19/11/2017
Rendez-vous au Poche
Au Poche-Montparnasse, on reprend Colette et l’amour, une sorte de conférence baptisée « cabaret littéraire » qui avait eu tant de succès la saison dernière.
Philippe Tesson nous invite à suivre les amours de Colette et à découvrir une femme qui sut épanouir sa sensualité, affronter le scandale, mais jamais la solitude.
Colette eut des maris, des amants, des amantes. Plus personne ne s’en choque aujourd’hui, mais les mœurs de la fin du XIXe siècle étaient plus hypocrites et la femme libre perdait sa réputation. Colette en a secoué les préjugés.
Philippe Tesson retrace le parcours de l’adolescente curieuse et effrontée, bercée des mystères de la nature dans sa Puisaye natale, à la dame percluse de rhumatismes du Palais-Royal. Judith Magre, souveraine, lit les textes de Colette de sa voix chaude, avec des mines de chatte gourmande qui auraient ravi l'auteur. Elisabeth Quin les commente, Jean-Baptiste Doulcet au piano, les illustre avec les œuvres de Ravel, Fauré, Debussy, ses amis.
Philippe Tesson digresse, Elisabeth Quin proteste, Judith Magre s'en égaie, le public s’en réjouit. Le dialogue savoureux d’une disputatio impromptue nous ravit.
Ils dissertent aussi et dissèquent ses attitudes, sa soumission au mufle que fut Willy, l’initiateur de « l’harmonie tertiaire de l’amour », et des amours saphiques : Georgie (qu’elle appelle Rézi dans les Claudine), Polaire dont la taille était si menue qu’un faux-col pouvait lui servir de ceinture, Missy qui la donna à Henri de Jouvenel en disant : « Je vous confie une enfant étourdie et sans beaucoup de sens moral. » Comme si la morale importait quand on aime ! Enfin, il y eut « l’amant incandescent », Bertrand de Jouvenel, de trente ans son cadet…
Non, je ne vous dis pas tout, car vous avez rendez-vous le jeudi soir avec de brillants causeurs qui vous apprendront encore bien des secrets…
Colette et l’Amour conçu et animé Philippe Tesson
Théâtre de Poche-Montparnasse
Le jeudi à 20 h 30
Jusqu’au 11 janvier
01 45 44 50 21
www.theatredepoche-montparnasse.com
17:42 Écrit par Dadumas dans Blog, cabaret, culture, langue, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de poche, colette, philippe tesson, judith magre, elisabeth quin | Facebook | | Imprimer
16/05/2017
Un soldat d'infortune
Les ruses du diable sont innombrables et Joseph le soldat permissionnaire n’aurait pas dû accepter la proposition de ce chasseur de papillons rencontré sur sa route. Échanger son violon contre un livre magique, le suivre pendant trois jours, sous prétexte de lui apprendre à jouer, moyennant le vivre et le couvert, était-ce bien raisonnable ? Ne savait-il pas que l’on ne doit jamais dîner avec le diable, même avec une longue cuillère ? Et que pour le beau Pécopin, parti chasser une nuit avec le diable, la nuit avait duré cent ans ?
Ces mythes fantastiques inspirèrent Histoire du soldat à Charles Ferdinand Ramuz et Igor Stravinsky, un « ballet opéra de chambre », qui emprunte au mime, à la danse et à des rythmes populaires, comme le tango et le jazz.
La mise en scène de Stéphan Druet fait de Histoire du soldat une pièce brechtienne qui mêle le théâtre, la musique, et le cirque, avec pour toile de fond, une peinture de Laurence Bost et des lumières de Christelle Toussine. Les sept musiciens de l’orchestre-atelier Ostinato portent l’uniforme, culotte garance et capotes bleu horizon, calots ou képis (Costumes : Michel Dussarrat). Ils entrent sur scène derrière leur chef, comme à la parade et s’y installent, à la fois instrumentistes, témoins et acteurs du récit. Le conteur (Claude Aufaure) installé à une petite table, à cour, écrit et dit l’histoire du naïf Joseph (Fabien Wolfrom), l'heureux soldat qui « rentre chez lui » et que les agissements du diable vont transformer en soldat d'infortune.
Quand le diable apparaît (Licinio Da Silva), fine moustache et œil de velours, on le reconnaît : il est vêtu de rouge ! On voudrait bien comme à Guignol, lui crier : « Sauve-toi ! Attention ! », Mais nous ne sommes plus des enfants…
Et pourtant, texte et musique s’accordent si bien, que la magie opère et que, pris par le récit, nous accédons sans peine à cet univers faustien où le fantastique abolit le temps et l’espace.
Tristesse, le soldat ne retrouve plus les siens ! Joie, il triomphe du diable et récupère son violon ! Miracle, il guérit la Princesse (Aurélie Loussouarn) qui danse (Chorégraphie Sébastan Galeota) et l’épouse !
Mais, - il y a toujours des « mais » dans les contes -, le diable veille… et, la tentation est trop forte de vouloir accéder au désir de la Princesse, sa bien aimée, qui veut connaître le pays d’où il vient. On ne peut pas garder « ce qu’on est et ce qu’on était ». Et ce regard en arrière qui avait perdu Orphée, dépossède à jamais le soldat que le diable entraîne…
Le spectacle vous enchantera. C’est un moment de grâce… divine ou diabolique ? Mon âme panthéiste ne tranchera pas. À vous de décider…
Histoire du soldat de Ramuz et Stravinsky
Direction musicale Jean-Luc Tingaud
Chefs d’orchestre Olivier Desjours et Loïc Olivier
Théâtre de Poche-Montparnasse
0145 44 50 21
du mardi au samedi à 21 h
dimanche à 15 h
www.theatredepoche-montparnasse.com
12:40 Écrit par Dadumas dans Blog, cabaret, culture, danse, Littérature, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, musique, dans, littérature, théâtre de poche, ramuz, stravinsky | Facebook | | Imprimer
17/01/2013
Une merveille
La princesse Alarica (Julie Delarme), a traversé la Germanie pour devenir la femme du roi d’Occident, Parfait XVII (Emmanuel Suarez). Elle est chaperonnée par sa gouvernante, Toulouse (Josiane Lévêque), chargée de « sauvegarder cette merveille ». Le Maréchal (Jean-Paul Farré) et un lieutenant (Antony Cochin) veillent sur elles. Or, lors de la dernière étape, juste avant la célébration des noces, un inconnu (Mathias Maréchal) se faisant passer pour le fiancé, s’introduit dans la chambre de la Princesse. Il parle bien, et sait toucher le cœur de la Princesse. Mais l’alarme est donnée, le suborneur assommé et caché. Il était temps, le vrai roi s’annonce avec son ministre, le Cardinal de la Rosette (Didier Sauvegrain). Parfait XVII tombe en amour devant Alarica, mais le Cardinal le rappelle aux réalités du pouvoir, et, après le don matutinal d’une somme rondelette et de deux châteaux, signifie son « congé » à la princesse. Alarica a servi d’appeau dans la chasse aux alliances de haut rang. Parfait va épouser la sœur du Roi d’Espagne, un royaume mieux coté que la Courtelande, ce pays marécageux qui ne fabrique rien « que des râteaux », et sa « capitale de paille et de pluie ». Alarica découvre « le vinaigre du monde », la lâcheté de Parfait et les sombres machinations dont elle fut l’objet. « Le mal court » dans le monde, ce serait un « crime de l’arrêter ».
Le quart de ces manigances vous briserait à jamais. Mais pas elle ! Alarica renverse la situation, et prenant les rênes de son destin avec le pouvoir, se fait acclamer reine à la place de son père, Célestincic, roi de Courtelande (Marcel Maréchal), et récupère son séducteur pour en faire le grand architecte des travaux infinis qui transformeront son royaume boueux en riches terres à blés.
Stéphanie Tesson en choisissant Le mal court de Jacques Audiberti, affirme la continuité de la création en ces lieux, qui, en 1947, accueillirent la pièce. Elle aussi, comme Alarica sait faire rimer « pur et dur », et se battre pour devenir elle-même. Son univers et celui d’Audiberti vivent en symbiose. Sa réalisation est « une merveille ».
Pour la scène étroite du Poche, Nicolas Sire a bâti un décor léger, clair et efficace. Chaque comédien y trouve sa place et joue avec justesse. Josiane Lévêque qui renoue avec le théâtre pour notre plaisir, donne au rôle ingrat de la gouvernante une tendresse rugueuse. Jean-Paul Farré en courtisan opportuniste est savoureux. Mathias Maréchal est superbement séducteur, Didier Sauvegrain interprète le méchant cardinal hypocrite et madré. Un vrai Mazarin ! Marcel Maréchal spécialiste d’Audiberti compose le vieux roi dépassé par les événements. Emmanuel Suarez se coule à l’aise en jeune roi naïf manipulé par tous, et jusqu’au plus petit rôle, comme celui d’Anthony Cochin, chacun est entré avec intelligence dans le royaume audibertien.
Julie Delarme qu’on avait adorée en savetière pétillante dans La Savetière prodigieuse de Garcia Lorca, il y a quelques années, confère noblesse et charme à la Princesse. Comme on comprend l’irrésistible attrait qui pousse le roi à vouloir renoncer à son royaume pour elle !
Les costumes de David Belugou, les lumières de Jacques Puisais, les peintures de Marguerite Danguy des Déserts, allient la fantaisie à la poésie, et cette première, hier soir, au Poche-Montparnasse nous a comblés…
photos :© Brigitte Enguérand
Le mal court de Jacques Audiberti
Mise en scène de Stéphanie Tesson
Théâtre de Poche-Montparnasse
75, bd du Montparnasse
www.theatredepoche-montparnasse.com
01 45 44 50 21
21:57 Écrit par Dadumas dans Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de poche, stéphanie tesson, audiberti | Facebook | | Imprimer