17/01/2013
Une merveille
La princesse Alarica (Julie Delarme), a traversé la Germanie pour devenir la femme du roi d’Occident, Parfait XVII (Emmanuel Suarez). Elle est chaperonnée par sa gouvernante, Toulouse (Josiane Lévêque), chargée de « sauvegarder cette merveille ». Le Maréchal (Jean-Paul Farré) et un lieutenant (Antony Cochin) veillent sur elles. Or, lors de la dernière étape, juste avant la célébration des noces, un inconnu (Mathias Maréchal) se faisant passer pour le fiancé, s’introduit dans la chambre de la Princesse. Il parle bien, et sait toucher le cœur de la Princesse. Mais l’alarme est donnée, le suborneur assommé et caché. Il était temps, le vrai roi s’annonce avec son ministre, le Cardinal de la Rosette (Didier Sauvegrain). Parfait XVII tombe en amour devant Alarica, mais le Cardinal le rappelle aux réalités du pouvoir, et, après le don matutinal d’une somme rondelette et de deux châteaux, signifie son « congé » à la princesse. Alarica a servi d’appeau dans la chasse aux alliances de haut rang. Parfait va épouser la sœur du Roi d’Espagne, un royaume mieux coté que la Courtelande, ce pays marécageux qui ne fabrique rien « que des râteaux », et sa « capitale de paille et de pluie ». Alarica découvre « le vinaigre du monde », la lâcheté de Parfait et les sombres machinations dont elle fut l’objet. « Le mal court » dans le monde, ce serait un « crime de l’arrêter ».
Le quart de ces manigances vous briserait à jamais. Mais pas elle ! Alarica renverse la situation, et prenant les rênes de son destin avec le pouvoir, se fait acclamer reine à la place de son père, Célestincic, roi de Courtelande (Marcel Maréchal), et récupère son séducteur pour en faire le grand architecte des travaux infinis qui transformeront son royaume boueux en riches terres à blés.
Stéphanie Tesson en choisissant Le mal court de Jacques Audiberti, affirme la continuité de la création en ces lieux, qui, en 1947, accueillirent la pièce. Elle aussi, comme Alarica sait faire rimer « pur et dur », et se battre pour devenir elle-même. Son univers et celui d’Audiberti vivent en symbiose. Sa réalisation est « une merveille ».
Pour la scène étroite du Poche, Nicolas Sire a bâti un décor léger, clair et efficace. Chaque comédien y trouve sa place et joue avec justesse. Josiane Lévêque qui renoue avec le théâtre pour notre plaisir, donne au rôle ingrat de la gouvernante une tendresse rugueuse. Jean-Paul Farré en courtisan opportuniste est savoureux. Mathias Maréchal est superbement séducteur, Didier Sauvegrain interprète le méchant cardinal hypocrite et madré. Un vrai Mazarin ! Marcel Maréchal spécialiste d’Audiberti compose le vieux roi dépassé par les événements. Emmanuel Suarez se coule à l’aise en jeune roi naïf manipulé par tous, et jusqu’au plus petit rôle, comme celui d’Anthony Cochin, chacun est entré avec intelligence dans le royaume audibertien.
Julie Delarme qu’on avait adorée en savetière pétillante dans La Savetière prodigieuse de Garcia Lorca, il y a quelques années, confère noblesse et charme à la Princesse. Comme on comprend l’irrésistible attrait qui pousse le roi à vouloir renoncer à son royaume pour elle !
Les costumes de David Belugou, les lumières de Jacques Puisais, les peintures de Marguerite Danguy des Déserts, allient la fantaisie à la poésie, et cette première, hier soir, au Poche-Montparnasse nous a comblés…
photos :© Brigitte Enguérand
Le mal court de Jacques Audiberti
Mise en scène de Stéphanie Tesson
Théâtre de Poche-Montparnasse
75, bd du Montparnasse
www.theatredepoche-montparnasse.com
01 45 44 50 21
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Le bruit court
Le bruit courait que plus personne ne voulait investir en France, que des hommes de culture s’expatriaient, que le spectacle vivant était bien malade.
Vous saurez ce que valent ces rumeurs en constatant vous-même que, grâce à la ténacité, la volonté, le goût du risque, la confiance dans le Théâtre, Philippe Tesson, Stéphanie Tesson et Charlotte Rondelez viennent de rouvrir le théâtre de Poche-Montparnasse après des mois de travaux.
Et quel changement ! Le lieu est transformé, mieux, métamorphosé. Deux salles pour les spectacles, et, nouveauté, du hall d’accueil étroit, il ne reste rien. Dès l’entrée, la boîte à sel passée, un grand espace convivial vous accueille, avec tables, chaises, et un long bar où Yannick vous propose boissons et restauration légère.
Vous en aurez besoin, car, bientôt il vous sera possible de rester en ses murs de 15 h à 23 h. Pas tous les jours, certes, mais jugez !
Le Mal court d’Audiberti à 21 h : c’est commencé et nous allons vous en rendre compte.
Inventaires de Philippe Minyana, à partir du 24 janvier à 19 h, dimanche à 17 h 30.
To be Hamlet or not de Charlotte Rondelez à partir du 18 janvier à 20 h, dimanche à 17 h
La Gloire de mon père d’après Marcel Pagnol, à partir du 27 janvier, le mercredi à 17 h, le dimanche à 15 h.
« Monologues du poche », une leçon d’Histoire de France, de Maxime d’Aboville, le samedi à 15 h à partir du 16 février.
Le bruit court aujourd’hui que le Théâtre est plus vivant que jamais, qu’on peut croire en l’avenir et que l’imagination est enfin au pouvoir.
Théâtre de Poche-Montparnasse
75, bd du Montparnasse
www.theatredepoche-montparnasse.com
01 45 44 50 21
21:56 Écrit par Dadumas dans culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de poche-montparnasse, philippe tesson, stéphanie tesson | Facebook | | Imprimer
15/12/2012
Bohèmes
L'exposition s'appelle "Bohèmes", et elle décline l'histoire d'un peuple rêvé par les artistes, les personnages qu'ils peignirent ou qu'ils imaginèrent, et comment d'un peuple exclu, les mêmes artistes créèrent un univers mythique, celui de l'artiste maudit.
Bohémiens, tsiganes inspirent les peintres du XVe siècle au XIXe, et on raconte que Jacques Callot leur doit protection dans son voyage à Rome.
En 1832, Hugo publie Notre-Dame de Paris et bien avant la comédie musicale que vous connaissez, son personnage d'Esméralda inspira un opéra à Louise Bertin (livret de Hugo lui-même). Un peintre d'origine russe, le baron Charles de Steuben la représente avec la petite chèvre Djali, inspiré sans doute par ce passage du roman :
"La danseuse des rues était, en parlant ainsi, d’une beauté qui frappait singulièrement Gringoire, et lui semblait en rapport parfait avec l’exaltation presque orientale de ses paroles. Ses lèvres roses et pures souriaient à demi ; son front candide et serein devenait trouble par moments sous sa pensée, comme un miroir sous une haleine ; et de ses longs cils noirs baissés s’échappait une sorte de lumière ineffable qui donnait à son profil cette suavité idéale que Raphaël retrouva depuis au point d’intersection mystique de la virginité, de la maternité et de la divinité."
Personne n'est oublié dans cette exposition, ni la Carmen de Mérimée, ni celle de Bizet.
Les rapins, les musiciens, rejoignent Van Gogh, Corot,Courbet,Cézanne,Dehodencq ,Casas, Signac, et tant d'autres, tandis que Rimbaud y tire "les élastiques de (ses) souliers blessés, un pied près de (son) coeur."
Au Grand Palais
jusqu'au 14 janvier 2013
18:45 Écrit par Dadumas dans exposition, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : expositions, littérature, opéra, hugo | Facebook | | Imprimer