05/06/2007
Des amants impitoyables
Blanche (Catherine Chauvière) n’est plus toute jeune, mais elle plaît à Maurice (Eric Cénat). Lui n’a pas de situation, elle, est entretenue par un monsieur qui pourrait être son père. Elle est honnête, elle ne cache rien à Maurice. Leur liaison ne sera pas passionnelle.
Loin des grands sentiments, Jules Renard dresse un rapport impitoyable et quasi ethnologique du couple. Les tableaux se succèdent, cruels et vraisemblables, secs comme des comptes rendus scientifiques.
Jacques Bondoux qui met en scène et joue le maître de cérémonie, a choisi un décor unique (scénographie de François Cabanat), un lit en plan incliné gigantesque, qui est aussi maison, ville, fiacre, chambre. Il le tourne, le déplace, le décore, le dépouille. L’univers de l’intime y prend sa juste place avec cette relation mesurée et mesquine.
Ah ! Qu’ils sont laids, de corps et d’âme ces êtres qui ne savent pas s’abandonner ! Ils ne connaissent que leur intérêt et la matérialité les englue jusqu’à les caparaçonner. Même sous les draps, elle garde son corset et lui, son caleçon. Ce n'est pas par pudeur, mais parce qu'on est méfiant. On ne badine pas, on compte ! On ne se caresse guère, on se satisfait de peu. Le pain de ce ménage-là est plutôt rassis, et même un peu moisi. Et on se refuse le plaisir de rompre, par habitude peut-être, par lâcheté, sûrement.
On aurait pu croire démodée cette Maîtresse, hélas ! Il n’en est rien. On trouve de par le monde beaucoup de couples qui s’accommodent ainsi l’un de l’autre.
Et de jeunes auteurs, comme Florian Zeller, Didier Caron, Gilles Dyrek, portent aussi aujourd’hui, sur ce qu’on appelle l’amour, le même regard lucide et désenchanté.
(Photo : Marion Duhamel.)
Théâtre Artistic Athévains 01 43 56 38 32 à partir du 5 juin
14:40 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre, littérature | Facebook | | Imprimer
04/06/2007
Une belle page d'espérance
Il fallait, sans trahir l’auteur, inventer la dramaturgie pour ces trois actes inachevés,Géraldine Cohen a adapté le texte avec finesse et respect. Il fallait jouer sur un plateau immense fait pour des décors extraordinaires, Béatrice Collet a imaginé une scénographie dépouillée et efficace. Christophe Ouvrard a évité le piège des uniformes honnis, des reconstitutions cruelles. Ses costumes atemporels, évitent les rayures maudites et les insignes abhorrés.
La scène est close, au fond, d’un mur sombre au centre duquel une porte se découpe. Au dessus, dans le lointain, un fronton où, on peut lire, à l’envers, une devise « le travail c’est la santé », qui démarque celle d’Auschwitz tristement célèbre.
Le Naturaliste, comme le meneur de revue de Cabaret, porte une redingote chamarrée. Il est à l’aise, un brin méprisant, mais la vie du camp aura raison de sa superbe et justifiera sa disparition au troisième acte. Alain Fromager donne sa prestance à cet observateur ambigu, porte-parole de l’auteur qui, ayant su analyser le système concentrationnaire, pouvait en désarmer l’apparente absurdité.
Le Naturaliste parle d’abord au proscenium, seul devant un rideau noir qui peu à peu perd de son opacité pour révéler des silhouettes des détenues, assises sur des bancs de bois brut, de chaque côté. La première soliste c’est Nénette (Claire Delgado-Boge), magnifique soprano qui sur la Habanera de Carmen chante son arrestation.
Le ton parodique ce sont les co-détenues qui vont le donner : Lulu de Colmar (Hélène Delavault, dont la chaude voix de mezzo-soprano bouleverse), Lulu de Belleville (Emmanuelle Goizé), Marguerite (Gaëlle Le Roi), Havas (Jeannette Fischer), sopranos émouvantes, et Marmotte (Carinne Séchehaye, troublante mezzo-soprano), que les chœurs relaient et soutiennent sur des airs populaires comme « Mon papa est venu me chercher » ou des liturgies comme le De profundis clamavit. Elles se moquent de leur peur et de leur faim, de leur corps amaigri : « notre sex-appeal était réputé, aujourd’hui la pile est bien déchargée », de leurs « petits païens » qui tombent, et elles rêvent de nourriture et de repos.
Les chœurs ? Ce sont les élèves des collèges Camille Claudel et Evariste Gallois du XIIIe arrondissement de Paris, avec leurs professeurs de musique, et la Maîtrise de Paris. S’y sont joints les jeunes danseuses des conservatoires municipaux de la Ville de Paris. Elles deviennent sujets dans le ballet des julots, elles deviennent brigade de restauration dans les songes des déportées, et troupeau des verfügbar qu’on emmène sans résistance à la mort.
Christophe Maudot a restitué les musiques qui ont demandé quelquefois beaucoup de recherches, et des re-créations. Les musiciens de l’orchestre de chambre Pelléas sont dirigés par Hélène Bouchez, et la formation passe avec art de l’opéra à la mélodie et à la chansonnette. Rien n’est vulgaire pour les grands mélomanes. Merci à tous dont la foi et la ferveur ont créé ce chef d'oeuvre.
On n’a trouvé que deux jours dans la programmation parisienne pour l’inscrire à l’affiche. Mais nous faisons confiance à tous ceux qui du parterre au poulailler ont communié dans l’émotion de ces représentations. Le Verfügbar aux enfers ne peut pas se terminer si vite. Il est aussi nécessaire que la lettre de Guy Môquet pour célébrer la mémoire et la fraternité, et ne jamais désespérer du genre humain.
Théâtre du Châtelet les 2 et 3 juin 2007
Le Verfügbar aux enfers "une opérette-revue à Ravensbrück"
* Le verfügbar est une déportée qui refuse de travailler pour le régime nazi, et qui, lorsqu’elle y est contrainte, sabote le travail : une sorte de « tire-au-flanc » à conscience politique.
(voir notes de fevrier 2006 et Mai 2007)
15:45 Écrit par Dadumas dans culture, éducation, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre, littérature, musique, Résistance, éducation | Facebook | | Imprimer
29/05/2007
Rire pour survivre
Germaine Tillion a aujourd’hui cent ans et elle nous invite à partager un moment terrible de sa vie.
14:35 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre, histire, littérature, résistance | Facebook | | Imprimer