Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/11/2007

"Une vaste porte sur le Ciel"

     Les peuples mongols ont une histoire. Mieux, une épopée. Celle de Temujin, un jeune homme audacieux qui, au XIIe siècle, unifia les tribus nomades des steppes et en 1206, fut proclamé par elles : « chef suprême », Gengis Khan.

     Sans doute les rois dépossédés de leurs trônes, les villes pillées retinrent son nom comme celui d’un conquérant impitoyable. Henry Bauchau y voit un homme indomptable qui se présente comme un justicier pour les peuples, et qui, pour satisfaire son rêve de liberté ouvre « le monde comme une vaste porte sur le Ciel. » Il cherche Dieu, et se méfie des prêtres : « Le Coran, il fallait l’ouvrir, et vous l’avez fermé. » S’appuyant sur des lettrés comme Tchélou t’saï (Michael Maïno), il fait écrire la Loi. Au bout des victoires, lui qui chevauchait, « ivre de vent » dans les steppes sans frontières, doit un jour s’arrêter, paralysé, et mourir.

     Henry Bauchau écrit l’errance dans un verbe claudélien, et ouvre une quête à la fois chrétienne et brechtienne dans ses affirmations : « On peut rassasier les pauvres, jamais les riches », comme dans ses interrogations. « Qu’est-ce qu’un homme ? » demande Gengis Khan, « Quel est son prix ? » demandait Brecht. La Chine ? « Son peuple l’a sauvée » dit Bauchau. « La chose appartient à qui la rend meilleure » disait Brecht.

     Dès le premier tableau, l’auteur peint un Temujin (Laurent Letellier) complexe, à la fois respectueux de sa mère (Marta Terzi,) mais rebelle à la tradition. Fidèle à la mémoire du fondateur, son père, Yesugeï, il aspire à la simplicité. Il exalte, face à Timour (Thomas Blanchet) la force de l’obéissance consentie devenue amitié, et face à Djébé (Lorenzo Baïtelli), le sublime de la clémence. Entouré de guerriers, amis ou ennemis (Alexandre Barbe, Sarkaw Gorani, Bertrand Nadler, Régis Vallée), il reste seul et doit renoncer à l'amour de Choulane (Delphine Haber).

     La phrase est lyrique et les chœurs en soulignent la musique. Benoît Weiler, le metteur en scène, élargit l’espace scénique avec trois écrans, l’un central, les deux autres latéraux, sur lesquels il projette des images de steppes, de cavaliers, une tête de bouddha, les calligraphies sacrées (vidéo : Thomas Johnson). Au fond un praticable étroit pour ceux qui dominent. On aperçoit à jardin, entre les deux écrans, derrière un rideau rouge, les deux musiciens, Geoffrey Dugas aux percussions et aux bols chanteurs, Vincent Martial à la flûte. Ils accompagnent dix comédiens magnifiques qui tous, sauf Laurent Letellier, interprètent plusieurs rôles, et dansent aussi, rythmant des rites barbares, qui rappellent ceux des possédés du Destin de Youssef Chahine.

     À chaque peuple ses couleurs, brun et ocre pour le peuple des steppes, les Mongols ; rouge et or pour le peuple du riz, la Chine; et pour les Persans, le peuple des jardiniers, une gamme de bleus, de l’indigo au turquoise. Chaque costume brodé, incrusté, passementé, galonné, crée un individu et devient un poème sous l’inspiration conjuguée de Dominique Lallau et Hervé Rozelot.

     Gengis Khan mis en scène par Benoît Weiler s’inscrit dans les plus puissantes créations de la saison. Sa victoire, c'est la Beauté. Le modeste Théâtre 13 s’est surpassé.

     L’épopée de Gengis Khan avait un poète, elle vient de trouver, avec l'équipe du théâtre de l’Estrade, des interprètes à sa mesure.

 

 

 

Gengis Khan de Henry Bauchau

Jusqu’au 23 décembre

Théâtre 13

01 45 88 62 22

07/07/2007

Bonnes Vacances

848493a6ff58bdd3f6ae6b69aef8ed22.jpg

On ne va pas lutter avec Avignon, Sarlat, etc.

Profitez de vos vacances pour aller voir du spectacle vivant.

Et venez voir Scènes-en-Ré, les 3, 4, 5 et 5 août, et 6 août à

 Saint-Martin-de-Ré

                                                                                                      et La Flotte en Ré1a7ef4a0d05d3552e342e1083351b66d.jpg

A bientôt...

30/06/2007

La guerre sépare ceux qui s'aiment...

Vous êtes resté à Paris ce ouikende ? Ça tombe bien, il y a un excellent spectacle à découvrir. La compagnie Les Mistons a planté son décor dans la salle des fêtes de la Mairie du vie. Pour deux jours seulement. Pas de temps à perdre, allez applaudir Il y a longtemps que je t'aime.

Didier Moine, a adapté et mis en scène un texte de Patrick Dray. L’auteur, qui est aussi musicien y joue le rôle d’un compositeur mobilisé sur le front pendant la guerre de 1914. Chez lui, l’attendent sa femme Lucie (Sabine Héraud) et leurs deux petites filles, des jumelles. Il pensait revenir très vite, la guerre s’enlise dans les tranchées. Elle ne comprend pas. Il croyait faire une guerre « juste et loyale », il découvre la barbarie. Elle ne saisit rien du vocabulaire militaire. « Ma pensée s’égare » écrit-il, elle déraille jusqu’à sombrer de la mélancolie à la folie et à la mort. La guerre sépare ceux qui s'aiment...9371cff5cd18dbcd8b1127229c347f74.jpgÀ jardin, Didier Moine, réserve l’espace de la femme. Chaises de jardin, écran de toile blanche transparente, Lucie, en robe blanche, déambule, frêle silhouette, femme-enfant fragile et naïve qui croit qu’il suffit de répéter : « Rentre ! », pour que la vie insouciante d’avant puisse recommencer. Lui, bourru, engoncé dans son uniforme bleu horizon, chaussé de godillots se déplace lentement, à cour,  de la « tranchée » au piano. La musique qu’il joue remplace ce qu’il ne peut dire, accompagne ce qu’elle dit, ou chante. La voix est pure, douce, à travers les chansons folkloriques : Malbrough s’en va-t-en guerre »,  « J’ai descendu dans mon jardin », Les Chevaliers du guet, « Mon ami me délaisse », sa vision puérile des événements se décale progressivement de la mélodie, mais n’entre jamais en cacophonie.

Didier Moine a dirigé ses acteurs avec sobriété et intelligence. Les grandes douleurs ne sont pas muettes, celle-ci est pudique et poignante.

Il y a longtemps que je t’aime de Patrick Dray

Salle des fêtes de la Mairie du VIe

Samedi 30 juin à 20 h 30

Dimanche 1er juillet à 17 h