé (Anne Alvaro) tue son fils Penthée, en promène la tête ensanglantée (Costumes et accessoires Mariette Niquet-Rioux) et un deuil éternel tombe sur Thèbes.

On ne représente pas souvent Les Bacchantes, le parti pris de Sara Lorca est attachant, les acteurs sont superbes. Alors, si vous ne craignez ni le sang, ni le slam, ni la tragédie, courez voir cette version d’ Euripide.

 

 

Les Bacchantes d’après Euripide

Mise en scène et adaptation de Sara Llorca

Théâtre 71

Jusqu’au 17 novembre

www.theatre71.com

 

 

15/10/2017

De haine et d'amour

 

 

 

Théâtre, Psychanalyse, Mélanie Klein, Brigitte Jaques-Wajeman, Trois femmes. Trois psychanalystes en scène. Mélanie Klein (Marie-Armelle Deguy), sa disciple Paula (Sarah Le Picard), et l’objet d’étude, sujet des dissensions, Mélitta (Clémentine Verdier) fille de Mme Klein.

Nous savons que Mélitta, devenue elle-même médecin, s’opposa violemment à toutes les découvertes de sa mère. Nicolas Wright montre ces trois femmes au cours d’une nuit de quête et d’aveux, de suspicions et de confessions. Ce n’est pas la nuit de Walpurgis, mais tous les démons y sont convoqués.

Vous ne croyez pas à la psychanalyse ? Vous avez vos raisons. Mais ici, vous auriez tort de vous priver de cet éblouissant trio. La reine est sans conteste, Marie-Armelle Deguy, puissante et fragile, d’une intelligence remarquable dans l’interprétation d’un texte mouvant et violent.

Clémentine Verdier, en fille perverse, vindicative et irascible, est bouleversante. Et Sarah Le Picard, blessée, mais lucide et déterminée, joue la raison face à ces passionnées, pétries de haine et d’amour.

Le spectacle mis en scène par Brigitte Jacques est puissant, ne le manquez pas…

 

 

 

Mme Klein de Nicolas Wright

Traduction François Regnault

Mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman

Théâtre de la Ville/salle des Abbesses

01 42 74 22 77

Jusqu’au 20 octobre

09/10/2017

Vania aujourd'hui

 

 

 

 

Les personnages de Tchekhov ont tant d’humanité qu’ils continuent de vivre en nous en dehors des comédies (ou des drames) de leur auteur. Tchékhov lui-même n’écrivit-il pas L’Eprit de la forêt, une première version de Oncle Vania, où un des personnages voulait sauver les forêts et un autre, qui gérait le domaine pour le Professeur Serébriakov, découvrait qu’il avait inutilement sacrifié sa vie.

Pas étonnant qu’aujourd’hui, où il est question de sauver la planète, le docteur Astrov paraisse si moderne ! Normal que l’oncle Vania, se révolte contre son sort en découvrant que Serebriakov, est un faiseur ! 

Théâtre, théâtre du vieux-colombier, TchekhovJulie Deliquet adapte donc Oncle Vania pour une époque indéterminée, proche des années 80 puisque les costumes sont résolument contemporains, qu’il n’y a pas encore de téléphone portable, mais que le samovar est définitivement remplacé par la machine à café et les discussions littéraires par des exposés sur le cinéma de Dreyer, projection à l’appui. Serebriakov (Hervé Pierre) pigerait-il au Cahiers du Cinéma ? Comme sa retraite est bien mince et qu’il dit devoir écrire un article, on a vite fait de l’imaginer.

Mais cette élucubration mise à part, le texte de Tchekhov nous rattrape vite. Il nous étreint avec force, et nous retrouvons avec émotion ces êtres qui voyageaient en nous quelque part dans notre culture qui s’effiloche. Si leur détresse nous poigne et nous pénètre, c’est que les comédiens du Français sont maîtres dans leur art.

Florence Viala, est, avec charme et délicatesse, Elena, cette belle Hélène qui traîne tous les cœurs après elle, au bord de l’adultère, mais jurant d’aimer son vieux mari. Stéphane Varupenne joue avec gravité, Astrov, ce médecin humaniste et défenseur de la nature, dévoué à ses patients, et que sa passion pour Elena va rendre injuste et cruel. Anna Cervinka est Sonia la mal aimée, qu’elle montre frémissante d’espoir, pudique, souriant pour ne pas s‘abandonner au désespoir. Laurent Stocker interprète un Vania exaspéré par la vanité et l’égoïsme du Professeur, les nerfs à fleur de peau, révolté de découvrir l’inanité de sa vie. Brisé, il nous brise le coeur. Dominique Blanc est Maria, la mère de Vania, subjuguée par le Professeur. Et Hervé Pierre donne à Sérébriakov la candeur d’un d’enfant gâté qui boude parce qu’un jour, on ne cède plus à ses caprices. Noam Morgensztern promène son personnage de Télieguine, pique-assiette sympathique et malheureux que personne ne plaint ni n’écoute.

Tchekhov achève Oncle Vania et Les Trois Soeurs sur des futurs noyés de larmes : « Nous nous reposerons », dit Sonia, « Nous allons vivre » dit Olga. Et pourtant tout les accable.

Et pourtant, ils vivent toujours en nous, tumultueux et tendres.

 

 

Vania d’après Anton Tchekhov

Mise en scène Julie Deliquet

Théâtre du Vieux-Colombier

jusqu’au 12 novembre

01 44 58 15 15

www.comedie-francaise.fr