Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/06/2012

Théâtre aujourd'hui

 

 

 

Théâtre Aujourd’hui fêtait ses vingt ans lundi dernier. C’était aussi la sortie de sa quatorzième livraison. Elle mettait un auteur vivant à l’honneur : Jean-Claude Grumberg joué aujourd’hui dans le monde entier et dont le Théâtre du Rond-Point a créé, il y a peu Moi je crois pas avec Catherine Hiegel et Pierre Arditi.

Jean-Claude Grumberg, je l’avais découvert dans L’Avant-Scène Théâtre en 1968 avec Demain une fenêtre sur rue  (N°405). Puis ce furent en 1971, Rixe (N°469/470) consacré à des pièces courtes d’auteurs contemporains et la même année,  Amorphe d’Ottenbourg (N°485). Il y eut encore Dreyfus et Michu en 1974, (N°543), et enfin celle à laquelle je pus assister, en tant que spectatrice, L’Atelier, en 1979, et  j’en fus bouleversée. L’année suivante, je retrouvai Jean-Claude Grumberg dans En r’venant de l’expo.

Je n’ai depuis manqué, je crois, aucune création, aucune publication. Et j’étais sincèrement heureuse qu’on lui organise cet hommage, au cours duquel, des grands acteurs, des lycéens adolescents et de petits enfants du cours préparatoire, vinrent lire des extraits de ses œuvres*.

Quoi de plus émouvant que ces voix tellement différentes pour passer la parole d’un auteur ? Et quelle chance d'entendre aussi celle de l'auteur qui lut un de ses derniers textes : Votre maman !

C’était une belle soirée, et Théâtre aujourd’hui est une collection de référence indispensable pour enseigner les arts de la scène. On y trouve des études, des entretiens, des extraits d’œuvre, des photos, un CD, des documents irremplaçables.  

Longue vie à la collection…

 

 

* Toutes aujourd’hui publiées chez Actes sud.



Théâtre Aujourd'hui, scérén-cndp

 

 

 

 

 

 

12/05/2012

Femmes au bord du suicide


 Elles sont seules. Plus d’amour, plus de chance, le désespoir les vrille, la mort les tente, apaisante… Dans La Dame de Monte-Carlo et La Voix humaine, Cocteau écrit pour des femmes que tout abandonne. Marc Paquien met en scène leur détresse.

La Dame de Monte-Carlo, souffre de ne plus « être jeune et aimée ». Dévorée d’une seule passion, le jeu, rejetée du casino où on l’accuse de « porter malheur », elle va « piquer une tête dans la mer » pour que « ça cesse ».

Véronique Vella, mince silhouette noire, prête sa voix de mezzo soprano au texte de Cocteau, mis en musique par Francis Poulenc. Au piano, Jorge Giménez, l’accompagne. Tout est dans l’ombre, sauf le visage et les mains de la Dame (lumières de Claire Risterucci). Cet effet de camera obscura favorise l’intériorisation et le spectateur partage son drame

La Voix humaine est celle d’une amante délaissée, qui n’est plus reliée son amant que par le téléphone. Moyen capricieux, car nous sommes en 1927, et la « demoiselle du téléphone » peut à tout moment « couper » la conversation.

Effondrée sur un lit défait, drapée dans un déshabillé froissé qui atteste qu’elle ne sort plus, Martine Chevalier, les yeux égarés, supplie pour rester en ligne, garder le dernier contact avec celui, qui pendant « cinq ans » fut « le seul air respirable » qui lui permit de vivre. Bribe par bribe, on apprend la cause de la rupture : « le chéri » se marie et renonce à la vieille maîtresse. Elle s’accroche, et a tenté, déjà, de se suicider.

Elle voudrait faire croire à son indifférence. Elle est seule et peut mentir avec courage, mais elle s’effondre vite. Le spectateur est témoin de sa douleur, et des faux-semblants qu’elle s’impose, des vérités qu’elle découvre, des épreuves qui la crucifient, de l’insupportable attente qu’elle endure.

Dans la mise en scène de Marc Paquien, le sol luit comme un miroir, et au premier plan, la carafe d’alcool, le verre, les cachets préparent sur un plateau la funeste conclusion. Beauté et fascination de la délivrance…

Jean Cocteau dans ces monologues a su peindre admirablement ces femmes brisées, désespérées, en pleine déréliction auxquelles tous les êtres humains trahis peuvent s’identifier.

 

 

 

Mise en scène de Marc Paquien

La Dame de Monte-Carlo

La Voix humaine

Studio-théâtre de la Comédie-Française

du mercredi au dimanche à 18 h 30

01 44 58 98 58

 

11/05/2012

Le diable à quatre


 

Ah ! Comment remercier Jacques Vincey de nous donner  un Amphitryon qui soit une éblouissante comédie et nous fasse oublier les fantasmes mystiques d’Anatoli Vassiliev qui, sur cette même scène (2002), en fit une tragédie intime !

Née d’une trame antique, l’œuvre de Molière appartient à la farce, au vaudeville, à la commedia dell’arte, aux pièces « à machines », autant qu’à la comédie de caractères et même au brulot politique puisque les contemporains reconnurent Monsieur de Montespan, dans le rôle du mari trompé. Si « Un partage avec Jupiter n’a rien qui déshonore », comment pouvait-on s’offusquer de partager sa femme avec le Roi-Soleil ?

 Alexandrins, octosyllabes, heptasyllabes impriment un rythme joyeux à cette fable où les dieux font les diables à quatre… Jacques Vincey ajoute au prologue des chœurs chantés du plus bel effet.

Jupiter (Michel Vuillermoz) est un séducteur. Pour parvenir à ses fins, il n’hésite pas à se métamorphoser. Cygne, taureau, pluie d’or, rien ne lui est impossible. Quand il tombe amoureux de la fidèle Alcmène (Georgia Scalliet). Il emprunte les traits du mari, Amphitryon (Jérôme Pouly) pour la séduire. Pardon, pour l’honorer. La Nuit (Sylvia Bergé) sera complice, Mercure, (Laurent Stocker) le grand organisateur prendra l’apparence de Sosie (Christian Hecq), le valet.

La Dame est satisfaite, et Jupiter aussi. Tout va bien…

Il y aurait bien le valet, Sosie, qui se plaint d’avoir reçu des coups de bâton de son… sosie. Mais écoute-t-on les plaintes d’un domestique ? Surtout quand il affirme :

« J’étais venu, je vous jure

 Avant que je fusse arrivé ».

Amphitryon ne comprend rien à son récit. Mais il sent bien que quelque chose de louche s’est passé dans sa maison, et, à l’attitude d’Alcmène, il soupçonne vite son infortune. La scénographie de Mathieu Lorry-Dupuy 
est astucieuse : la demeure d’Amphitryon dérobe ses escaliers, les façades coulissent, les lumières (Marie-Christine Soma) filtrent à travers des fissures. Tout échappe au maître, tout obéit aux dieux.  

Les costumes d’Olga Karpinsky sont modernes, Alcmène porte joliment une robe rouge vif, ceinturée et juponnée, un petit caraco de dentelle. Georgia Scalliet  a l’œil languissant la bouche gourmande d’une femme comblée. A toutes les « subtilités » de Jupiter : « « Détestez l’époux », « Sauvez l’amant », elle oppose un sourire épanoui.

Michel Vuillermoz, en capote militaire bleu horizon est… jupitérien. Autorité, prestance, il a de la grandeur. Il s’est teint les cheveux  et la barbe dans la même nuance que ceux de Jérôme Pouly, avant de paraître, lamé d’or de la tête aux pieds dans le dernier tableau. Effet comique garanti ! Face à lui, Jérôme Pouly garde le masque de l’homme trahi, torturé par ses doutes, sa colère. Le personnage de Georges Dandin perce sous cet Amphitryon-là.

Christian Hecq, en tenue de baroudeur, met en Sosie la stupeur, la naïveté, du petit homme jouet d’un dieu méchant. Il incarne aussi la peur, la tendresse, la fidélité. Son registre est inépuisable. Sa Cléanthis (Coraly Zahonero) en jupe plissée et frange blonde semblant moins prude qu’il n’est écrit, on comprend son émoi, et sa joie d’apprendre que de son double n’a été que « glace ». Laurent Stocker compose un cynique railleur, aussi à l’aise en Dieu perché sur de curieuses échasses, qu’en pataugas. Et Sylvia Bergé est divine sur un de ces « chars » à deux roues qui font fureur chez les touristes.

Mais j’arrête ici les louanges. Que les seconds rôles me pardonnet.

Quand tout est si parfait, « le meilleur est de ne rien dire », et vous irez, naturellement…

 

 

Amphitryon  de Molière

Théâtre du Vieux Colombier.

Du 9 mai au 4 juin, à 20 h.

01 44 39 87 00/01