19/01/2009
Une Célestine diabolique
La Célestine est une œuvre singulière : mi-roman, mi-drame, écrite et publiée anonymement au XVe siècle, elle se passe à Tolède, quand l’Inquisition emprisonne les âmes et dresse des barrières pour surveiller les mœurs. Elle porte en sous-titre : « tragi-comédie de Calixte et de Mélibée ». La tentation était donc grande de l’adapter à la scène. On y succomba. Une des plus remarquables, jouée à Avignon, il y a quelque vingt ans, tirait l’œuvre vers la tragédie. Celle d’Henri Lazarini choisit surtout le côté picaresque.
La Célestine (Biyouna), mère maquerelle, faiseuse d’anges, raccommodeuse de virginité, sorcière à l’occasion, marchande par nécessité, règne sur le monde des prostituées : Elicia (Rona Hartner), Areusa (Éloïse Labro), des soldats de fortune : Centurion (Didier Lesour), des valets cupides : Sempronio (Luis Rego), Parmeno (Gaspard Legendre), Lucrecia (Céline Caussimon). Cet univers corrompu et corrupteur n’épargne personne et engloutit la pureté de Mélibée (Myriam Bella), et l’amour de Calixte (Tristan Lhomel).
Nous n’entendrons pas la souffrance de Plébério, père noble désespéré, mais nous verrons le Mal sous le masque de la dévotion, la sensualité qui avilit, les ma chinations des uns et des autres, l’argent maître de l’honneur. La scénographie de Xavier Lazarini, (co-metteur en scène avec l'adaptateur) épure le décor, allège les costumes, simplifie l’intrigue.
Biyouna, incarne une Célestine arabo-hispanique terrible et superbe, madrée, rugueuse, diaboliquement hypocrite. Les valets sont enjoués, les prostituées friponnes. Mais d’où vient qu’on ne croie guère à l’amour de Calixte et de Mélibée ?
La Célestine de Fernando de Rojas
Adaptation Henri Lazarini
Du 14 janvier au 1er mars
Vingtième Théâtre
01 43 66 01 13
22:31 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, histoire, littérature, célestine | Facebook | | Imprimer
22/11/2008
Une authentique leçon d’histoire
Elle n’était pas très jolie. Le duc de Saint-Simon la comparaît à un grenadier, et la Cour se moquait de son physique et des verdeurs de son langage. Mais la princesse Palatine (Marie Grudzinski) possédait le sens de l’humour. Assez lucide pour reconnaître qu’elle était laide, le jugement sûr, la plume féroce, elle avait l’intelligence et l’esprit de répartie. Louis XIV avait aimé Henriette d’Angleterre, la première épouse de Monsieur, son frère. Il appréciait cette belle-sœur truculente. À la mort de la Reine, les relations furent moins cordiales, car la Palatine n’aimait guère la vieille guenippe » (Madame de Maintenon). Elle savait manier l’injure sous la métaphore gaillarde. Elle avait lu Montaigne et Rabelais et préférait le mot cru à un euphémisme. De son Palatinat natal elle avait gardé le goût de la Nature, et regrettait que les guerres de Louis XIV ait ruiné sa patrie.
Jean-Claude Seguin met en scène une sélection de lettres qui courent de 1671 (son mariage), à sa mort (1722). Mère attentive, épouse délaissée, la Palatine est un personnage haut en couleurs.
À travers les intrigues de la Cour qu’elle narre avec pétulance, elle brosse la peinture du siècle de Louis XIV, puis celle où son fils chéri, Philippe, devient Régent. Orgueil de la mère, déceptions de la femme, colère de la chrétienne devant le relâchement des mœurs : tout est dit avec justesse.
Marie Grudzinski donne à Elisabeth Charlotte la vigueur et le charme. Les costumes de Philippe Varache et les coiffures de Daniel Blanc reconstituent l’époque, et les lumières de Philippe Guenver, en recréent l’atmosphère.
Quand nous avons vu le spectacle, deux classes de 1e S, venues de Melun, approfondissaient leurs connaissances du Grand siècle. Cette leçon d’histoire authentique, enseignée par une méthode vivante, était un excellent choix de leurs professeurs. Le Théâtre a souvent plus de vertus pédagogiques que le cours traditionnel.
photo Alexandre Fay
Palatine d’après les Letrres de la Princesse Palatine
Du 1er octobre au 27 décembre
Théâtre de Nesle du mercredi au samedi à 19h 30
01 46 34 61 04
21:47 Écrit par Dadumas dans Histoire, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, histoire, littérature, palatine | Facebook | | Imprimer
13/10/2008
La gloire des Misérables
« Avez-vous lu Victor Hugo ? » demandait Aragon en 1952.
Aujourd’hui, l’exposition Les Misérables un roman inconnu ? nous pose la même question.
Oui, nous avons souvenir des épisodes principaux, véritables morceaux d’anthologie, mais souvent connus, grâce aux séquences cinématographiques qu’ils ont inspirés. Jean Valjean face à Monseigneur Myriel, Javert face à Valjean, Valjean jurant à Fantine d’aller chercher Cosette. Cosette puisant de l'eau, et Cosette face à sa poupée… Mais quelle poupée ? Celle du film de Raymond Bernard ou de Billie August ? Et Gavroche ? Et Marius, Thénardier, Éponine, une foule de personnages entoure les protagonistes, l’Histoire les a modelés, et Hugo les inscrit dans ce XIXe siècle qui va faire de lui un homme universel.
Javert (Charles Vanel)
photo Studio Pathé Natan
Photographie du film de Raymond Bernard, Les Misérables, 1933
Paris, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
© Pathé Production
Emile Bayard (1837-1892)
Cosette
Fusain et pastel, 44,5 x 27
© Maison de Victor Hugo /Roger-Viollet
Les Misérables, oui, nous connaissons le roman. Mais quand Francis Huster donne sur scène un extrait de « Waterloo », peu de spectateurs reconnaissent un chapitre des Misérables. Donnerait-on un jour le dialogue de Mgr Myriel et du Conventionnel, que beaucoup le découvriraient.
La splendide exposition de la Maison Victor Hugo, décrit aussi bien les étapes de l’écriture du roman, que les thèmes qu’il traite, avec quatre axes principaux : la rédemption, la misère, l’amour, l’Histoire. Le cinquième, Paris, est l’objet d’une seconde exposition, Paris au temps des Misérables, au
musée Carnavalet tout proche. L'éléphant de la Bastille n'était pas une invention romanesque.
Manuscrits, dessins, mais aussi peintures, sculptures, documents divers montrent la profondeur du roman, son influence sur les arts, les mœurs et les lois, son extraordinaire rayonnement à travers le monde. Cee n'est pas seulement une redécouverte, c'est la gloire des Misérables.
Arnaud Laster avait déjà, par ses recherches et ses publications, recensé plus de quarante adaptations filmées de l’œuvre. C’est un bonheur de revoir ici, des extraits des principales.
Des photographies contemporaines montrent que la misère, hélas est toujours un fléau, et que le combat du Bien contre le Mal n’est jamais terminé.
© Maison de Victor Hugo /Roger-Viollet
Maison de Victor Hugo
6 place des Vosges
Musée Carnavalet
23, rue de Sévigné
fermé le lundi.
17:54 Écrit par Dadumas dans culture, exposition, Film, Histoire, Littérature, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : exposition, cinéma, littérature, histoire, victor hugo | Facebook | | Imprimer